Rêver d’autres mondes

Le lien n’est pas déplacé entre cette fameuse exclamation de ralliement des femmes iraniennes luttant depuis deux ans contre l’oppression – cela nous permet d’y apporter notre soutien – et le cœur battant de ce portfolio réunissant les portraits ou entretiens de cinq jeunes femmes réalisatrices d’animation. Toutes passées par ce vivier inépuisable des écoles de cinéma hexagonales, elles ont récemment franchi avec succès le pas de leur premier film produit professionnellement, dans des tonalités et selon des techniques des plus variées. Le court métrage d’animation est sans doute le territoire du cinéma sur lequel la parité s’affirme le plus nettement, permettant à ces cinéastes d’exprimer pleinement et librement toute leur créativité. Dans le sillage de leurs aînées, de Florence Miailhe à Marjane Satrapi, précisément citée comme référence par Camille Authouart, qui ouvre ce dossier, et dont le travail se déploie entre cinéma et illustration, son dernier ouvrage (paru aux éditions de l’Iconoclaste) s’intitulant justement... Femme, vie, liberté !

Petit à petit, Charlie Belin fait son nid. La jeune réalisatrice drômoise s’est fait remarquer par la science de son trait fin et son sens de la captation sonore, de La Paô à Blanquette, jusqu’au salué Drôles d’oiseaux. La subtilité de son observation se mêle à la délicatesse de ses récits graphiques. Et elle fait preuve d’un réel appétit pour son métier.

Des grains dans les doigts

Récemment restaurés et numérisés sous l’égide des Films de l’Équinoxe, ces films courts, réalisés entre 1947 et 1960, à l’époque du Groupe des Trente et de la naissance de la Nouvelle Vague, sont à redécouvrir de toute urgence.

2023 aura été une sacrée année, intense et pleine, pour Arthur Harari, associé en qualité de coscénariste à la Palme d’or décrochée au Festival de Cannes par Anatomie d’une chute de Justine Triet, sa compagne, tandis que Le procès Goldman de Cédric Kahn, qui faisait dans le même temps l’ouverture de la Quinzaine des cinéastes, le mettait sur le devant de la scène comme acteur. Il se mettait en parallèle sur la préparation de son nouveau long métrage en tant que réalisateur, qui sera interprété par Léa Seydoux et confirmera sans nul doute la réussite, saluée unanimement par la critique, d’Onoda, 10 000 nuits dans la jungle (2021). Le moment de s’entretenir longuement avec lui était donc venu !

Il y a d’abord la personnalité marquante de Vincent Fontano, découvert au Festival de Clermont-Ferrand 2020 grâce à Blaké. Il y a aussi deux films shortlistés pour le César 2024 du court métrage de fiction et un autre nommé l’année précédente en documentaire. Et puis, tout récemment, le premier film court jamais tourné à Mayotte. Une effervescence manifeste, enfin, tant au niveau de la création, de la production, de la formation et de la diffusion, via des structures et des festivals à la renommée croissante. Et si on s’intéressait vraiment à la France d’outre-mer ? Aimé Césaire avait lutté pour que ces territoires ne soient pas les grands oubliés de la décentralisation, il y a plus de quatre décennies. Force est de constater que les années ont passé mais qu’on n’en sait toujours pas suffisamment sur ces viviers culturels qui méritent pourtant toute l’attention, que ce soit du côté de l’aire caribéenne – donc les Antilles et la Guyane – que de celle de l’Océan Indien, autour de La Réunion. Puisse ce dossier être un point de départ pour que ce monde commence à être mieux connu...

Révélé par Blaké en 2020, Vincent Fontano a récemment confirmé toutes les promesses avec Sèt Lam, au point de devenir une figure incontournable du cinéma ultramarin, plus précisément celui de La Réunion, l’île où il est né et où il vit.

Le 30 novembre 2022, le lancement de ChatGPT (pour Chat Generative Pre-Trained Transformer) a fait entrer dans des millions de foyers l’intelligence artificielle. La postérité jugera si cette date aura changé la face du monde, mais il semble nécessaire d’explorer déjà les champs qui se voient ainsi ouverts — ou pas — dans le domaine de la création cinématographique.

De Mathilde Chavanne