La nouvelle question humaniste

Entretien avec Christian Jambet Christian Jambet est une figure singulière de la philosophie française. Militant maoïste au temps de l’après-68, il fait partie de ceux qui, dans le sillage de Maurice Clavel et de Benny Levy, se sont tournés vers l’étude des textes religieux. Qu’est-ce que la philosophie islamique ? est un ouvrage majeur, dans lequel Christian Jambet propose une synthèse éblouissante – et en bien des points inattendue – de l’histoire de la philosophie islamique. Cet entretien est la version longue d’une interview de Christian Jambet publiée dans le supplément hebdomadaire de Libération en date du 9 juillet 2011...

En début d’année 2011, deux régimes politiques arabes sont tombés,en Tunisie et en Égypte, après respectivement vingt-trois et trente ans de pouvoir. Peu après, d’autres pays arabes encore étaient rattrapés par la contestation. De façon dramatique en Libye, en Syrie, à Bahreïn, même au Yémen. Avec moins de violence, mais suscitant tout de même une tension importante, au Maroc, en Jordanie, à Oman, en Algérie. Certains régimes ont répondu aux demandes sociales et aux manifestations par la violence, d’autres par des réformes politiques (au Maroc), d’autres encore par des largesses économiques et sociales (en Algérie et dans le Golfe, notamment). Les dynamiques, les paramètres sont différents d’un cas à l’autre, mais tous ont été touchés...

Nous publions ici le discours prononcé à l’occasion du Parvis des Gentils, deux jours d’échange et de dialogue entre croyants et non-croyants, les 24 et 25 mars 2011 à la Sorbonne.

"À mesure que la décadence politique s’affirmait davantage, le goût des lettres et des arts tendait à s’accroître. L’époque s’acheminait,par découragement, vers la culture intellectuelle et l’humanisme. Que pouvaient les Italiens sur un sol en proie à l’étranger ? Plus d’indépendance nationale, de liberté ; à Milan, à Naples, quand ce n’était pas l’Espagne, c’était la France qui commandait, la main à la garde de son épée et la mèche allumée. Que pouvaient, contre les lances des barbares et leurs arquebuses, ces Italiens jaloux, soupçonneux les uns des autres,incapables de jamais fraterniser ? Oublier l’action, la volonté, oublier tout dans la contemplation et l’ivresse de l’idéal, se soumettre, s’enfuir vers le paisible champ des arts, et là s’armer du ciseau, de la palette et de l’équerre, saisir la plume et créer des œuvres plus durables que le fer des envahisseurs. Peintres, poètes et savants allaient s’emparer de la scène et la gloire qu’ils répandraient autour d’eux remplacerait, pour leurs sérénissimes protecteurs, l’éclat des armes et de la politique.