Numéro 18

Prague sur scène : 90: les années sauvages

par Jitka Sloupová · visuels: Jaroslav Prokop

« Le temps viendra où notre descendance se mettra à parler de la décennie passée comme des années 90 sauvages et la seule chose qu’on va nous envier sera le président Havel ». Ce fut le présage prononcé par Iva Perinova, dramaturge – auteur de pièces pour les plus grands théâtres de marionnettes tchèques, lors d’une enquête réalisée pour la revue Théâtre Tchèque.

L’opéra tchèque à la recherche du contexte européen

par Radmila Hrdinová · visuels: Ivan Maly

La chute des barrières idéologiques et l’ouverture progressive, au moins en direction du contexte européen, ont eu également après 1989 un impact sur l’opéra, l’un des arts les plus conservateurs. Ce changement n’est pas encore significatif sur le plan économique. Au cours des dix dernières années, aucune scène d’opéra n’a disparu. Ainsi, la République tchèque dispose, aussi incroyable que cela puisse paraître, de dix opéras professionnels avec un ensemble permanent et cela malgré sa petite taille.

Petr Lébl : “Aimer le théâtre. Aimer uniquement le théâtre ”

par Chantal Boiron · visuels: Jaroslav Prokop

La saison théâtrale pragoise 1999-2000 aura été marquée par la disparition tragique de Petr Lébl, certainement l’un des metteurs en scène européens les plus doués, les plus singuliers de sa génération. Petr Lébl s’est donné la mort le 12 décembre 1999 dans son théâtre, le Na zábradlí. Il avait 34 ans.

Les nouvelles orientations du mouvement alternatif

par Ladislava Petisková · visuels: Marc Enguérand

Le « Theatre of Sound and Image » de Toronto est venu à Prague et à cette occasion, je me suis rappelé une phrase du poète P. Neruda : « Le temps arracha le rideau et le monde changea». Le directeur de ce théâtre est un jeune émigré tchèque, Jan Komarek. Il a réalisé un spectacle lyrique. C’est un journal scénique, appelé Les Ombres des rêves, qui a gardé cette « essence poétique » sur le plan artistique et sonore, si typique de l’art tchèque et des petites scènes des années 70 et 80. Il s’agissait d’une vision poétique du théâtre à travers le mouvement, le son et l’image. Ces petits théâtres ouvraient autrefois le chemin vers la pensée et la création libre dans une culture opprimée.

Jean-François Peyret : Redéfinir les pratiques

par Chantal Boiron · visuels: Jacquie Bablet

Universitaire, critique et essayiste, Jean-François Peyret est avant tout metteur en scène de théâtre. Entre 1982 et 1993, il collabore avec Jean Jourdheuil avec qui il a créé le Sapajou-Théâtre. Après sa séparation d’avec Jean Jourdheuil, Jean-François Peyret fonde sa propre compagnie TF2, le Théâtre Feuilleton 2, par référence au « Théâtre Feuilleton » qu’il a fait en 1994 avec Sophie Loucachevsky, Nicky Rieti et Tomeo Verges. Ce nom est significatif. D’évidence, Jean-François Peyret aime les aventures qui s’inscrivent dans le temps, les longs voyages. En résidence à la MC93 de 1995 à 2000, il y réalise Le Traité des Passions, un feuilleton théâtral ou plutôt une « réflexion » théâtrale en six épisodes : Descartes/Racine (1995) ; Notes pour une pathétique (1996) ; Traité des couleurs ou Des asters pour Charlotte (1996) ; Un Faust, Histoire naturelle (1998) ; Turing Machine (1999) et Histoire naturelle de l’esprit (suite et fin) (2000). Tout au long de cette aventure qui aura duré cinq ans, Jean-François Peyret a fait équipe avec le peintre américain Nicky Rieti pour la scénographie et Benoît Bradel pour le son et les images.

Dominik Barbier : “Le théâtre c’est peut-être la dernière installation interactive de Dumb Type ”

par Claudine Galea · visuels: Dominik Barbier

Les noms donnés à ses installations, ses films, ses sculptures et scénographies électroniques, ne trompent pas : J’étais Hamlet, Là est Minos, Heart of the monster, La Caverne pétrifiante, Mémoire d’univers, Talos et Koine... Dominik Barbier est un Tragique. Et ceci avant même sa rencontre avec Heiner Müller en 1992 qui a fait définitivement basculer le jeune vidéaste du côté de l’art théâtral. Aujourd’hui Dominik Barbier vit à Marseille et dirige Fearless Médi@terranée, un Centre International de Recherche et de Formation dans les Arts Electroniques, au sein de l’École Supérieure des Beaux-Arts. Parallèlement il poursuit son travail personnel, et crée en collaboration avec des metteurs en scène, dont les derniers et prochains en date sont Hubert Colas et Jean Jourdheuil.

Kasper T. Toeplitz : “Pour faire de la musique, j’ai besoin de temps et pas de son. La scène c’est du temps ”

par Claudine Galea · visuels: Frederick Fichet

Kasper T. Toeplitz est compositeur. Récemment il a signé la musique d’un spectacle de Charles Tordjmann sur un texte de François Bon, Bruit. Il répète avec la chorégraphe Myriam Gourfink, ils s’apprêtent d’ailleurs à partir ensemble pour New York afin de mener un travail, un chantier avec des danseurs et des musiciens.

