Héroïnes

Solidarités

par Daoud Najm

« Je remarque qu’aujourd’hui la solidarité ne se nourrit plus seulement d’urgence, de questionnement et de volonté de changement, mais qu’elle s’abreuve sans intermédiaire à la colère, la rage, la provocation, la transgression comme le font les œuvres d’art et l’écriture. Il existe désormais une solidarité au féminin qui œuvre comme la création." En lisant ces mots de Nicole Brossard dans le dernier numéro de Lettres québécoises, je me suis pris à penser à toute une génération d’écrivaines québécoises des années 1980. Il est vrai que l’« urgence », le « questionnement » et la « volonté de changement » nommés ici sont partie prenante d’une pensée féministe dont l’apport critique s’est défini dès les débuts de Spirale.

Je n’irai pas à Valladolid

par Stéphane Martelly

Entre 1550 et 1551, le dominicain Bartolomé de Las Casas et le théologien Juan Ginés de Sepúlveda se sont écrit et rencontrés au Collège de Valladolid, en Espagne, pour débattre de l’âme des Autochtones d’Amérique. La colonisation avait déjà produit suffisamment d’atrocités pour émouvoir Charles Quint, qui tentait, dans un geste d’humanité chrétienne, de déterminer avec les plus éminentes têtes de son époque « la manière dont devaient se faire les conquêtes dans le Nouveau Monde, suspendues par lui, pour qu’elles se fassent avec justice et en sécurité de conscience ».

Des héroïnes à notre mesure

par Chloé Savoie-Bernard

Étymologiquement, héroïne signifie « demi-déesse ». Être héroïne, ce serait ainsi constamment flirter avec le divin, mais ne jamais complètement y accéder, se tenir dans son antichambre. Presque déesses, les héroïnes n’ont pas à se mesurer à la perfection de celles qui le sont entièrement. Elles sont aussi mortelles et, derechef, faillibles. Il n’est pas dit que leur mascara ne coulera pas, que l’ourlet de leur robe ne sera pas décousu, qu’elles ne feront pas brûler le souper. Être faillibles ne les empêchera pas de travailler à rendre le monde plus habitable.

Kapesh : retourner les armes

par Alex Noël

Ce texte n’aurait jamais dû sombrer dans l’oubli où nous l’avons laissé. Il aurait dû être enseigné dans les écoles, lu, étudié, traduit, récompensé. Jusqu’à tout récemment, il ne l’a pas été, sinon très peu. Premier livre publié par une Innue, il aurait dû être considéré comme un jalon incontournable de l’histoire de la littérature telle qu’elle s’est écrite au Québec. Il ne l’a pas été.

La “Shero” en soi

par Fanie Demeule

À une journaliste qualifiant la série de « rape and revenge », l’autrice et réalisatrice anglaise Michaela Coel répondait qu’il s’agissait d’autre chose. En effet, contrairement aux auspices possiblement fatidiques de son titre, I May Destroy You (2020) se distancie des canoniques histoires de ven- geance sanguinaire pour proposer autre chose : d’abord, il y a beaucoup plus qu’un bourreau et une victime. C’est un récit intime de survivances multiples, d’amitié et de création vitales, entre le rire et le drame. Un récit de réappropriation du vécu de Coel à travers le processus de création littéraire, comportant ses parts de destruction et de reconstruction. Un récit d’une lucidité qui n’épargne personne, pas même son héroïne, pas même ses spectateurices. En effet, la destruction évoquée par le titre, dont le « may » induit une incertitude quant à la destruction potentielle, est à faire résonner au sens large. Alors qu’on pourrait s’attendre à ce que cette série se rallie au mouvement #metoo, il le déplace subrepticement, nous amenant à entendre un #youtoo. Une œuvre tout en demi-teintes et en nuances, s’amusant à détricoter le vieux binôme bien/mal avec une honnêteté déconcertante et un humour cinglant, sans compromis.

Le piège

par Martine Delvaux

Vous raffolez des héroïnes. Vous les aimez à mort. Un peu, beaucoup, à la folie, et au fond, pas du tout. Vous aimez les fabuler, les fabriquer dans votre laboratoire pour les exposer ensuite dans votre cabinet de curiosités, là où vous les installez, ces femmes, moins vivantes qu’empaillées, question de les regarder encore et encore, pour qu’elles existent dans votre regard, femmes immobiles, inodores et incolores, femmes-objets, femmes-images, femmes de papier. Cette femme-ci, et puis celle-là, et puis encore celle-là, toujours les mêmes, et la prochaine fois, il y en aura une autre que vous choisirez aussi de faire briller pour que les éclats de lumière vous retombent dessus.

La sainte de Christopher Street

par Florence Ashley

La sainte de Christopher Street, Marsha P. Johnson. Plus que toute autre, elle siège au panthéon des héroïnes des communautés trans. Nous connaissons son nom, son visage, sa réputation d’instigatrice des émeutes de Stonewall. Comme héroïne, elle est incontournable.

Nadège Grebmeier Forget

par Didier Morelli

Wonder Woman

Tableau(x) de chasse

par Laurence Perron

Artiste en deuil cherche éditeur

L’ordre et le cadre

par Nicolas Lévesque

On parle trop peu de l’importance des expériences de transfert par le biais de la lecture.

Le degré infini de la lague

par Khalil Khalsi

L'exception d'une traduction humaine

Barthes au temps du ghosting

par Pierre Popovic

En première de couverture, l’illustration de Célia Caillois montre un Roland Barthes relooké. Jeune encore quoique le cheveu gris, décontracté, le regard malicieux et un rien de complicité dans le sourire, assis sur un petit mur rouge, vêtu d’une veste et d’un pantalon ocres et cosy, chaussé d’une paire de running shoes aux lacets verts finement noués, Barthes glande.

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