Bruxelles, capitale théâtrale ? Une capitale, a dit Michel Déon, est une ville qui donne des ordres. Dans le domaine du théâtre, Bruxelles ne donne pas d’ordres, ni de mots d’ordre, parce que sa richesse dans le domaine, qui est réelle, est peu connue de l’extérieur. On pourrait même dire qu’elle est secrète. C’est ce dont Robert Palmer, intendant de Bruxelles 2000, cet Ecossais chargé de la coordination des activités organisées à l’occasion du rôle dévolu à la ville d’être l’une des neuf capitales culturelles européennes de cette année, s’est aperçu lorsqu’il a pris ses fonctions. « Brussels’ cultural richness is one of the best kept secrets in the world », a-t-il déclaré dès qu’il eut fini sa mission d’exploration. On n’aurait pu mieux dire...
La question de l’identité
Bruxelles sur scène
Ahmed Essyad : “J’entre en résistance contre tous les prés carrés identitaires”
Ahmed Essyad est compositeur. Il termine actuellement un opéra sur un livret de Bernard Noël, Héloïse et Abélard, produit par l’Opéra du Rhin qui sera créé lors du Festival de Musica à Strasbourg en septembre prochain, et repris au Théâtre du Châtelet en mai 2001. Ahmed Essyad partage désormais sa vie entre son Maroc natal et la France où il a élu domicile à l’âge de vingt ans.
Identité et diaspora - Gilberte Tsaï : La voix chinoise
Fille d’un père chinois, maroquinier de son état, et d’une mère française, Gilberte Tsaï a découvert le théâtre un peu par hasard, dans les années 60, à l’occasion de la venue d’une troupe amateur dans la cité de la banlieue lyonnaise où vivait la famille. Il manquait un acteur pour le rôle de la veuve dans La Mégère apprivoisée, du coup la voilà embarquée dans l’aventure. Autodidacte, elle n’avait eu l’occasion de voir que l’Opéra de Pékin, et un spectacle de Roger Planchon. Elle y a pris goût. Elle est devenue marionnettiste et a monté sa propre compagnie. Au fil des rencontres, elle s’est installée à Strasbourg pour travailler en lien étroit avec l’équipe du TNS où oeuvrait alors Jean-Pierre Vincent. Avec les philosophes Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy, et surtout Jean-Christophe Bailly, elle a créé plusieurs spectacles avant d’entamer, en 1986 une exploration de ses racines.
L’identité à travers la langue: La redécouverte de la langue écossaise sur la scène contemporaine
La vitalité culturelle dont a fait preuve l’Écosse ces trente dernières années a pris la forme, entre autres, du théâtre. Nombreux sont ceux qui ont pris conscience de l’intérêt porté récemment à tout ce que représente l’Écosse, qu’il s’agisse de l’achat de whisky de qualité ou du succès populaire de films comme Rob Roy, Braveheart ou Trainspotting. D’une certaine façon, ce regain d’intérêt fait écho à la fascination de l’Europe du XIXe siècle pour les mythologies calédoniennes qui ont été à l’origine du succès international de Sir Walter Scott. Qu’il s’agisse d’oeuvres comme Les Sylphides ou Lucie de Lammermoor, celui-ci s’est inspiré avec délices des mythes énergiques, mais combien romantiques, de l’Écosse : Highlands, kilts, cerfs, émotions intenses, aventure.
L’identité à travers la langue : Le théâtre d’expression catalane
La réalité de son théâtre est sûrement un des exemples de la société catalane qui montrent le mieux l’anarchie sociale et culturelle de l’histoire récente de ce peuple. Le meilleur de sa tradition théâtrale procède aujourd’hui encore du théâtre des couches populaires des provinces catalanes et de certains bas quartiers de Barcelone. L’aspect qui définit peut-être le mieux ce théâtre – outre d’être un atelier et une pépinière de professionnels – est la simple construction et disposition de l’art de l’interprétation en accord avec la respiration propre de la langue catalane. C’est une école de déclamation selon des recettes de cuisine originales. Cela explique que le théâtre d’expression catalane s’est maintenu au-delà de la récente fracture franquiste.
Peter Brook : “Le vrai théâtre politique, c’est affirmer la dignité de l’homme”
Dix ans après la fin de l’apartheid et ce moment très fort que fut la libération de Nelson Mandela, Peter Brook consacre toute une saison au théâtre d’Afrique du Sud. Cet hiver, aux Bouffes du Nord, il a accueilli The Island d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona. Lui-même mettait en scène Le Costume (The Suit) de Mothobi Mutloatse, dans une adaptation de Barney Simon. Ce spectacle tourne actuellement à travers le monde.
Auteur / Author : Venko Andonovski
Depuis une vingtaine d’années, la littérature macédonienne contemporaine, tous genres confondus, connaît un essor considérable. Le théâtre n’échappe pas à la règle. L’apparition de dramaturges tels que Kole Chashule, Goran Stefanovski, Jordan Plevnes, Vase Manchev et d’autres encore, a ouvert la voie à une nouvelle génération d’écrivains de théâtre, dont Venko Andonovski, qui a déjà contribué largement au renouveau de l’écriture dramatique.
Europa, un rêve macédonien
Fort de sa diversité communautaire et culturelle, la Macédoine tend, aujourd’hui, la main à l’Europe. En octobre 1999, le théâtre Dramski de Skopjé, accueillait Patrick Verschueren, metteur en scène français et directeur de la compagnie Théâtre Ephéméride, pour sa mise en scène de Europa, un texte de René Kalisky, d’après le roman de Romain Gary. L’histoire d’une impossible Europe pour une Macédoine qui rêve d’en faire partie.
