De Guibert à Peignot, à Autréaux et Bénézet, Zone Critique s’aven- ture sur les scénographies familiales où les liens se tissent et se mélangent, entre parents faux et parents vrais, parents affectifs et parents biologiques, pour esquisser le tableau de ces fluctuations de places en jeu dans les rôles familiaux comme dans l’écriture.
Secrets de famille
Biaiser : les parentés parallèles
La place des origines
Continuité et rupture : destin, enracinement ou héros sans feu ni lieu
Le cas Modiano
Réinventer la famille hors de la mémoire
Annie Ernaux
Photos de famille
Catherine Ysmal
Des soliloques de feu
Edouard Levé
Dans cet article, la famille surgit seulement par effraction, ou par contraste. Il sera davantage question de la solitude, celle qui hante nos jours et interroge notre existence et celle à laquelle la famille ne peut pas vraiment remédier.
Jean-Marie Laclavetine
C’est par une journée de novembre 1968 qu’Anne-Marie (dite Annie) Laclavetine perd la vie, emportée par une vague meurtrière qui aura léché de trop près les rochers de la Chambre d’Amour à Anglet. Son frère Jean-Marie a assisté au drame qui a frappé de plein fouet cette famille qui avait tout pour être heureuse. Dès lors, une chape de plomb s’est abattue sur ses différents membres et d’Annie, il ne sera plus question explicitement. À la question de savoir qui était la jeune fille qui apparaissait sur telle photo, on répondait : « C’est une amie de la famille ». Ce non-dit a étreint les Laclavetine pendant cinq décennies et ce n’est qu’en 2018 que Jean-Marie, devenu le célèbre romancier et éditeur, part enfin en enquêteur sur les traces de sa sœur pour découvrir qui elle était vraiment et les raisons qui ont poussé sa famille à se murer dans le silence si longtemps. Il est alors allé de découverte en découverte et s’est rendu compte que ce drame, qui a été à l’origine de sa vocation d’écrivain, a toujours été présent, en filigrane, dans son œuvre. Il a accepté de revenir, pour Zone Critique, sur les deux derniers livres qu’il a consacrés à Annie, sa famille et les morts qui accompagnent sa vie : Une Amie de la famille et La Vie des morts. Deux livres autobiographiques qui tournent (peut-être défi- nitivement ?) la page de la fiction et qui marquent assurément un tournant dans la vie et l’œuvre de Jean-Marie Laclavetine.
Miguel Bonnefoy
Dans le dernier numéro de Zone Critique consacré à l’aventure, Théo Bellanger avait rédigé une critique du roman de l’écrivain français d’origine chilienne et vénézuélienne Miguel Bonnefoy, Héritage, publié aux éditions Rivages et lauréat du Prix des libraires 2021, qu’il qualifiait de « récit familial bouleversant ». L’écrivain a accepté de rencontrer Zone critique et revient, avec nous, sur le rôle joué par l’institution familiale dans son univers romanesque.
Le Roi Lear, ou la parole du père
On ne s’entretue jamais mieux qu’en famille. L’œuvre de Shakespeare, comme celle des tragédiens antiques, contient d’ailleurs de nom- breuses histoires familiales, et la paternité occupe, dans cette fresque sanglante, une place à part. Hamlet commence ainsi par la rencontre du spectre paternel, dont il faudra venger l’assassinat. Mais c’est en particulier dans Le Roi Lear que Shakespeare s’avance le plus loin dans l’analyse de la paternité. Inoubliable personnage de son œuvre, le vieux roi est avant tout le père de ses trois filles ; un fort mauvais père.
Les Thibault, mort de la famille bourgeoise
Au xxe siècle, Roger Martin du Gard publie une œuvre majeure, qu’Albert Camus définissait comme étant celle des « hommes du demi-siècle », ces hommes qui connaissent la transition entre la société traditionnelle, bourgeoise et catholique, et la société moderne, individualiste et athée. Les Thibault se présente ainsi comme une chronique familiale, celle du père Thibault, membre éminent de l’Institut, et de ses fils, Antoine, médecin, et Jacques, normalien en révolte contre l’autorité bourgeoise.