Nous souhaitons nous intéresser aux figures singulières de Dieter Roth (1930-1998) et Michel Blazy (né en 1966). Tous deux ont réalisé des œuvres pourrissantes, en matériaux organiques ; le premier dans le courant des années 1960-1970, le second à partir du début des années 1990. Seront évoquées la question du protocole dans ces pro- cessus créatifs, ainsi que la façon dont les institutions ont réagi face à de telles productions. La question de la rematérialisation dans l’art contemporain sera ici considérée en faisant un pas de côté, en regar- dant le travail de Michel Blazy à la lumière des subtilités matériolo- giques de Dieter Roth. La dématérialisation de l’œuvre, thème capital dans l’histoire de l’art des années 1970, ne serait pas forcément là où on pense la percevoir.
Rematérialiser l’art contemporain
De Dieter Roth à Michel Blazy, le protocole en question
L’art conceptuel n’existe pas
En 1973, Lucy Lippard publie la première chronique d’envergure qui re- cense, année par année, un ensemble choisi de textes, d’œuvres et de documents divers qui dessinent le panorama d’une activité singulière d’artistes offrant, selon elle, un «regard lucide sur ce que la place de l’art comme l’art lui-même étaient supposés être ».
La solidification du vide de Rachel Whiteread : l’invisible se matérialise
En 1952, Luigi Moretti, architecte et fondateur de la revue Spazio. Rassegna delle arti e dell’architettura écrivait : « [...] l’espace vide des intérieurs architecturaux s’oppose exactement aux aspects formels et intellectuels de la matière [plasticité, densité, construction, etc.] en tant que valeur spéculaire, symétrique et négative, comme une vraie matrice négative, et en tant que tel [l’espace] est capable de se résumer lui-même en ses termes opposés ».
Réfléchir par la matière en design Normal Studio, Martin Szekely, Konstantin Grcic
« Konstantin Grcic : Nous avons [...] utilisé ce treillis métallique qui nous a aidé à travailler les formes: nous tenions alors notre ma- quette. Il s’agit là de véritables instants de création. Vous partez de rien et vous construisez quelque chose. [...] Vous réalisez rapidement un grand nombre de modèles. [...] Raison pour laquelle nous travail- lons de manière assez primitive, en utilisant également beaucoup de papier ou de carton. C’est très libérateur car ce qui importe est le pro- cessus de pensée. Journaliste : Penser avec ses mains ? Konstantin Grcic : Exactement. »
Bioart et néo-matérialisme
S’il est vrai qu’un processus de rematérialisation de l’art est en cours, le bioart en est certainement une manifestation incontestable. Cette pratique, qui consiste à manipuler de la matière organique vivante au moyen des biotechnologies, est très intéressante non seulement en ce qui concerne l’art contemporain, mais aussi parce qu’elle nous permet de prendre en considération la tendance néo-matérialiste caractérisant aujourd’hui une partie de la théorie des sciences.
L’architecture organique de la Gue(ho)st House
Les processus plastiques qui laissent libre cours aux propriétés édificatrices de la matière font naître un rapport physiologique à l’œuvre. Dans Le Mou et ses formes, Maurice Fréchuret établit une classification des productions artistiques utilisant la puissance créatrice des matériaux, ainsi que leur force d’évocation redéfinissant les formes de la sculpture moderne.