ONG, monde, genre

Europe fédérale vs apocalypse du capital

par Yann Moulier Boutang, Anne Querrien

La crise de la dette souveraine et le début de crise des parités entre les monnaies internationales (passées et futures) est la suite logique de la crise des subprimes qui a failli emporter le système financier en septembre 2008. La dette des ménages américains a failli entraîner le système financier mais celui-ci s’est souvenu de la leçon de 1929 (ne jamais laisser s’installer la crise financière). La quasi banqueroute des petits États de l’Union Européenne (Irlande, Grèce, Hongrie, Portugal), a fortiori celle des gros États (le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne), et évidemment celle des États-Unis comme celle de l’Euro n’ont pas eu lieu et n’auront pas lieu. Il y a eu une Northern Rock (panique financière et retraits des dépôts), une Lehmann Brother (faillite), pas plus.

Le scandale de l’endettement français : 2007-2011

par Jean-Pierre Balligand, Julia Taddei

Les crises grecque et irlandaise ont montré la fragilité des emprunts d’états face aux marchés financiers. Dans ce contexte, plus que jamais, l’attention est portée sur les niveaux, la structure, et la composition de la dette. La gestion française est catastrophique dans ces trois domaines, surtout quand on la compare à celle de l’Allemagne. La dette publique française atteint 85 % de la richesse produite en 2011. Soit, en 4 ans, 22 points au dessus du taux de 2007. Des niveaux jamais égalés. Avec un déficit qui atteint 7 % du PIB en 2010, contre un excédent de 1,5 % en 2000.

Exterritory Project

par Ruti Sela, Maayan Amir

Dans le langage juridique, le terme «extraterritorialité » renvoie aux fondations des Relations Internationales. Bien que les premières concessions d’extraterritorialité remontent à l’Antiquité, le terme s’est forgé à la fin du XVIIIe siècle avec l’établissement du système moderne Européen d’État-nation et le changement de perception de la souveraineté qui est alors passé du personnel au territorial. Il reste ainsi le signifiant de la construction artificielle de ces relations. Bien que le concept ait pris diverses significations et manifestations, il possède deux définitions classiques : la première signifie être hors des frontières et des lois d’un état, la seconde être à l’intérieur de l’état mais au-delà de sa juridiction.

Chères Ruti & Mayan, Chères Mayleen & Ruti

par Vit Avranak

Ce texte est adressé à vous deux. Même si, ou précisément parce que, l’idée attachée au destinataire d’un texte pourrait dans une certaine mesure conditionner son contenu. Dans le passé, même quand le texte relevait de la catégorie de la correspondance privée et était adressé à un individu particulier, il se déployait à l’intérieur d’un second horizon – un horizon éternel se découvrant à partir de l’aura de l’impression éternelle des lettres sur le papier. Dans la forme électronique, cependant, cet horizon a pâli et à un moment a disparu complètement – par exemple avec les e-mails. Ce qui me fait me demander: ne pourrions nous discerner de même la perte d’un tel horizon éternel dans la transition du film classique à la video numérique ? Une lettre est, à un certain degré, toujours une représentation de l’écriture (même s’il y a de nombreuses manières d’écrire à quelqu’un ; c’est quelque chose que tout le monde connaît et cela a sa propre longue histoire, alors que les e-mails sont une terra incognita et c’est pourquoi j’ai pensé qu’il serait préférable de vous écrire un e-mail.

Les ONG, voix sociales mineures/entreprises capitalistes globales

par Bernard Hours, Monique Selim

Dans le triangle libéral État, marché, société civile, les ONG sont présumées être la voix de la société civile. Leur parole se présente comme un message de progrès et d’émancipation. Pourtant, elles sont singulièrement absentes de la plupart des mouvements politiques récents, en Tunisie, au Yémen, en Syrie. En outre, dans plusieurs situations de conflits leurs personnels ont été victimes depuis quelques années d’enlèvements, voire d’assassinats. De multiples ambiguïtés pèsent sur les ONG dont le développement depuis 25 ans repose sur les financements des bailleurs multilatéraux qui tentent de gérer la globalisation (Banque mondiale, Commission européenne en particulier). Ces institutions en charge de la « gouvernance globale » considèrent les ONG comme des partenaires ou des interlocuteurs légitimes, bien que les ONG ne disposent d’aucun mandat résultant d’un suffrage à quelque échelle que ce soit.

Les ONG mexicaines de genre

par Mathieu Caulier

L’ONG est une forme relativement ancienne d’action privée. La multiplication des organisations non-gouvernementales à partir des années 1980 est un phénomène bien connu et qui a été relié, avec raison, aux politiques d’ajustement structurel imposées par les organismes financiers internationaux et à la privatisation de l’action sociale étatique. Les premières des ONG concurrentes de l’État sont constituées par les diverses églises et congrégations religieuses. La globalisation actuelle entraîne la multiplication des formes d’action privée dans toutes les sphères relevant des politiques publiques. Cette importance croissante de bailleurs publics ou privés d’origines différentes impose des standards communs d’action et d’évaluation qui ont abouti au cours des années 1980-1990 à une globalisation des pratiques entrepreneuriales et des normes d’intervention sociale en Amérique du Nord et, dans une moindre mesure, en Europe, ainsi qu’au sein des structures associatives latino-américaines, asiatiques ou africaines.

