Ne mentez pas. Comme tout le monde, vous avez suivi le dernier épisode de l’« affaire » : le retour. Comme tout le monde, vous avez aperçu le sourire radieux d’Anne Sinclair au milieu des caméras. Comme tout le monde, vous avez râlé contre la médiatisation insensée de cette arrivée (et comme tout le monde, vous ne regardez qu’Arte). D’accord, il n’y avait rien à voir, mais ce n’était pas une raison pour ne rien montrer. Et pourquoi pas, tant qu’on y est, nous demander, à nous les journalistes, de nous taire quand nous n’avons rien à dire ? Vous voulez la mort de la presse, ce pilier-de-notre-démocratie?
Appauvrissez-vous
L’intimité, un souvenir du monde d’avant
Des innocents et des hommes
Tous médias confondus, les commentaires entendus après l’abandon des charges contre DSK m’ont furieusement rappelé la belle réplique de Marcel Pagnol : « C’est très joli d’être innocent, mais il ne faut pas en abuser. » Si je comprends bien, ce n’est pas parce que DSK ne sera finalement pas poursuivi qu’il serait innocent. Ah bon.
Faute de démocratie, les Égyptiens ont trouvé un ennemi
Si la révolution égyptienne – et le « Printemps arabe » en général – étaient imprévisibles, les épisodes suivants se sont révélés plutôt décevants tant ils étaient prévisibles : la chute du tyran n’ayant pas produit de changements miraculeux, l’euphorie de la victoire a cédé la place à la frustration et au désenchantement, tandis que l’unité révolutionnaire volait en éclats, laissant apparaître de notables divergences sur la stratégie à mener pour l’après-Moubarak. Mais qu’on se rassure, l’union sacrée s’est reformée pour désigner le bouc émissaire responsable de toutes les plaies d’Égypte : Israël.
La guerre en Afghanistan vue par ceux qui la font
Vers 18 heures, quand le soleil descend sur les montagnes, le trafic sur Jalalabad Road, en direction de Kaboul, se densifie. Les voitures civiles et militaires, les 4x4 blindés des contractors et les charrettes des éboueurs avancent au pas. Soudain, les silhouettes sombres et lourdes des hélicoptères de l’armée américaine se détachent sur le ciel, en silence, évoquant Apocalypse Now. Magnifique et triste. « Autrefois, les gars qui rêvaient d’une vie aventureuse s’engageaient à la Légion étrangère. Aujourd’hui, ils choisissent d’être contractors », me confie R., un ancien des Forces spéciales britanniques qui, depuis la deuxième guerre en Irak, travaille pour ce qu’on appelle pudiquement une « société militaire privée ».
Retour sur les “événements ” de Tottenham
Les Britanniques ne savent toujours pas ce qui les a frappés, sans prévenir, durant les nuits du 6 au 9 août. En tout cas, ils ne savent pas comment le nommer. Dans un premier temps, le terme « émeutes », dont on a immédiatement affublé les scènes de violence urbaine qui passaient en boucle sur BBC News, a été bien utile. Mais aujourd’hui tout le monde se dispute sur leur qualification, donc sur leur véritable nature exacte.
La Birmanie est une tragi-comédie
Depuis que je suis arrivé en Birmanie, en ce début 2011, je suis hanté par les paroles de Rangoon Lhassa, la tuerie raggamuffin de La Souris Déglinguée. Sauf que c’est la saison sèche et que les rues ne sont pas encore noyées sous la mousson. Mais le changement de décor a de quoi ébranler l’Occidental, surtout s’il arrive de la Thaïlande voisine : chaussées éclatées, superbe architecture victorienne plus ou moins laissée à l’abandon, jeunes rockers en treillis avec casque SS sur la tête... on imagine difficilement plus glauque. Mais c’est surtout la torpeur ambiante qui frappe : les habitants vaquent à des tâches sous-payées en traînant les pieds – qui leur en voudrait de glander dans un pays dont la devise semble être No future ?
L’eugénisme, valeur de progrès ?
Un malaise, puis très vite, de la colère. Voilà ce que j’ai ressenti le 14 août en lisant un article du JDD nous annonçant la mise au point imminente de tests sanguins permettant de connaître, au bout de sept semaines de grossesse seulement, le sexe de son futur enfant. Alors que jusque-là, c’était lors de l’échographie du premier trimestre1 que l’on pouvait savoir si la chambre serait peinte en rose ou en bleu, ce test, qui coûterait 200 euros en moyenne aux futurs parents, serait ainsi réalisable bien avant l’échéance des douze semaines, délai légal pour avorter.
L’état ne peut pas rien
On va dans le mur. De l’extrême droite à l’extrême gauche, des bastions de l’orthodoxie au camp de l’« autre politique », des libéraux purs et durs aux étatistes forcenés, voilà au moins un point sur lequel tout le monde s’accorde. Sauf que personne ne sait vraiment à quoi ressemblera ce mur, et encore moins ce qu’on trouvera derrière. Vous, je ne sais pas, mais moi, quand on m’explique, même avec le talent et la lucidité de Jean-Luc Gréau, que «l’euro va éclater» ou qu’un «grand krach des marchés du crédit et des actions est redevenu possible», je comprends bien que ça ne va pas être marrant, mais mon imagination s’arrête là.
