Frère Paul-André m’invite à traverser un long corridor où il n’y a que des crucifix, des figures religieuses et des portes. Sur l’une d’elles est écrit mon nom. On me donne des draps, des serviettes, la clé est dans la serrure. Le lendemain matin, je découvre la cour intérieure, les aloès. Je suis frappée par la façon dont la lumière entre par la cour, les fenêtres, les vitraux, les brèches creusées dans les murs, elle vient de partout. Elle est magnifiée, exactement comme les voûtes amplifient les vibrations et les échos des chants. La lumière est une présence. Et les voix résonnent fort dans cette architecture qui narre une vieille histoire.
Traversée intempestive
Les cellules
Traversée intempestive
La traversée d’une archive, comme sa constitution, se nourrit d’un désir « qui en [fait] un mouvement de promesse et d’avenir non moins que d’enregistrement du passé ». Ainsi considéré d’un point de vue psychanalytique, « le concept d’archive ne peut pas ne pas garder en lui, comme tout concept, un poids d’impensé » qui, en s’imprimant dans la culture, en infléchit le sens, le savoir, le désir de mémoire. Tirés de Mal d’archive : une impression freudienne (1995), ces mots de Jacques Derrida nous ont semblé fort à propos en ouverture de cette anthologie de textes déjà parus dans Spirale. La pensée du philosophe a, de fait, laissé sur l’histoire de de la revue une empreinte indéniable, l’ayant marquée de façon tout aussi inoubliable que la psychanalyse, à laquelle se rattachent, dans ce livre, ses riches réflexions sur la notion d’archive. S’il est intéressant de les convoquer ici, ce n’est pas seulement qu’elles indiquent la double nature rétrospective et prospective du projet, qui consistait à parcourir 40 années d'archives afin d’en dégager quelques lignes de force théoriques, de comprendre le parcours dans lequel nous nous inscrivons. C’est aussi parce que l’objet initial de cette quête – notre fantasme d’archive – concernait la place présumée fondamentale que la psychanalyse, à l’instar du féminisme, occupe dans la formation de «l’esprit Spirale1 », esprit de questionnement et d’engagement critiques que nous souhaitons humblement raviver par la place que nous accorderons dorénavant à l’écriture essayistique.
Relisant Ferron...
Ferron n’est jamais tout à fait là où on pense le trouver. Par exemple, son œuvre, en grande partie écrite dans les années 1960 et 1970, déborde de l’idéologie du rêve québécois de la Révolution tranquille. À la fois dedans et dehors, complice et sur son quant-à-soi, il intervient de multiples façons dans l’espace public, opposant aux discours convenus ses interprétations personnelles volontiers provocatrices et déconcertantes, mais toujours pénétrantes. Pertinent et impertinent ! De son temps, cherchant à comprendre la « mutation de l’espèce » québécoise au creux de laquelle, selon ses termes, il s'est trouvé, et le devançant pourtant en ne le refermant pas sur lui-même. Je ne m'étonne pas que de jeunes intellectuels reconnaissent chez lui, mort depuis vingt ans, des inquiétudes de leur génération qui ne sont pas étrangères aux préoccupations de ce numéro sur la culture. On ne peut certes parler, chez Ferron, d’un discours constitué sur la culture, mais on peut dégager de ses écrits un discours oblique qui, prenant la culture par le biais, la met en perspective. Mais commençons par le commencement. Si je lis Ferron depuis trente ans, c’est d’abord justement que, par de curieux biais, il me ramène à mes commencements, à mes apprentissages, comme je l’écrivais dans la préface du Saint-Élias des Éditions Typo (1993).
La relève et l’effondrement
Pourquoi ne se passe-t-il rien plutôt que quelque chose ? Depuis plusieurs années déjà, la communauté littéraire brode sur le thème de sa propre crise : les poètes, les éditeurs, les directeurs littéraires, les critiques mais aussi les lecteurs. Tout le monde trouve inévitablement quelque chose à redire sur l’actualité littéraire : pas assez de ventes, pas assez de subventions, pas assez d’espace dans les médias, trop de publications, ou encore, pas assez de lecteurs, aucun courant solide, aucun auteur marquant, des œuvres trop obscures ou trop simplistes..
Le désarroi de Motome
Je n’avais pas encore vingt ans lorsque j’ai vu Hara Kiri (ou Suppuke) de Kobayashi, une chaude après-midi d’été. Un jeune samouraï, Motome Chijiiwa, vingt-six ans, poussé par une misère extrême, se rend à la maison du clan Iyi. Sa femme et son enfant sont malades, ils vivent dans un dénuement total. Lorsque le malheur est trop grand, l’espoir est fou. Motome a cru que son désarroi, sa jeunesse, sa pureté de cœur seraient reconnus – et qu’il obtiendrait l’aide de son clan. Mais le clan l’oblige à s’ouvrir le ventre avec un sabre de bois. Une petite averse, pendant que nous étions en salle, malgré le retour du soleil, avait laissé ici et là quelques flaques d’eau. Lorsque je suis sorti, j’étais troublé, je voyais des flaques de sang partout. Images de mon désarroi.
Génération Hamlet
Le phénomène Tanguy me semble être une caricature fort révélatrice des enjeux de fond du différend intergénérationnel, le carrefour symbolique où s’entrechoquent la dépendance matérielle, la dépendance affective, l’impression d’être castré et le spectacle d’une révolte étouffée.
Un air de famille
La Femme de mon frère, Monia Chokri
Des existences surveillées
Suzanne Travolta, Élisabeth Benoit
“Politiquement secourable ” ?
Argent, Christophe Hanna
Clément de Gaulejac
Mindfuck en deux temps (ou: les images dialectiques)
Défaire le genre (et le sexe, le capitalisme, le corps, l’identité, la nation...)
Un appartement sur Uranus, Paul B. Preciado
Chronique de la tourmente
À l'intérieur de la menace, Marie-Claire Blais