Genre, féminisme et promotion démocratique postcommuniste

par Ioana Cîrstocea

Après avoir connu une impressionnante carrière en tant qu’outil cognitif critique, le genre est désormais partie prenante de divers dispositifs de conditionnalité démocratique, voire même un «paradigme central de la gouvernance du capitalisme globalisé» (Selim, 2010, p. 257). « Mot piégé » par excellence, pris dans des enjeux bureaucratiques et devenu instrument d’action publique avec la consécration du gender mainstreaming pendant les années 1990, le concept est soumis à une pluralité d’usages idéologiques, technocratiques et normatifs. Nombre de travaux produits depuis le tournant des années 2000 en soulignent d’ailleurs la variabilité sémantique et formulent des mises en garde contre ses faux-semblants.

Les ONG de démocratisation en Roumanie

par Antoine Heemeryck

La démocratie est devenue une norme incluant et excluant les sociétés à un niveau global. Les ONG, quant à elles, par un effet de transfert de souveraineté, sont désormais en charge de mettre en pratique la pédagogie de la démocratie. La Roumanie a été bien avant toutes les révolutions d’Ukraine, d’Asie centrale et du Caucase le théâtre d’une normalisation politique transnationale. Si le concept de société civile renvoie souvent dans le sens commun et dans les appellations technocratiques à une entité homogène et exempte de hiérarchies, en réalité il n’en est rien. La société civile est un lieu de concurrences, d’alliances, de coopération, où évoluent des acteurs aux profils largement hétérogènes par leurs tailles, leurs moyens financiers et logistiques, leurs thèmes d’intervention, leurs distances des sphères du pouvoir et des bailleurs de fonds. Si on resserre l’angle de vue, on s’aperçoit alors qu’il existe, en Roumanie comme ailleurs, une société civile médiatique.

Les experts globaux du développement local au Sénégal

par Mouhamedoune Abdoulaye Fall

Afin d’identifier les actions à mener dans la cadre de la coopération française décentralisée, on procéda, en 1992, au diagnostic institutionnel et socioéconomique de la ville de Saint-Louis du Sénégal. Les conclusions mirent en exergue la nécessité de renforcer les capacités municipales et de satisfaire la demande sociale. Elles font écho à la rupture amorcée au tournant des années 1970 instituant « le pouvoir local, l’informel et les ONG comme les instruments du développement » (Diop, 2004 : 29).

La compassion des ONG pour les “enfants des rues ”

par Olivier Douville

L’enfant des rues est devenu une valeur sûre des mouvements compassionnels occidentaux et une cause pour les politiques que conduisent un très grand nombre d’ONG de dimensions importantes ou modestes. La cause sacrée de l’enfance, on ne parle plus que de cela dans nos associations humanitaires ou nos ONG. Et cette cause prend la saveur impérieuse de l’urgence. Autrement dit, les objections qu’on pourrait faire à une telle vision des problèmes sont assurées d’être mal reçues.

La taxe de bienfaisance

par Juliette Lavaud

À la sortie du métro, au croisement de deux rues piétonnes, à l’entrée d’une place, les occasions de croiser le chemin d’une équipe de recruteurs de donateurs se multiplient. Ces nouveaux artisans de la collecte sont reconnaissables au logo imprimé sur leur vêtement, symbole de l’ONG qu’ils représentent. Toutefois, là où l’évidence aurait voulu que ce soient des militants, engagés corps et âme pour la cause qu’ils défendent, on trouve en fait des salariés au statut précaire, employés en CDD. Le principe peut être résumé ainsi : une ONG (conséquente, cela va sans dire, le service étant relativement onéreux) achète des heures de collecte ou des « bulletins » à un prestataire, lequel envoie des salariés dans des endroits stratégiques de plusieurs villes de France, ceux-ci sont chargés d’interpeller les passants et de leur proposer de faire un don à une association, par le biais d’un prélèvement automatique mensuel.

Les ONG, outils de gouvernance globale

par Bernard Hours, Monique Selim

D’abord associations, dans le cadre de la loi de 1901 en France, les ONG ont connu un développement exceptionnel depuis quatre décennies durant lesquelles elles ont occupé successivement les champs du développement, de l’humanitaire, de la gouvernance aujourd’hui. Leur nombre s’est multiplié, sous la forme de petites ONG, tandis que les plus importantes se développaient jusqu’à devenir d’énormes entreprises de solidarité ou de moralité, telles Oxfam, MSF, Médecins du Monde, Action contre la faim (ACF). Le label MSF s’est répandu dans de nombreux pays, avec des organisations autonomes.

