Ils ont la tête entre deux guerres, Ukraine et Gaza. Comment pensent les Russes israéliens ? Lucas Menget, grand reporter, couvre le Moyen-Orient depuis vingt-cinq ans. Il est allé à leur rencontre.
Fabriquer l’oubli
Tel-Aviv
Aimer Poutine en 37 leçons
Le nouveau manuel d’histoire pour classes de terminale, sorti à l’automne en Russie, glorifie la période stalinienne et manipule le passé récent. Fils de dissident soviétique, l’écrivain français Iegor Gran s’est plongé avec stupeur dans cette petite bible du poutinisme qui formate en 37 chapitres les esprits des jeunes Russes.
“Ai-je assez gonflé mes muscles ?”
Condamné le 27 février à deux ans et demi de colonie pénitentiaire, Oleg Orlov, 71 ans, est l’un des derniers dissidents de l’époque soviétique encore en vie et le coprésident de l’ONG Memorial, qui défend une mémoire collective contre toute forme de propagande et de réécriture de l’histoire. Filipp Dzyadko a pu l’interroger et lui faire relire cet entretien exclusif jusque dans sa cellule.
Une contre-histoire de la Chine
Pékin est prêt à tout pour les faire taire. Pourtant, une nouvelle génération d’historiens, souvent amateurs, souvent contraints à l’exil, fait revivre un passé absent des livres chinois : grande famine, révolution culturelle, écrasement des étudiants à Tian’anmen. Parmi eux, la courageuse Jiang Xue, qui s’est confiée à Philippe Grangereau.
Le dictateur qui coupait des rubans (pour rien)
Routes bloquées, manifestations, grèves de la faim. En 2020, le photographe bulgare Nikola Mihov participe à l’immense vague de révolte qui réclame le départ du chef du gouvernement, Boïko Borissov, au pouvoir depuis une décennie, dont le parti est englué dans des affaires de corruption. Avec ses cheveux ras et ses épaules de lutteur, Borissov a la dégaine de son ancienne vie : il a été le garde du corps du dictateur Todor Jivkov, dinosaure de l’époque soviétique. Premier secrétaire du Parti dès 1954, Jivkov est resté tristement célèbre pour une massive campagne de « bulgarisation » des Turcs (10 % de la population) et des Pomaks (slaves islamisés), obligés de changer de nom et empêchés de parler leur langue. Elle a culminé en 1988-1989 avec l’exode forcé de plus de 300 000 d’entre eux vers la Turquie.
Les oligarques ont disparu
Ex-secrétaire de Vladimir Poutine et patron du plus grand groupe pétrolier de Russie, Igor Setchine voudrait passer pour un patriote intègre. Sa vie raconte tout le contraire. L’écrivain Christophe Boltanski est parti sur les traces de ce fidèle parmi les fidèles. Une enquête tirée de la série documentaire de Paul Moreira, Poutine et les oligarques, sur France Télévisions.
Les malheurs de Sofi
L’une des plus grandes autrices européennes a longtemps détonné dans le paysage intellectuel finlandais, pour ses dreadlocks multicolores, sa bisexualité, son féminisme et plus encore pour ses prises de position, hostiles à la Russie. Olivier Guez est allé à la rencontre de Sofi Oksanen, chez elle, à Helsinki.
La sœur et le tueur
Où est-il ? Neuf mois que Katia Kholodnikova est sans nouvelles de son frère jumeau, Andriy, jeune soldat ukrainien parti combattre l’invasion russe. Jusqu’à ce texto venu du camp ennemi. Le début d’une incroyable correspondance entre victime et bourreau. En reportage à Kyiv pour l’agence Capa, la réalisatrice Ksenia Bolchakova est bouleversée par ce face-à-face, qui interroge la possibilité du deuil et la soif de justice.
Pinar Selek
Ancienne détenue des prisons turques, sociologue, militante féministe et antimilitariste, l’écrivaine franco-turque raconte comment la violence masculine d’État participe à la construction du mensonge et du négationnisme en Turquie.
Faut-il oublier ?
« L’oubli n’est autre chose qu’un palimpseste, écrivait Victor Hugo. Qu’un accident survienne, et tous les effacements revivent dans les interlignes de la mémoire étonnée. » Un chercheur en neurosciences, une psychologue et une anthropologue explorent les strates de la mémoire et de l’oubli.
Les femmes oubliées du goulag
On ne les a découverts qu’en 1992. Plus de six mille tirages issus du fonds secret de la police politique stalinienne, datant de la construction du canal de la mer Blanche, entre 1931 et 1933. De ces albums relatant jour après jour le premier grand chantier du Goulag, Anne Brunswic tire des images de prisonnières, des femmes du peuple ordinaires, grandes oubliées de l’histoire des répressions staliniennes.
Witold Szabłowski
Witold Szabłowski se rêvait cuisinier. Victime des sautes d’humeur de son patron, il rend son tablier, promène des touristes en pousse-pousse à Copenhague, puis devient journaliste. Pendant des années, le jeune Polonais rédige des articles sociopolitiques. Il se demande comment faire revenir la cuisine dans sa vie, jusqu’au jour où il tombe sur Cooking History, un documentaire slovaque de Peter Kerekes sur les cuisiniers de l’armée. Le film reprend douze recettes, de la Première Guerre mondiale à la Tchétchénie. Witold est fasciné par le témoignage de Branko Trbović, cuisinier personnel du maréchal Tito, l’ex-maître de la Yougoslavie. « C’était la première fois de ma vie que je voyais le cuisinier d’un dictateur. J’ai eu un déclic. J’ai commencé́ à me demander ce que pouvaient bien avoir à raconter des hommes qui avaient cuisiné à des moments cruciaux de l’histoire. Qu’est-ce qui bouillonnait dans leurs marmites au moment où se décidaient les destinées du monde ? Qu’ont-ils pu lorgner du coin de l’œil en veillant à ce que leur riz ou leurs boulettes ne brûlent pas, que leur lait ne déborde pas ou que l’eau de cuisson de leurs pommes de terre ne giclé pas partout ? Que mangeait Saddam Hussein après avoir donné l’ordre de gazer des dizaines de milliers d’enfants kurdes ? Et n’a-t-il pas eu mal au ventre ? Que mangeait Pol Pot tandis que près de deux millions de Khmers crevaient de faim ? Et Fidel Castro, lorsqu’il manqua de faire basculer le monde dans une guerre nucléaire ? » Pendant trois ans, Witold parcourt le monde à la recherche de ceux qui nourrissent ces affamés de pouvoir. Il convainc les ex-cuisiniers de Saddam Hussein (Irak), Idi Amin Dada (Ouganda), Enver Hodja (Albanie), Fidel Castro (Cuba) et Pol Pot (Cambodge) de lui confier leurs recettes et leurs secrets. « J’ai connu l’histoire du xxe siècle par la petite porte des cuisines. » Son ouvrage, publié en polonais en 2019, vient d’être traduit en français aux éditions Noir sur blanc. Nous en livrons une mise en bouche.