Sélection présidentielle

Deauville à vau-l’eau

par Christophe Beney

Il fallait avoir déroulé un tapis rouge à l’hypocrisie pour ne pas signaler que l’absence de stars sur les plages normandes était symptomatique d’un mal beaucoup plus profond : l’absence de films. Assommé par les préoccupations vaguement sociales et une mauvaise conjoncture, Deauville 2008 a livré une sélection pénible et routinière, sans réelles découvertes. Vivement l’année prochaine ? Si les raisons de ce revers ne sont pas détaillées d’ici là, pas sûr.

Des armes de crocodile

par Nicolas Zugasti

Divine surprise du dernier festival de Gérardmer, Solitaire (Rogue en V.O), le second film de Greg McLean, aura été le grand oublié de l’été 2008. Difficile de rivaliser avec un robot romantique et un homme chauve-souris avec à peine 40 copies, soit moins que le nombre de dents (70) possédées par un crocodile ! Après Wolf creek, le réalisateur accouche pourtant d’une œuvre aussi puissante et cohérente. Rares sont les cinéastes alliant avec talent contraintes commerciales et intégrité artistique. McLean est de cette trempe et Solitaire l’impose définitivement comme un auteur de la plus belle espèce.

L’avenir lui appartient

par Julien Hairault

Loin de Hollywood, sur ses terres new-yorkaises, James Gray a su imposer sa classe folle et son style unique en se montrant le plus apte à renouveler le polar avec trois premiers longs-métrages remarquables. two Lovers, qui sort ce mois de novembre, emprunte sous la forme d’une comédie romantique détournée, nombre des thématiques déjà exprimées auparavant, et qui ont fait la réputation d’une Œuvre qui n’en est qu’à ses prémices. Retour sur un début de carrière étourdissant, marqué du sceau d’une écriture passionnée qui embrasse avec fougue le destin de personnages profondément humains.

Yeux sans frontières

par Pierre Gaffié

«Incroyable !» Quand on lui fait remarquer qu’au milieu de ses dix films favoris se cachent quatre histoires d’amour impossible, Mathilda May regarde – stupéfaite – la liste comme pour la vérifier. «C’est tout à mon fait mon questionnement actuel, maisà ce point là...» certes, il en va des listes comme des marées: toujours changeantes. Mais dans le ressac se cache un point d’équilibre qui en dit long sur nous. Surtout dans le cas de Mathilda May, actrice métamorphosée par l’écriture (un roman puis une pièce de théâtre) et dont les films fétiches furent souvent les prémisses de ce qu’elle se sentait capable de créer... ou de vivre.

Entre les murs

par Fabien le Duigou

Evacuons d’emblée la question de la Palme d’Or. À Versus, nous n’avons jamais pensé que la valeur d’un film se mesurait à ses récompenses. Bourré de qualités, le film de Laurent cantet peut finalement se résumer par son dernier plan : la classe vide, tables déplacées et chaises renversées. L’école est à l’image de la société : elle bouillonne, en laisse certains sur le carreau, et il arrive qu’elle explose. Soit en recherche constante d’une régulation lui permettant de fonctionner convenablement.

Les années de plomb dans la tête

par Nicolas Zugasti

Eduquer nos chères têtes blondes, plus qu’un métier est un sacerdoce. Ultime rempart entre une administration à la rigidité pesante et des étudiants rebelles, les profs ne peuvent que contenir leur exaspération. Bien loin des comédies potaches (Les sous-doués), des fables édifiantes (Le cercle des poètes disparus) ou des films documentaires (Etre et avoir), existe une kyrielle de métrages où l’on donne libre cours aux pulsions punitives et vengeresses. Des solutions certes extrêmes mais qui exposent un vrai malaise. comme la sociologie, l’éducation est parfois un véritable sport de combat.

Bandes réflechissantes

par Stéphane Ledien

Étonnante récurrence visuelle cet automne dans le cinéma de genre. Quoiqu’anecdotique à l’échelle de toute une actualité chargée, le reflet et l’objet qui le génère, le miroir, s’immiscent comme postulat de l’intrigue dans deux films aux ambitions diamétralement opposées: le décevant Mirrors d’Alexandre Aja, petit événement surfait du mois de septembre, et l’intéressant the Broken de Sean Ellis, en salles le 26 novembre. Deux facettes d’une même projection thématique, pâle figure chez l’un, réflexion aboutie chez l’autre.

