Dans son ouvrage Penser la pornographie (PUF, 2003), le philosophe Ruwen Ogien (1947-2017) réfute les arguments des pornophobes, qu’ils se disent conservateurs ou progressistes. Tandis que les uns considèrent la pornographie comme une menace pour la cellule familiale, et les valeurs traditionnelles qu’elle incarne, les autres critiquent la dégradation des relations humaines qu’elle génère. Ses objections reposent sur une éthique minimale dont un des principes est celui de ne pas nuire à autrui. Selon Ogien, on devrait considérer inoffensive la production ou la consommation d’images pornographiques pourvu qu’elle ne porte pas préjudice à quiconque. Pour en discuter, il examine attentivement les points de vue des groupes d’individus s’opposant à la pornographie en misant sur une conception substantielle du bien sexuel prétendument inhérente à la nature humaine.
Porn·O
Penser autrement la pornographie
De l’autoportrait à l’autopornographie : une généalogie d’une pratique féministe et queer
Dire que l’art et la pornographie sont considérés comme deux types de produits culturels distincts, voire antinomiques, relève de la banalité. En fait, à l’image des gérant·e·s d’estrade pour le sport d’équipe, on se plaît à vouloir classer toutes les représentations visuelles ou littéraires abordant la sexualité, soit pornographique, soit artistique ou érotique, deux cases que l’on veut hermétiques. Or, les critères de ce qui fait basculer une oeuvre d’art en pornographie varient selon les époques, d’où l’intérêt de parler d’argument, à la suite de Walter Kendrick1, plutôt que de choses ou de représentations spécifiques.
Lorsque les musées déjouent ladite “ pornographie ” de leurs œuvres
En 1989, l’exposition itinérante Robert Mapplethorpe: The Perfect Moment enclenche l’histoire des controverses internationales liées à la présentation institutionnelle d’oeuvres qualifiées dans la sphère publique de «pornographiques ». Son financement, issu des fonds publics, inquiète les lobbys religieux qui s’opposent à la présentation d’images à caractère sexuellement explicite montrant notamment des personnes homosexuelles et des pratiques de BDSM. La Corcoran Gallery of Art de Washington annule la présentation, générant ainsi un procès contre l’institution muséale partenaire et créant alors le premier grand scandale de l’histoire des expositions.
Éclater le plaisir solitaire
Nous baignons dans une ère de la guérison sexuelle. Certes, cela ne signifie pas que nous soyons venu·e·s à bout de la violence basée sur le genre; seulement, depuis le début du mouvement #MeToo, nous sommes de plus en plus nombreux·ses à tenter de compenser le poids qu’elle exerce sur nos corps. Définir les traits d’une sexualité émancipée du cadre de l’hétéropatriarcat, du racisme et d’autres formes d’oppression qui compriment nos univers érotiques n’est pas une mince tâche. Nous avons nommé notre douleur; et maintenant, que faire?
Fuck the neoliberalism ! L’activisme artistique et post-porn de MariaBasura
Parmi les actions performatives queers·féministes les plus radicales, l’engagement de l’artiste d’origine chilienne MariaBasura se démarque. Avec le projet filmé Fuck the fascism (2015-)1, elle affronte avec une brutalité fascinante les vestiges colonialistes, arpentant en équipe de performeur·euse·s les capitales européennes, harnachée d’une queue de diable et d’un godemichet ceinture, vomissant sur les plaques commémoratives, grimpant sur les monuments, baisant les statues et la terre dans les parcs.
Le ciel comme promesse : généalogie de la création d’images inspirées de la porno par des artistes gais
Toute étude sérieuse de la pornographie fait nécessairement face à une série d’enjeux formels et génériques – le débat quasi insoluble qui oppose «érotisme» et «pornographie», ou l’assertion inutile du juge Potter Stewart (« Je sais la reconnaître [l’obscénité] quand je la vois »), par exemple –, ainsi qu’à des questions politiques : le pouvoir patriarcal et le regard masculin, entre autres. Dans son ouvrage révolutionnaire Hard Core: Power, Pleasure and the “Frenzy of the Visible” (1989), Linda Williams reconnaît les problèmes de définition liés à la pornographie tout en essayant d’établir une base solide sur laquelle fonder son analyse.
Les nouvelles pornographes
Vers la 50e minute de l’émission spéciale Nanette (2018), diffusée sur Netflix, la comédienne Hannah Gadsby lance ce mot d’esprit : «[L]’histoire de l’art occidental n’est que l’histoire d’hommes qui peignent des femmes comme s’il s’agissait de vases de chair pour les fleurs de leur bite. » L’érotisme et l’esthétique sont si intimement liés depuis que le soi-disant «plus vieux métier du monde» existe (aujourd’hui appelé travail du sexe) qu’ils deviennent une source d’inspiration l’un pour l’autre. Ainsi, l’art et la pornographie ne peuvent être placés dans des catégories distinctes, ils sont à jamais unis dans l’histoire comme dans la contemporanéité.
