La République

Entretien avec Jean-Fabien Spitz

par Jean-Claude Poizat

Jean-Fabien Spitz est professeur de philosophie politique à l’Université Paris I-Sorbonne et membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Il est notamment l’auteur des ouvrages suivants : La liberté politique : essai de généalogie conceptuelle (PUF, 1995) ; L’amour de l’égalité, Essai sur la critique de l’égalitarisme républicain en France 1770-1830 (Vrin/EHESS, 2000) ; John Locke et les fondements de la liberté moderne (PUF, 2001) ; Le moment républicain en France (Gallimard, 2005) ; Abolir le hasard ? Responsabilité individuelle et justice sociale (Vrin, 2008) ; Pourquoi lutter contre les inégalités ? 1 (Bayard, 2009) ; Philip Pettit, le républicanisme (Michalon, 2011).

La laïcité républicaine - Déterminations, implications et enjeux

par Pierre Hayat

Historiquement inséparable de l’idée démocratique, la laïcité républicaine s’est constituée dans la France des XIX et XX e siècles autour de l’école publique et de l’État providence, ferments d’intégration nationale. Mais la laïcité républicaine se comprend aussi par ses implications philosophiques : l’individualisme moral, la socialité solidaire, la rationalité critique, l’humanisme universaliste. On mesure alors l’enjeu politique de la laïcité républicaine dans des sociétés fragmentées et minées par la régression communautariste, à travers la concurrence de trois modèles du peuple : le demos, le laos, l’ethnos.

La République et la question sociale

par Marie-Claude Blais

Cet article présente la manière dont la IIIe République a affronté sa problématique majeure, la question sociale. Pour surmonter l’opposition désastreuse entre l’individualisme libéral et le collectivisme autoritaire, elle s’est appuyée sur un ensemble de penseurs qui, à la suite de Charles Renouvier, ont appliqué leur réflexion aux deux problèmes cruciaux posés par l’avènement de la République : qu’est-ce au juste qu’une société composée d’individus déclarés libres ? Comment préserver la justice sans porter atteinte aux libertés individuelles ? C’est au travers de l’idée de solidarité que la France des années 1900 élabore cette « synthèse démocratico-libérale » qui caractérisera désormais le régime républicain.

Républicanisme et libéralisme – points de rencontre

par Olivia Leboyer

La pensée républicaine est parfois considérée comme l’envers, l’antithèse, du libéralisme. Il manquerait, en quelque sorte, quelque chose à la liberté des libéraux pour être véritablement substantielle. A l’inverse, chez les républicains, les idées de vertu et de participation politique représenteraient une assise solide. La distinction est-elle aussi claire ? Nous examinerons quelques zones tangentes entre les deux traditions de pensée, qu’un même souci démocratique peut imprégner.

Le nouvel idéal républicain

par Edwige Kacenelenbogen

Cet article examine la nature du politique sur lequel les nouvelles théories républicaines se fondent. Je propose de montrer que, plutôt qu’une conception verticale et « autoritaire » du pouvoir politique, ces théories défendent et reposent sur une vision « horizontale » et « auto-organisée » du pouvoir et de l’ordre politiques, vision que je nommerai « spontanéiste » en référence au concept néo-libéral d’« ordre spontané ». Quelques conséquences importantes de cette thèse sont ensuite éclairées, tant au niveau de la pertinence de la doctrine néo-républicaine qu’à celui des potentiels dangers que son épistémologie recèle.

Camus et son maître d’école : la pédagogie républicaine de Monsieur Bernard est-elle désuète ?

par Baptiste Jacomino

Dans Le premier homme, Camus présente la pédagogie de Monsieur Bernard. Alain Finkielkraut la voit comme l’image de ce qui faisait encore dans l’entre-deux-guerres et qui ne serait plus possible aujourd’hui. Nous soutenons, au contraire, que la pédagogie de Monsieur Bernard est originale, même si, par certains aspects, elle est représentative, non pas de « l’école républicaine » ou de « la pédagogie républicaine », mais d’une certaine école de la Troisième République. Il s’agit d’une pédagogie républicaine singulière qui demeure actuelle, parce qu’elle est une pédagogie fraternelle.

Rousseau : une économie politique républicaine ?

par Blaise Bachofen

Rousseau, contre la pensée dominante de son temps, affirme l’existence d’une res publica, d’un bien public irréductible à la juxtaposition des intérêts privés. Aussi sa pensée économique résiste-t-elle à l’idée selon laquelle l’économie ne serait scientifique qu’à condition de s’affranchir du politique. Il déconstruit l’illusion selon laquelle, dans les sociétés existantes, la division sociale du travail ne ferait que des gagnants. Ses propositions de politique économique visent alors à rendre possible une collaboration dont tous les agents tireraient profit en proportion de leur contribution effective. Il cherche également à promouvoir le goût d’une richesse d’un autre ordre que celle qui résulte du développement de la production et du commerce : la jouissance morale d’une contribution au bien public.