Paul Koek : “La musique, c’est d’abord une façon de structurer le temps ”

par Rob Klinkenberg · visuels: Ben van Duin

Paul Koek est né en 1954. Il a étudié les percussions au Conservatoire Royal de La Haye. Depuis la fondation du théâtre Hollandia en 1985, Koek co-dirige la compagnie avec Johan Simons. Les deux hommes ont également fait de nombreuses mises en scène ensemble. On se souvient, en particulier, de leur collaboration très remarquée sur des tragédies grecques, présentées, comme beaucoup d’autres spectacles de la compagnie, dans des lieux non théâtraux (un cimetière de voitures désaffecté, une usine, une église, un entrepôt, une voûte sous un viaduc), dans le souci constant de contrebalancer, par un décor réaliste, un jeu d’acteur stylisé et élaboré, le plus souvent, sur un schéma musical. Koek et Simons travaillent aussi séparément.

“Parce qu’il est le poète, Edward Bond ne dit pas le monde, il le réinvente ”

par Joëlle Gayot · visuels: P. Victor

Découvrir au théâtre, en moins d’une semaine, deux pièces inédites de l’auteur anglais Edward Bond (Auprès de la mer intérieure, dans la mise en scène de Stuart Seide et Café, dans la mise en scène de Alain Françon), c’est assurément exposer sa foi naïve en le millénaire à venir au pessimisme de l’un des dramaturges les plus radicaux et les plus essentiels de ces dernières décennies. Edward Bond est le poète qui dit la sauvagerie d’une société réglant encore et toujours ses comptes avec une logique de guerre qui a vu l’extermination de millions de personnes, et dont les démocraties actuelles intègrent peu à peu les lois et les règles.

Entretien avec Edward Bond

par Catherine Cullen · visuels: Bruno Dewaele

€?L’imagination n’est pas libre. Elle n’a pas d’idées. Elle a besoin de la raison”

Quelqu’un va venir de Jon Fosse, Des couteaux dans les poules de David Harrower « Des mises en scène de Régy, nous ne savons que

par Claudine Galea · visuels: Brigitte Enguérand

Pierre Soulages, peintre, déclare : « l’oeuvre est chose et non point signe ». Claude Régy pourrait reprendre à son compte cette formule magique. Une extraordinaire matérialité de la scène associée à un non-vouloir évident, ont fait de Quelqu’un va venir du Norvégien Jon Fosse, et de Des couteaux dans les poules de l’Écossais David Harrower, deux moments de théâtre rare. Nos cinq sens – sans compter les autres, développés dans le secret de nos vies – sont alertés, sollicités, troublés, et c’est la communion de ces microscopiques expériences sensibles qui fait voir le théâtre comme on ne l’a jamais vu.

Berlin, Alexanderplatz : la scène de la mémoire berlinoise

par Isabelle Wirth

Depuis mai 1999, le plus petit théâtre public berlinois, le Maxim Gorki Theater, fait salle comble avec la première adaptation théâtrale du roman d’Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz. Le metteur en scène en résidence au Gorki, Uwe Erich Laufenberg, s’est attaqué à l’un des chefs-d’oeuvre de la littérature berlinoise, soixante-dix ans après sa publication. Sur scène, il fait revivre le Berlin des années 20, au moment même où l’urbanisme et le monde théâtral sont en réorganisation dans la nouvelle capitale allemande. Dix ans après la chute du mur, Berlin semble renouer avec son passé culturel, en évitant toute stérile nostalgie.

L’or et la terre Festival du Masque d’or, Moscou, 11-27 mars 2000

par Béatrice Picon-Vallin · visuels: V. Bajenov

Un festival de spectacles russes en Russie prend tout son sens si on considère l’étendue de la Russie. Trop immense, l’espace affaiblit les liens, même à l’époque d’Internet, et chaque rassemblement – festival ou revue – les recrée ou les renforce. Faire venir à Moscou les troupes de Pétersbourg ou d’Ekaterinenbourg, tout comme ressusciter une revue de théâtre, en publiant le premier numéro de Teatr, ne peut que stimuler l’art de la scène. L’époque est violente, elle attise les haines et les exclusions. Le Festival du Masque d’or veut rassembler, pour cela il convoque Moscovites et provinciaux, avec tous les genres de spectacle – théâtre dramatique, lyrique, opérette, danse, marionnettes – et il décerne des prix.

Nancy 2000 : Passages à l’est

par Yannick Dufour · visuels: Sheila Burnett

Du 4 au 14 mai 2000, « Passages, festival des théâtres de l’est de l’Europe », s’installait à Nancy et en Lorraine, pour une cinquième édition. Charles Tordjman, metteur en scène et directeur de La Manufacture, Centre Dramatique National, poursuit ici, ses balades russes. Sur des airs populaires Kirghizes et Ouzbeks, Krystian Lupa et Pip Simmons, les frères Janicki et André Markowicz, les marionnettes de Khakassie et le Théâtre d’Art Dramatique d’Omsk, offraient leur démons à un public de plus en plus nombreux.

La tribu Platel à Avignon

par Maïa Bouteillet · visuels: Kurt Van der Elst

Tous des Indiens, la nouvelle création du chorégraphe et metteur en scène de Gand, Alain Platel, avec le dramaturge Arne Sierens aborde par les racines le thème de la famille dans la suite d’une trilogie entamée avec Moeder en Kind et Bernadetje. Ce spectacle qui réunit à nouveau enfants et non professionnels pourrait être le dernier du genre. Platel a déjà annoncé son envie d’aller vers d’autres domaines comme le cinéma. Après un début de tournée, en Belgique, en France et en Hollande, Tous des Indiens fait étape cet été, à Avignon, dans la cour du lycée St-Joseph, du 24 au 28 juillet 2000.

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