Michael Martini : jeux de rôles et de mots
Michael Martini gambade sur la scène avec un panier de friandises, il chante les paroles modifiées de Mommy Dear. La berceuse provient de The Naked Kiss, un film de 1964, qui raconte l’histoire d’une travailleuse du sexe fuyant son proxénète pour aller vivre en banlieue et devenir infirmière, mais qui découvre ensuite que son fiancé moleste des jeunes filles. Martini remplace le mot «Mommy» par «Daddy». Ainsi s’amorce la scène d’ouverture de la performance What if Hansel Consented to Being Burned Alive, réalisée dans la cour d’une maison, louée pour la soirée, située sur la rue Saint-Urbain à Montréal.
Le grotesque et le sublime dans Five Penises
Au risque d’utiliser un mauvais jeu de mots, il y a beaucoup de choses à assimiler lorsque l’on contemple le tableau An Old Man from Vasad Who Had Five Penises Su¤ered from Runny Nose (1995) de Bhupen Khakhar. Un homme aux yeux bleus regarde à l’extérieur de la toile. Un linge est déposé sur sa tête, probablement une serviette, dont il use de l’extrémité pour essuyer, comme le titre l’indique, son nez qui coule. Il est placé au premier plan, devant une porte, entouré d’images d’une voiture et, sur le côté, d’une vache. Cette configuration d’espaces liminaux – comme si l’on se trouvait simultanément à l’intérieur et à l’extérieur ou dans un monde rural et urbain – est devenue caractéristique de l’oeuvre de Bhupen Khakhar. S’il a amorcé sa carrière en représentant la banalité de la classe moyenne, il s’est peu à peu dirigé vers une représentation de la dissolution des frontières entre les classes, les espaces et les désirs.
Pouvoir porno
Mon premier véritable souvenir d’une photographie de corps nu remonte à l’âge de douze ans. C’était en 2005, et j’étais en 7e année dans une école catholique privée pour garçons. Je me doute bien que j’avais déjà été exposé à la nudité auparavant, mais c’est à ce moment-là que j’ai compris qu’une telle image pouvait être particulièrement érotique ou émoustillante. L’école était séparée en deux ailes, primaire et secondaire et, en 7e année, nous quittions l’enfance de la première pour l’adolescence de la seconde. Avec cette transition, à un âge où les hormones s’emballaient et où la sexualité faisait son entrée dans nos vies, nous avions nouvellement accès aux étages supérieurs, jusque-là interdits, et à des lieux comme la bibliothèque des « grands». Un jour, sur l’heure du dîner, il y a eu une ruée vers ladite bibliothèque où je passais souvent mon temps à me cacher des autres garçons. Ils se sont tous attroupés autour d’un livre dans l’un des rayons du fond. Ils m’ont fait signe de m’approcher et m’ont montré une image pleine page montrant une femme nue.
Singapore Biennale, Natasha
Lost on the docks in Singapore’s Tanjong Pagar Distripark, while looking for the Singapore Art Museum (SAM) located in an industrial warehouse on the island-country’s key waterfront, the relationship between contemporary art, flows of capital and luxury merchandising comes to mind. Seeking to diversify its audience and “shift away from the four walls of a museum as part of plans to diuse art into various parts of Singapore,”1 SAM’s 2022 move to this new location aligns with late 20th and early 21st century art world tendencies to marry the real estate vacancies of deindustrialization with the aesthetics of large-scale sculpture, ambitious installations and immersive environments.
Dominique Sirois, L’eau souillée est devenue poussière bleue sous les rayons du soleil
L’exposition L’eau souillée est devenue poussière bleue sous les rayons du soleil de l’artiste Dominique Sirois, commissariée par Jean-Michel Quirion, propose diverses représentations de la femme avec, comme trame de fond, le récit mythologique de Danaé. Isolée dans une tour, à l’abri de la prédiction d’un oracle, Danaé est fécondée par Zeus personnifié par une pluie d’or servant d’allégorie à la fertilité. L’artiste réactualise le mythe grec en traitant plutôt d’hypersexualisation par l’entremise d’une série d’oeuvres séparées en deux corpus distincts. Ces derniers nous renvoient à l’indigo et au safran, deux plantes utilisées pour leurs pigments. Teintant respectivement et métaphoriquement les deux propositions picturales, elles donnent au récit et aux oeuvres leur couleur, et informent sur leur matérialité.
Diane Gougeon, Les papiers peints de demain
Après plus de deux années de travail en atelier, l’artiste montréalaise Diane Gougeon présente, d’octobre 2022 à mai 2023, Les papiers peints de demain, sa plus récente série d’interventions in situ, répartie dans des organisations culturelles et des institutions d’enseignement entre les villes de Longueuil, Montréal et Sherbrooke. Sept tapisseries se retrouvent dispersées dans sept endroits, en sept temps. Ces espaces-temps s’appréhendent comme une quête indicielle d’impacts anthropiques.