Un bond en avant

par Eric Nuevo

Il a bien changé notre espion britan- nique préféré: blond quand il devrait être brun, le nez constamment dans la boue quand il devrait savoir se tenir. Et imberbe quand il aurait dû offrir à la gente féminine un minimum de poils au torse. Pourtant, Daniel Craig n’a rien à envier à ses prédé- cesseurs pour ce 22e épisode du célébrissime James Bond, Quantum of Solace, dont il endosse une nouvelle fois la défroque avec style. Et quand bien même il ne boirait plus son éternel Martini, impossible de ne pas succomber à ses charmes très... agressifs.

Président(s) d’un film

par Eric Nuevo

A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’Amérique n’a pas encore élu son nouveau président. Obama ou Mccain? Le vieux briscard de la politique ou le jeune et inexpérimenté sénateur de l’illinois? L’Amérique WASP conquérante ou soft et progressiste? Voilà quel combat se joue. Mais puisque les deux hommes se rejoignent sur de nombreux points et se défendent avec les mêmes armes, leur affrontement est donc moins idéologique que symbolique: ce ne sont pas seulement deux corps et deux pensées, mais bien deux images qui s’opposent. L’élection du 4 novembre se confond dans un double enjeu:politique d’abord, avec le changement de locataire de la Maison Blanche; cinématographique ensuite, car George W. Bush quitte le pouvoir suivi d’une traînée de casseroles filmiques, depuis la tripotée de documentaires critiques à son égard jusqu’à W., tragédie œdipienne vouée par Oliver Stone à cet «improbable président». Bush laisse derrière lui une image désastreuse de président manipulateur et va-t-en- guerre, ainsi qu’une cote de popularité historiquement basse; l’image filmée, en retour, ne l’a donc pas épargné, comme elle n’avait épargné aucun des présidents controversés de ces dernières décennies.

L’Amérique débusholée

par Fabien Le Duigou

Michael Moore ne pourra jamais assez remercier George W. Bush: c’est finalement grâce à lui qu’il obtient la Palme d’or pour Fahrenheit 9/11 en 2004. Et quoiqu’en dise Quentin tarantino, le président du jury, cette palme est éminemment politique. Une première dans l’histoire des États-Unis, le président devient une star de cinéma à peine son premier mandat terminé. Mais le personnage de Bush n’est plus le gentil cowboy symbolisant une Amérique vertueuse. Retour sur quatre documentaires prenant pour cible le dernier Président US.

Jeux d’arcanes

par Laurent Hellebé

Terme générique, l’Appareil d’État désigne les institutions en charge de faire fonctionner une nation. Le plus souvent, il s’agit de se référer aux structures majeures : gouvernement fédéral, ministères, congrès, sénat, services secrets, armée. Les employés de ces secteurs, tels les sénateurs et gouverneurs, respectent dans l’idéal des fondamentaux comme la probité et l’obéissance. Au quotidien, la politique génère ses complots et conflits. Les enjeux et les luttes au sein de la mégastructure sont majoritairement illustrés de manière fantaisiste au cinéma. La réflexion et la critique sont pourtant là, au cœur de l’entertainment

Tirez sur le Président !

par Eric Nuevo

En 2006, les abonnés d’une célèbre chaîne cryptée purent assister à un curieux spectacle : un faux documentaire mettait en scène l’assassinat de George W. Bush lors d’un discours troublé par des manifestations anti-guerre d’irak. La mort d’un président, réalisé par Gabriel Range à l’aide d’un mélange d’images d’archives et de séquences filmées, de par son réalisme impressionnant, nous plonge dans le doute : que se passe-t-il quand le président de la première puissance mondiale est assassiné ? c’est que, depuis la mort de Kennedy, le cinéma s’est régulièrement servi de ce motif anarchiste. c’est une histoire qui débute en 1963.

Bartlet from America

par Julien Taillard

Quand la télévision française ose se lancer dans la production d’une fiction présidentielle, elle accouche d’une ânerie de plus où une nunuche improbablement élue ne trouve rien de mieux que tomber enceinte à peine installée à l’Elysée. Quand c’est la télé US qui s’y colle, cela donne une fiction ambitieuse qui, soutenue par une écriture audacieuse et une production à l’avenant, fait le pari de s’adresser à l’intelligence de son spectateur non sans faire montre d’une véritable pédagogie de la machine politique.

Secret story

par Alexandre Paquis

Les films s’exportant plus ou moins bien, les voyages n’ont pas toujours été une envie mais plutôt une contrainte pour quelques cinéastes trop vite écartés. Orson Welles n’a pas échappé à la règle du «va voir ailleurs» et après quelques succès et non des moindres aux Etats-Unis, c’est en Europe que le cinéaste a dû s’exiler durant les années 50 pour tourner son septième film, faute de moyens. Forcé de quitter l’industrie américaine, c’est donc ailleurs qu’a pu naître un film moderne rempli d’intelligentes contradictions.

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