Strasbourg : Le 8e festival de l’Union des Théâtres d’Europe (UTE)
Le festival annuel de l’Union des Théâtres d’Europe (UTE) est l’un des rares festivals itinérants encore existants. Depuis 1992, l’UTE a maintenu sa volonté de présenter chaque année le travail de ses membres dans le cadre de ce festival qui s’est déjà rendu à Düsseldorf, Budapest, Milan, Bucarest, Cracovie, Thessalonique, Stockholm. L’entreprise s’est souvent révélée difficile : en effet, comment attirer le public dans des villes qui, souvent, n’ont aucune tradition festivalière, comment concentrer sur une période d’un mois les activités théâtrales de toute une année ?
Hamlet selon Warlikowski : La magie noire de la nuit
Hamlet, le prince du Danemark figurant sur l’affiche du spectacle de Krzysztof Warlikowski, joué au Teatr Rozmaitosci à Varsovie (dirigé par Grzegorz Jarzyna) est nu. Juste un somptueux manteau royal tombe de ses épaules musclées et sur sa tête repose une couronne. Il se tient dans une pose, fortement stylisée qui fait penser à une séance de photos de mode. En fait, il porte le costume de la cérémonie du couronnement de Claudius, costume qu’il ne mettra jamais sur scène. Il essaie et s’essaie à quelque chose, comme tout ce spectacle confronte Hamlet à la sensibilité contemporaine, avec une ferme ostentation, sans compromis.
Euroscene à Leipzig et Spielart à Munich : Langue dominante : résultat de la globalisation ou besoin d’expression ?
Existe-t-il aujourd’hui une approche particulière non pas du langage, mais des langues dans le théâtre européen ? Y aurait-il des langues de moindre valeur et qu’est-ce qui permettrait de les désigner comme telles ? Ce sont les questions que l’on se posait durant les festivals d’automne en Allemagne, Euroscene à Leipzig et Spielart à Munich.
Trévise 1999 : “Identité et diversités”
De septembre à la fin décembre 1999, a eu lieu à Trévise, près de Venise, la cinquième édition du festival «Finestre sul Novecento». Les compositeurs Stefano Mazzoleni et Paolo Troncon, qui en sont les fondateurs et les directeurs, ont souhaité confronter plusieurs disciplines (la musique, le théâtre, la littérature, la philosophie, les arts plastiques) autour d’un thème, différent chaque année, afin de montrer la relation qui existe entre elles : « Nous pensons qu’il est intéressant pour un musicien de pouvoir échanger avec un écrivain ou un philosophe ».
Festival de Rennes : “Où se trouvent les réelles utopies ?”
Lors de la troisième édition de Mettre en Scène, Rencontre Internationale de Metteurs en Scène et de Chorégraphes, qui se déroula à Rennes du 9 au 20 novembre 1999, François Le Pillouër, directeur du Théâtre National de Bretagne, invita lors d’un colloque, chorégraphes et metteurs en scène à se rencontrer autour de quelques thèmes tels, « l’Art peut-il se définir aujourd’hui ? » ou encore, « peut-il exister entre artistes de différentes disciplines, une déontologie et une parole communes ? ». En guise de matériaux d’étude, le directeur du TNB offrait une programmation de haut niveau.
Conocer gente, comer mierda : une équivalence à prendre au sérieux
Présenté au Festival Mettre en Scène à Rennes, par le Théâtre National de Bretagne, le spectacle de l’Espagnol Rodrigo Garcia, Conocer gentes, comer mierda, s’inscrit dans un courant alternatif qui réfute les codes théâtraux conventionnels. Fondateur de la compagnie la Carniceria Teatro, Rodrigo Garcia veut créer sur scène un nouveau langage. Il mêle, dans un geste confondant de maîtrise, la vidéo, le texte et l’implication très physique de comédiens radicalement désinhibés.
Charmatz commando
Con forts fleuve, nouvelle livraison du danseur Boris Charmatz, a été créée à Brest et présentée au Théâtre de la Cité internationale à Paris, en décembre 1999, dans le cadre du Festival d’automne. Brillant interprète au parcours sans faute, chorégraphe depuis 1993, le jeune homme met toute son énergie à torpiller les règles ordinaires de la représentation.
Le Hip Hop français malade de son public : Bilan des Rencontres nationales des cultures urbaines 1999 à la Villette
« Quand tu consacres ta vie au Hip Hop, tu penses Hip Hop du matin au soir, tu respires Hip Hop, et la nuit, tu rêves Hip Hop », dit Niels « Storm » Robitzky, danseur berlinois, multiple champion de headspin et vedette mondiale de la « break dance ». Cette quête de l’absolu, il la partage avec un public des cités pour lequel un spectacle Hip Hop représente un échange d’énergies avant d’être un événement chorégraphique. Privilégiant le plaisir de l’instant, ce public entre en conflit avec les chorégraphes, même ceux issus du Mouv’, qui aspirent à une danse universelle dont le Hip Hop ne serait plus que le point de départ. Depuis son Big bang nommé Black Blanc Beur, le Hip Hop français n’a pas son pareil dans le monde en matière de recherche chorégraphique et esthétique. Mais aujourd’hui, les signes se multiplient indiquant que l’écart se creuse entre les cités et les chorégraphes qui cherchent au-delà de l’horizon urbain.