La métamorphose du cercueil

par Thierry Secretan

Le 6 mars 1957, l’ancienne colonie britannique de la Côte-de-l’Or, recouvrant son indépendance, prenait le nom de Ghana. Au panthéon des Ga, qui peuplent la côte de part et d’autre d’Accra, la capitale de ce pays frontalier de la Côte d’Ivoire, le premier des dieux est Sakumo, lequel prend la forme d’un aigle dans les chants traditionnels. C’est pourquoi cette année-là, Ata Owoo, un menuisier du village de Teshie, fabriqua un palanquin en forme d’aigle pour son chef.

Démesures

par Frédéric Neyrat

Notre temps souffrirait d’un déficit de mesure. Ce diagnostic est partagé par de nombreux penseurs et militants qui voient dans le déchaînement de la technique les causes de nos malheurs. Faudrait-il, comme le proposait Hans Jonas dans Le Principe Responsabilité (1979), réenchaîner Prométhée? Prométhée le mythique voleur de feu, coupable – via Pandora – de la souffrance terrestre.

Neutraliser le mythe de Prométhée

par Dominique Lestel

Une caractéristique du mythe de Prométhée a été systématiquement négligée dans la longue histoire des reprises du mythe ou dans celle des commentaires qu’il a suscités. C’est la relation homme/animal très particulière qui le structure. On a en effet tendance à oublier que l’une des raisons pour lesquelles Prométhée se compromet ainsi avec l’humain résulte d’une injustice commise vis-à-vis de ce dernier.

Interspécificité À propos de “Que le cheval vive en moi ”

par Marion Laval-Jeantet

Le 22 février 2011, à la galerie Kapelica de Ljubljana, j’ai reçu une injection de sérum de sang de cheval contenant quarante familles d’immunoglobulines équines. En général, cette phrase, suivie d’abord d’un silence incrédule, entraîne une pluie de questions, pas tant sur la réalité des faits que sur les conséquences d’une telle action. Après seulement viennent les demandes plus précises sur mes raisons, ou plutôt sur ma déraison, et sur les conditions scientifiques de l’expérience.

Le double obscur de Prométhée

par Boyan Manchev

Prométhée est le premier inventeur, l’inventeur de la mort. «Le bienfaisant Prométhée», Prométhée «aux desseins subtils», «qui en sait plus que nul au monde» a fait ouvrir la boîte de Pandore. Epiméthée, son frère, n’en savait rien.

Prométhée littéraire De Prométhée à Pandora

par Arne De Boever

L’essai de Jean-Luc Nancy intitulé « Le mythe interrompu » commence par une célèbre scène : « il y a des hommes rassemblés, et quelqu’un qui leur fait un récit. Ces hommes rassemblés, on ne sait pas encore s’ils font une assemblée, s’ils sont une horde ou une tribu. Mais nous les disons « frères », parce qu’ils sont rassemblés, et parce qu’ils écoutent le même récit […]. Ils n’étaient pas rassemblés avant le récit, c’est la récitation qui les rassemble. Avant, ils étaient dispersés […]. Mais l’un d’eux s’est immobilisé, un jour […] et il a entamé le récit qui a rassemblée les autres ».

Nuit noire selon Judée

par Olivier Capparos

Judée, Stein, Clarisse et moi avions des secrets sur la chair et sur les livres… Nous savons exactement ce qui parle dans la chair comme dans les livres. Nous savons réellement ce que « non » veut dire, ce que « oui » exprime… et les implications réelles de toute parole.

Digression sur le désordre

par Alexandre Pierrepont

L’un des trésors les moins bien gardés du sens commun, l’une de ses plus libérales largesses, c’est pareil, un allant de soi détectable à la moindre évocation de comment se font les sociétés, quelles que soient les théories anthropologiques, révèle souvent la même procédure, voire la même mythologie : le propre de l’homme serait de mettre de l’ordre (puis de le maintenir envers et contre tout, envers et contre la totalité de ce qui diffère), d’ordonner ce qui sans lui ne le serait pas, mais demanderait à l’être, demanderait à être doté d’un sens discriminant – serait de conjurer un effarant désordre, invivable, à même la présence vécue des choses.

Organiser la désappropriation, libérer le commun

par David gé Bartoli, Sophie Gosselin

De nouvelles luttes attisent le feu révolutionnaire. Des formes, des pratiques, des pensées, des affects, courent le monde pour lui donner une autre consistance, une consistance qui prenne en considération le commun. Ce commun est irréductible à un ensemble d’objets ou de productions à mettre en partage, il n’est pas le résultat d’une mise en commun ou d’une redistribution économique. Il ouvre à un dehors qui se situe hors économie.

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