Il faudra sans doute un jour analyser la crise de la notion de crise. C'est en effet un mot, commode, à la mode, employé à tout bout de champ, de sorte qu'on a parfois l'impression de se trouver dans une crise à la fois universelle et perpétuelle. En dehors même de ses emplois superfétatoires, il recouvre des réalités ou des explications très différentes. Tantôt il s'agit de mouvements en profondeur, de longue durée, qui affectent une civilisation, une société, un Etat, un régime. Tantôt il s'agit de phénomènes immédiats, superficiels, passagers, aigus, parfois violents. C'est dans ce deuxième sens que nous prendrons le terme.
Les pouvoirs de crise
L’Etat face aux crises
De l’inefficacité des pouvoirs de crise en France de la Révolution à Vichy
Suspension de la Constitution en application de la Constitution elle-même, déclaration de l'état de siège, extension des pouvoirs de l'Exécutif ou d'autres instances à la suite de lois d'habilitation, autant de pratiques extraordinaires mais légales, autant de « pouvoirs de crise » déférés aux organes constitués, dont la France, depuis la Révolution jusqu'à 1940, a fait plusieurs fois l'expérience. Autoritaires comme parlementaires, tous les régimes y ont eu recours dans les temps de menaces estimées d'une exceptionnelle gravité pour le salut de la nation et le triomphe de l'ordre.
Les législations d’exception
Prévoir l'imprévisible ! Telle est la lourde tâche assignée aux « législations » d'exception. Les secousses révolutionnaires du XIXe siècle, les deux guerres mondiales, les difficultés de la décolonisation ont, en effet, montré à quel point il fallait organiser à l'avance un droit spécial permanent pour les temps extraordinaires. Ces règles juridiques doivent apporter une réponse efficace aux exigences de l'heure, évitant dans la mesure du possible la précipitation et l'improvisation. Il leur faut également protéger le caractère démocratique du régime, car, s'il est des cas où, selon la célèbre formule de Montesquieu, « il faut mettre pour un moment un voile sur la liberté comme l'on cache les statues des dieux », encore faut-il que cet effacement provisoire des libertés serve à leur victoire définitive.
La Justice en temps de crise
Entre la Justice et le temps de crise, il y a, probablement plus qu'ailleurs, un antagonisme évident : celui du stable et du mouvant. La Justice, pense Pascal, « c'est ce qui est établi ». Or les crises menacent, ébranlent ou même détruisent ce qui est établi. Pendant ou après la tourmente, il s'agit de savoir comment la Justice se comporte, ce qui suppose qu'on s'entende tout d'abord sur le sens des mots.
Les crises et les libertés publiques
La liberté naît dans les convulsions et les douleurs des révolutions et du besoin forcené d'être libre. Elle n'en réclame que davantage, pour mieux croître et s'épanouir, les conditions d'une existence paisible. Résultante composite de données disparates dont la conjonction, hasardeuse ou miraculeuse peut-être, l'a produite, elle se sait instable, fragile, vulnérable et ne parvenant à être durable dans un équilibre précaire que si d'abord promise à n'être jamais menacée. L'inquiétude suffit pour la ronger, et la certitude d'un mal pour la paralyser. Fille des sociétés et des hommes, elle est désirée puis conçue pour faire leur délectation autant dans les relations les plus sociétales des hommes entre eux que dans les démarches les plus égotistes de chacun.
L’Etat face au terrorisme
L'actualité du terrorisme et les formes qu'il prend dans le monde moderne ne doivent pas faire oublier qu'il ne s'agit pas d'un phénomène né avec la société contemporaine. Le passé fournit de nombreux exemples de ce mode d'action, dont l'objet, conforme à son étymologie, est de « semer la terreur ». Il peut, pour cela, prendre des formes diverses, qu'il s'agisse du terrorisme révolutionnaire, tel qu'il s'est épanoui au début du siècle, en Russie notamment, de l'anarchisme qui conduisit Vaillant en 1893 à déposer une bombe dans la Chambre des Députés ou du terrorisme du pouvoir dont le Comité de Salut public a fait la démonstration en France, de 1793 à 1794.
Le pouvoir d’engager les hostilités en France
Depuis plus de deux siècles, le monde n'a jamais connu une seule année sans conflits armés d'intensité et de natures différentes. De tout temps, les relations internationales se sont accompagnées de tensions et d'affrontements déclenchant le recours à la violence collective institutionnalisée et conduite par les Etats.
Les pouvoirs économiques exceptionnels
Dans un système économique libéral, c'est le marché qui assure l régulation globale de l'économie. La fonction des Pouvoirs publics est seulement de procurer la monnaie, de fournir les équipements collectifs indispensables, et de produire les normes juridiques nécessaires au bon fonctionnement du marché. Tous les pouvoirs détenus par les autorités publiques excédant ce rôle de garant des « harmonies économiques » auront nécessairement un caractère exceptionnel.
La situation internationale de l’Etat en période de crise interne
C'est en général dans le cadre interne de l'Etat qu'est analvsée la situation qui découle du temps de crise. On est donc habitué à l'idée selon laquelle l'action administrative et le principe de la légalité à l'intérieur duquel elle s'inscrit puissent être différents en période normale et lors des circonstances exceptionnelles.
L’internationalisation des régimes d’exception expression d’un nouvel ordre répressif international
Tout ordonnancement juridique repose sur la dialectique de la règle et de l'exception. En période normale la justice ordinaire, s'appuyant sur le droit commun, assure en dernière instance la fonction répressive de l'Etat. En période de crise un état de droit, jusqu'alors mis en réserve, vient parallèlement renforcer la fonction répressive ordinaire par application de la théorie des circonstances exceptionnelles. Les garanties constitutionnelles subsistent mais sont réduites au strict minimum.
Une formule originale de pouvoirs de crise : l’article 16
Jusqu'au départ du pouvoir du général de Gaulle en avril 1969, l'article 16 considéré par beaucoup comme une « prérogative mystérieuse et redoutable » était devenu une arme permanente du combat politique, utilisée notamment lors des campagnes électorales. Moyen de réaliser un coup d' « Etat légal », spectre du Deux-Décembre pour les uns, ultime recours pour les autres pour défendre la légitimité et exalter l'unité nationale, il tendait à devenir un de ces mythes constitutionnels dont l'histoire constitutionnelle et la vie politique françaises sont si riches.
Le voting record aux Etats-Unis
Le voting record désigne la pratique qui consiste dans la publication des votes émis par les membres du Congrès des Etats-Unis. Mais les organisations qui procèdent à l'inventaire des votes de tous les sénateurs et représentants ne limitent pas leur tâche à cette seule opération : elles portent un jugement qualitatif sur les votes qui interviennent et classent les parlementaires à partir de leur bilan législatif ; elles invitent ensuite leurs adhérents à se prononcer, le moment venu, en faveur des élus qui ont pris parti dans un sens jugé conforme aux valeurs qu'elles défendent.