La démocratie à rebours Hobbes et la question de la règle de majorité

par Luc Foisneau

Cet article entend montrer que, bien que Hobbes ne soit pas un démocrate, il accorde dans son œuvre un rôle important à la règle de majorité, cette règle de procédure permettant de produire des décisions collectives en régime d’assemblée. Si Hobbes dénie à cette règle la possibilité de fonder la légitimité d’une souveraineté, c’est que cette fondation procède non pas d’une élection à la majorité mais d’un contrat qui repose sur un principe d’unanimité. Nous proposons une explication de la raison de ce choix.

Freud sociologue et Freud et la théorie sociale de Stéphane Haber

par Charles Boyer

Dans Freud sociologue, S. Haber veut montrer qu’à la différence de Durkheim et Weber, « le propre du freudisme aura été, à partir de la problématique « psychisme et société », de s’engager dans [une] voie sociologique non-objectiviste. Dès lors, c’est l’altérité ou l’extériorité du psychisme qui constituera le fi l conducteur de cette exploration des à-côtés (sociaux) du social ». D’où un Freud « sociologue paradoxal ».

Les freudiens hérétiques de Michel Onfray

par Charles Boyer

Poursuivant son règlement de comptes avec Freud et la psychanalyse, Michel Onfray aborde ici « la psychanalyse de gauche » et ses héros que furent Otto Gross, Wilhelm Reich et Erich Fromm. Il s’agit pour lui de montrer comment on a pu prendre Freud pour un progressiste alors qu’il n’était qu’un fi effé réactionnaire. Dit autrement, comment on a confondu « le freudo-marxisme » avec le freudisme. Ce livre se présente donc comme l’exposé de la vie et de l’oeuvre de ces trois psychanalystes « hérétiques » ; études qui se lisent comme des « romans » si on fait abstraction de l’analyse schématique, réductrice, répétitive, à l’emporte-pièce qui fait le style plein de hargne d’Onfray.

La nouvelle édition des Leçons 46-51 du Cours d’Auguste Comte

par Olivia Leboyer

Trop souvent méconnu, Auguste Comte est un penseur dont les intuitions ne manquent pas, aujourd’hui encore, de pertinence. Si son apport dans le domaine de la philosophie des sciences est admis, on oublie parfois qu’il a également eu une influence marquante pour la sociologie. Raymond Aron comme Alain ont livré de très belles analyses sur les écrits sociologiques de Comte. Mais les ouvrages d’Auguste Comte lui-même demeurent difficiles à trouver. Précisément, la Maison d’Auguste Comte a entrepris, avec les éditions Hermann, un vaste travail de réédition.

Traduction de Hassan Givsan

par Gaëtan Pegny

Né à Téhéran, Hassan Givsan enseigne à l’université de Darmstadt (Hesse, Allemagne). Il s’intéresse notamment au lien de la pensée et de l’histoire – et plus précisément de la pensée philosophique avec l’histoire de la première guerre mondiale – en analysant les doctrines philosophiques dans leur double dimension ontologique et politique. Il tâche ainsi de comprendre le rôle des intellectuels.

La première guerre mondiale, ou comment la mort fit son entrée en philosophie

par Hassan Givsan

Avant d’en arriver au thème de l’intitulé, je dois d’abord expliciter ce que le titre ne signifie pas, à savoir que la mort serait devenue pour la première fois un thème pour la philosophie avec la première guerre mondiale, ce qui serait de toute façon faux. Car si on cherchait quelle question a accompagné la philosophie occidentale pour ainsi dire depuis le début, de manière exprimée ou pas, et même peut-être lui servit de première impulsion, alors on tomberait sur cette question, la question de la mort.

Les beautés de Platon

par Claude Obadia

L’idée platonicienne de la beauté artistique comme mimésis ne doit pas être envisagée seulement comme un concept esthétique. Si elle procède d’un questionnement fondé dans l’observation des arts d’imitation, elle possède par ailleurs une valeur qui est celle d’un paradigme puisqu’elle permet à Platon d’élaborer une théorie critique du discours, une théorie de la vérité et, pour tout dire, une théorie de la connaissance. Mais la beauté, au-delà de sa dimension mimétique, est aussi ce à travers quoi se développe une psychologie et une sociologie, fondant elles-mêmes une théorie politique, une philosophie de l’éducation et une politique culturelle, tant l’équilibre et l’harmonie qui, cette fois, la définissent et font la belle âme des gardiens de la Cité, fondent aussi la possibilité d’une politique juste.

Le lien social selon Auguste Comte

par Jean-Michel Muglioni

La philosophie est une parce qu’elle est philosophie de l’Humanité, une et toujours la même. Comprendre cette double systématicité est essentiel à l’unité de notre société : la philosophie, pouvoir spirituel, peut seule fonder le lien social. Les hommes font société seulement s’ils s’accordent sur la vérité. La philosophie des sciences est déjà sociologie, comprenant les sciences à partir de leur élaboration par l’ensemble des hommes. Synthèse subjective, elle tient l’unité de l’ensemble du savoir en le rapportant à l’Humanité. La liaison des hommes entre eux a pour principe la liaison de leurs pensées : la conséquence philosophique, unifiant l’esprit d’un homme, lui permet de rallier les autres. Le lien social selon Comte n’est pas comme chez Durkheim coercition mais libre concours.

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