Entretien avec Jean-Luc Gréau
Gil Mihaely: Nous voici à nouveau exposés au risque d’une récidive de la crise de 2008. Imaginons que vous soyez conseiller du Prince. Quelles seraient les mesures urgentes à préparer pour y faire face, sachant que les États, financièrement exsangues, n’ont plus de cartouches disponibles ?
Relocaliser, réinvestir, redémarrer
La France est un pays dont la base industrielle s’est rétrécie (30 % de la valeur ajoutée en 1982, 13 % aujourd’hui) et dont le commerce extérieur est presque aussi gravement déficitaire que celui des États-Unis (70 milliards d’euros en 2011 pour la France – 600 milliards de dollars pour les États-Unis).
La “règle d’or ”, nouveau veau d’or ?
Selon l’humeur du moment, les prétendants socialistes vont être amenés à s’embrasser, s’ignorer ou s’insulter. Mais quoi qu’ils fassent, ils le feront avec les mains attachées dans le dos : ils sont tous, ou au moins les favoris, enserrés dans la nasse de la « règle d’or ». Pour être plus précis, disons que ce joli piège tendu par le Président de la République va leur serrer le kiki petit à petit jusqu’à les étouffer : c’est très affaibli que le vainqueur ou la vainqueure des primaires affrontera Sarkozy au premier tour. Quant au second...
Comment imposer un milliardaire?
« Les gens riches sont différents de vous et moi. » Francis Scott Fitzgerald observait cette évidence dans sa correspondance avec Ernest Hemingway. Mais on le sait depuis La Lettre volée d’Edgar Poe, seuls les grands écrivains ont le don de repérer « ce qui va sans dire », « ce qui va de soi », et qui est justement ce qui pose problème.
La seule crise, c’est celle de l’anticapitalisme
Nous sommes en 1944. Lorsque Ludwig von Mises écrit ces quelques lignes qui introduisent son Omnipotent Government où il décrit les causes de la montée du national-socialisme en Allemagne et les politiques qui ont précipité le monde dans une des guerres les plus destructrices de l’Histoire, les gouvernements du monde libre s’apprêtent à parapher les accords de Bretton Woods qui entreront en vigueur le 22 juillet et négocient les premiers accords de libre-échange − qui seront signés en 1947 à Genève sous le nom de GATT.
Précarisés par la croissance ou étranglés par l’austérité ?
Au creux de l’été, pendant l’entracte du remake de Un Éléphant, ça trompe énormément qu’a offert DSK au monde, les marchés − cela n’a pas pu vous échapper − se sont invités dans l’actualité, et pas qu’un peu. Nasdaq, Nikkei, CAC 40 se sont littéralement personnifiés. En plein mois d’août, ils ont arbitré, reculé, plongé et finalement dégringolé quinze jours d’affilée... Il n’y en a alors plus eu que pour eux : on guettait leur réveil à Tokyo, on les bordait à leur coucher à New York, on leur prenait le pouls toute la journée, on a tout fait pour les convaincre, les rassurer, on a prié pour que leur état s’améliore. Tocsin de rigueur et mini-sommet franco-allemand, rappel de troupes ministérielles au trot.
La décroissance ou la décadence
Europe est fille de la mesure. Elle est malheureusement devenue mère de la jouissance, ce qui n’était pas du tout programmé dans ses gènes. Le libéralisme n’est qu’un passage, un mauvais rêve dans la nuit glacée qui a succédé à la clarté médiévale et qui n’attend que le cri du guetteur pour pâlir devant la nouvelle aurore.
Comment Berlusconi a enterré son propre plan anticrise
On a souvent dit que l’étonnante indulgence des Italiens à l’égard des frasques de Silvio Berlusconi s’expliquait par ses bons résultats économiques. Si c’est le cas, il ne faut peut-être pas parier sur la longévité du gouvernement de droite, soutenu par trois forces politiques : le Popolo della Libertà, PDL, qui est la « propriété personnelle » du Président du conseil ; la Ligue du Nord, de plus en plus divisée entre les amis du fondateur, Umberto Bossi, et ceux de l’actuel ministre de l’Intérieur, Roberto Maroni ; et enfin les transfuges d’autres partis, séduits par bien des promesses et des cadeaux.
Ne restez pas sur le seuil de pauvreté. Entrez !
Comment hériter d’un pareil fils ? Quel péché avoir bien pu commettre contre le Ciel et contre les hommes pour avoir engendré un abruti de cet acabit ? Francesco n’est plus simplement l’idiot de la famille, il en est devenu la honte ; et les Bernardone, la risée du tout-Assise. Le gamin est revenu de la guerre, il y a été fait prisonnier et, au lieu de choper un bon gros syndrome de Stockholm comme tout otage qui se respecte, il a viré frappadingue.
Entretien avec Michel Onfray
Michel Onfray ne fait pas exactement partie de la «petite corporation philosophique du moment », comme il dit. Aussi connaît-on généralement mieux sa pensée qu’on ne la comprend. C’est même pour ça que Causeur a pensé à lui causer.