Bouger, changer, muter, voyager. Le mouvement perpétuel semble être devenu un impératif de société et de pensée. Dans le même temps, la rupture s’impose comme une condition nécessaire à l’innovation et à la modernité. Autant de tendances sous forme d’injonctions que nous décrypte le philosophe Daniel Bougnoux.
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Daniel Bougnoux
Je suis Charlie
Le visuel « Je suis Charlie », qui a fait le tour du monde au lendemain des attentats du mois de janvier, a une histoire. Son créateur l’a racontée : un simple copier/coller d’un logo précédé de quelques mots, sans vraiment réfléchir, sous le coup de l’émotion. Comment un geste technique presque automatique devient-il un mot d’ordre mondial ? Précisément parce qu’il est sans contenu.
Daech
Si Daech n’est pas un État, il a tout d’une vaste entreprise commerciale subitement passée d’une petite start-up du crime local à une multinationale infâme. En attestent sa stratégie de communication et les moyens qu’il utilise pour frapper nos esprits et imposer durablement sa marque dans notre paysage médiatique.
Ma marque, mon amie
À l’instar du slogan : « Le boeuf, le goût d’être ensemble », les marques de notre quotidien étaient, ces dernières années, celles qui nous réunissaient autour de leur produit. Lancée par Interbev, cette campagne avait pour but de réunir les amateurs de boeuf autour du concept du bien-vivre. La marque de demain va plus loin. Elle se propose d’anticiper les besoins de ses cibles en étant le plus connectée possible à son consommateur.
Les nouveaux journalistes
On peut à juste titre s’interroger sur ce qui pousse tant d’étudiants à vouloir épouser la carrière du journalisme : le métier paye peu, voire pas, son avenir est a minima hypothétique (le nombre de jounalistes baisse de façon drastique) et la considération qu’on en retire n’est guère à la hauteur de la rudesse et de la noblesse de la mission (une étude du site américain careercast.com positionne même la presse écrite comme un des pires métiers à exercer). Pourtant. Les volontaires affluent, se bousculent. Sans toujours saisir que les modèles d’hier, Rouletabille et autres Albert Londres ou Joseph Kessel, sont à remiser définitivement au placard. La donne – et avec elle le statut du journaliste – révolutionnée par l’émergence du digital a changé de fond en comble le modèle économique, et les modes collaboratifs de toute une profession.
Très exclusifs voyages
Exhiber un bronzage des îles lointaines au coeur de l’hiver est passé de mode. Mais plus subtilement, les modalités du voyage continuent de marquer des différences sociales très nettes entre les individus. Au coeur des pratiques actuelles, l’entre soi.
Retour au Grand Tour
Le tourisme massifié ne cesse de s’accroître chaque année en millions de visiteurs, de vols aériens, de dollars, de billets de musées et de centre de loisirs, en milliards de messages et de photographies numérisés et échangés… Les industriels du tourisme trouvent de plus en plus d’élu-e-s, dans n’importe quel pays du monde, pour les soutenir, considérant le tourisme comme la panacée en période de crise économique. Il n’en est rien. Mais plus profondément, le tourisme massifié s’apparente à un néo-colonialisme particulièrement toxique et pollueur.
Génération Y
Les nouveaux explorateurs
Un monde en mouvement
Entre développement du numérique, démocratisation des moyens de transport et émergence d’une nouvelle population de touristes, le secteur du voyage est amené à se réinventer. La barre du milliard de voyageurs, dépassée pour la première fois en 2012, prouve à quel point le monde d’aujourd’hui est plus que jamais mobile et global. Chaque année, l’Organisation mondiale du tourisme publie une étude chiffrée permettant de comprendre les évolutions du secteur du voyage. Des données qui démontrent que le voyage est un incroyable laboratoire sociologique, politique et économique permettant de mieux comprendre l’évolution des polarités de la planète.
Immigration - Voyage extrême
On les appelle « migrants ». Les assimilant par là à quelque troupeau d’oiseaux ou nuée de sauterelles mus par une force sauvage. Ils n’ont pas l’identité des Gitans ou des Roms, ils viennent de partout, d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Europe centrale. Ils n’ont pas demandé d’autorisation, ne se sont pas pliés à nos règles. Peu importe pourquoi. L’hospitalité due aux voyageurs ne leur est pas due, même à ceux uniquement de passage. Leur nombre, leur obstination à franchir nos obstacles viennent troubler notre regard sur le monde, sur la mondialisation.
Le voyage du héros
En 1949 paraît Le héros aux mille et un visages, un essai de Joseph Campbell. Le mythologue américain y présente son concept du monomythe, théorisant que toutes les mythologies et religions partagent une base commune : celle du voyage du héros. Il fournit le schéma de cette épopée initiatique, qui sera ensuite exploitée par bien des écrivains et scénaristes. Mais pas seulement. La communication s’est emparée de la trame mise à jour par Joseph Campbell et du thème du voyage pour les utiliser dans de multiples domaines.
Le voyage forme aussi les belles lettres
Depuis l’Odyssée – c’est-à-dire depuis l’origine – la littérature a quelque chose à voir avec le voyage. Et le voyage, avec la littérature. Stendhal, Conrad, Stevenson, Loti, David-Néel, Bouvier : les écrivains voyagent, les voyageurs écrivent. Les lecteurs, quant à eux, sont embarqués en rêve, quand ils ne prennent pas littéralement la route à la suite de leurs auteurs favoris. Tour d’horizon.
Profession reporter
« Si je suis devenue journaliste, ce n’est pas pour jouer les droïdes derrière mon écran. » Cette phrase balancée au nez de mon rédacteur en chef, après trois ans de bons et loyaux services a sonné le glas de mon CDI, le début de ma liberté et des grands reportages.
Le zapping du routard
On a bien découvert l’Amérique grâce aux séries télévisées, pourquoi les programmes consacrés au voyage ne nous permettraient-ils pas de découvrir le reste du monde depuis notre canapé ? La bien nommée chaîne « Voyage » y est même entièrement dédiée, répertoriant ce qui se fait de mieux en la matière. Mais pour plaire au plus grand nombre, plusieurs tendances d’émissions se sont imposées, nécessitant l’envoi d’une armada de journaliste-reporters d’images (JRI), animateurs, cadreurs et baroudeurs sur zone(s). L’empreinte carbone et la redevance en ont immédiatement pris un coup.
Les nouveaux voyagistes
Fort d’une progression régulière du nombre de touristes dans le monde, le voyage bouge et se porte bien. Mais pas pour tout le monde. Des acteurs innovants jouent les trouble-fêtes et empêchent que l’optimisme soit partagé par tous. De nouveaux voyagistes challengent un secteur avec des modèles qui changent la façon d’aborder son voyage. Souvent au détriment des anciens. Et ça va vite !