Sonic Fields of Reflection
Sound, we know, is generated by the vibration of particles through matter. These particles travel in waves and reach our eardrums, where they are transmitted to the brain as electrical signals. At its core molecular level, then, sound is an inherently dynamic and relational phenomenon that involves movement, transmission and interaction at both the sending and receiving ends. The exhibition Sonic Fields of Reflection presented at Artexte builds upon these intrinsic properties of sound—its ability to move and set things in motion, convey information and forge links between bodies.
Jean-Maxime Dufresne et Virginie Laganière, La Montagne radieuse
L’exposition La Montagne radieuse présente un corpus récemment créé par le duo formé de Jean-Maxime Dufresne et Virginie Laganière, avec des oeuvres témoignant d’une profonde sensibilité envers les milieux alpins leur ayant servi d’objets d’études. L’ensemble rend compte de recherches e¹ectuées par les artistes lors de plusieurs séjours en résidence à La Becque, en Suisse. Sous le commissariat de Gentiane Bélanger, directrice-conservatrice de la Galerie d’art Foreman, La Montagne radieuse se distingue par une mise en espace dont les qualités architecturales complémentent les interventions visuelles et sonores.
Dawit L. Petros, Spazio Disponibile
Devant l’amnésie de l’État italien au sujet de son rôle dans l’histoire coloniale de l’Érythrée, de l’Éthiopie et de la Libye durant la période fasciste (1925-1943) et l’insu¼sance d’initiatives gouvernementales pour contrer la récente cristallisation du racisme qui touche les migrant·e·s africain·e·s, l’artiste Dawit L. Petros présentait, au début de l’hiver, une exposition polysémique intitulée Spazio Disponibile [Espace disponible] à la Galerie de l’UQAM. Petros, artiste et professeur canado-érythréen, installé aujourd’hui à Chicago, et la commissaire italienne Irene Campolmi, historienne de l’art résidant à Copenhague, partagent une expérience commune de l’immigration et priorisent ainsi une scénographie où la représentation du transit prédomine afin d’illustrer les divers mouvements de mobilité entre l’Italie et l’Érythrée aux 20e et 21e siècles.
Josué Azor, Emmanuel Galland et Roberto Stephenson, Haïti — Territoires informels
Le premier y habite depuis toujours, le deuxième y a souvent séjourné, entre 2000 et 2017, et le troisième, d’un père haïtien et d’une mère italienne, y a vécu près de vingt ans. Les «territoires informels», proposés par les trois photographes, désignent des espaces aux contours flous qui ne sont ni géographiques ni étatiques. Une imagerie qui di¹ère de l’Haïti meurtrie dépeinte par les médias. Il s’agit de la toute première itération de l’exposition qui sera ensuite présentée par Art-image à Gatineau durant l’été 2023. L’initiateur du projet, l’artiste et commissaire Emmanuel Galland, est connu pour le commissariat de l’exposition HAÏTI À VIF – Quinze photojournalistes québécois témoignent du 12/01 sur le vif et après-coup. Dans une perspective tout autre, Galland réunit maintenant trois di¹érents points de vue photographiques, dont le sien, qui rendent visible l’infra-ordinaire1 haïtien.
Lisette Lemieux, Tramer le monde
De retour dans la région qui l’a vue naître, l’artiste Lisette Lemieux propose, au Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger, une exposition rétrospective de l’essence de ses cinquante dernières années de création qui souligne en même temps des questionnements toujours actuels. Sis au centre-ville de Victoriaville, l’espace d’exposition est au coeur d’un tournoiement artistique e¹ervescent. Le lieu ouvert et vitré qui l’accueille, le Carré 150, se veut la plaque tournante d’un pôle culturel centré sur l’ouverture, l’éducation, la monstration et la médiation des arts, la transparence de ses façades invitant à y plonger.
J’entends ton chaud murmure à travers la brume froide
C’est en pleine période de transition saisonnière, à l’aube du solstice d’hiver, que s’est déroulée J’entends ton chaud murmure à travers la brume froide, rassemblant les artistes Glenn Gear, Carla Hemlock et Christine Sioui Wawanoloath. Sous le commissariat de Camille Larivée, l’exposition collective se veut un hommage au changement des saisons et au territoire abénakis dans lequel prend ancrage le centre DRAC. À tour de rôle, les artistes expriment à leur façon leurs a¹ection, attachement et reconnaissance envers cette nature qui aime en retour.
Undone
The works in Undone displayed a series of tensions—between images and objects, between materials and process, between representation and abstraction. This made viewing the seven artists’ works in the exhibition (all but two from Sackville) both dynamic and unsettling. Dynamic because the artists’ witty and quietly subversive use of materials defused one’s expectations, and unsettling because the ground upon which to judge one’s perception of the works seemed to be constantly shifting. What preconceptions I had going in were, well, undone. Despite being solidly based in the hand-made, in near obsessive and almost mundane busy work—cutting, stacking, weaving, sewing—Undone felt slippery, at least in terms of the works being amenable to the viewer’s reading.