Liaisons dangereuses

Correspondances

Comment sauver un livre des griffes de la censure ? La langue peut-elle survivre à l’exil ? Et face à la haine, que peut la littérature ? Tous deux exilés, Nasim Vahabi, romancière iranienne, et Mikhaïl Chichkine, écrivain russe, entament une correspondance entre Paris et Bâle.

Salomé Kiner

La mère de la romancière Salomé Kiner a épousé dans les années 1980 un juif soviétique et avec lui la langue russe. Ils ont fini par divorcer, la Russie est devenue infréquentable, mais le plaisir des mots est resté intact. Comment continuer à aimer la langue d’un pays qui nous a déçus ?

Witold Szabłowski

par Karolina Gembara

En 1943, en Volhynie et en Galicie, dans l’est de la Pologne occupée, cent mille civils sont massacrés par des nationalistes ukrainiens. Des « justes » protègent leurs voisins, au péril de leur vie. En leur nom, descendants des victimes et survivants ont pardonné et accueillent chez eux des réfugiés ukrainiens. L’écrivain polonais Witold Szabłowski les a rencontrés.

Emmanuel Carrère

par Oksana Yushko

Tant que la guerre n’est pas finie, que la Russie reste invaincue, de nombreux Ukrainiens refusent de côtoyer des Russes. Même opposants à Poutine, même antiguerre, même exilés de longue date. Emmanuel Carrère est parti à Kyiv et à Kherson explorer les ressorts de cette position de principe.f

Vlada et Kostiantyn Liberov

Ils sont mari et femme. Avant l’invasion de leur pays par la Russie, ces deux Ukrainiens étaient photographes de mariage et d’histoires de cœur. À 30 ans, ils sont devenus reporters de guerre parmi les soldats et le chaos. Les clichés de Vlada et Kostiantyn Liberov racontent autant le basculement de leur propre destin que celui de l’Ukraine.

Prendre un homme par la main

visuels: Valery Poshtarov

Qu’est-ce qu’être un homme, un vrai? Cette question traverse les portraits de Valery Poshtarov, qui a fait poser des pères et leur fils main dans la main, dans son pays, la Bulgarie, mais aussi en Géorgie, Arménie, Turquie, Serbie. En les observant, l’écrivain Mathieu Palain s’est aperçu qu’il ne tenait plus son père par la main. Et que ce geste anodin raconte beaucoup des préjugés sur la virilité.

Timothy Snyder

par Léna Mauger, Serge Michel

Professeur à Yale, l’historien américain, spécialiste de l’Europe centrale et orientale et de la Shoah, met en garde contre le risque de répétition de l’Histoire et explore les théories du complot antisémites de Vladimir Poutine à l’aune du conflit entre Israël et le Hamas.

Comment construire son meilleur ennemi ?

par Michel Henry

Pour lancer une guerre, il faut un ennemi, et un bon. Comment le fabrique-t-on ? Par quelles manœuvres attise-t-on la haine pour qu’un jour on ne pense plus qu’à détruire « l’autre » ? Pour que le tourbillon des sales idées qu’on infuse et diffuse donne force de loi à l’innommable ? Des siècles d’antisémitisme ont préparé les esprits à la « Solution finale » nazie. Au Rwanda, Radio télévision libre des Mille Collines (RTLM) a chauffé les braises du génocide, en 1994, en désignant les Tutsi comme autant de « cafards » à exterminer – le colonialisme avait auparavant alimenté ces haines entre ethnies. Une à une, les barrières morales tombent, ne reste qu’un message martelé comme une évidence : l’autre est le diable, il faut l’éradiquer. Normal et nécessaire : si on ne l’exécute pas, c’est lui qui nous fera disparaître ! Alors s’abattent les sabres qui font gicler le sang. Ensuite, une fois que l’ennemi a été mis à terre, torturé, terrorisé, éliminé, violé, l’humanité peut- elle refaire surface ? Parler à l’ennemi est-il possible ? Après le temps de la haine, arrive le temps du soin : raccommoder les existences, panser les plaies, cohabiter en enfouissant les tragédies, ou en les partageant. Pour Kometa, cinq personnalités explorent le sujet. Sylvina et sa fille Marianne, née d’un viol. « Je ne peux pas vraiment vous dire combien d’hommes m’ont violée, ils étaient nombreux. Tout ce que je sais, c’est que quatre mois plus tard, j’étais enceinte. Je me sentais tellement mal que j’ai essayé de me suicider deux fois. [...] Mais aujourd’hui, Marianne est ma vie. Je ne regrette pas le passé parce que je l’aurai aussi longtemps que je serai sur cette terre. » Extrait d’une série du photographe sud-africain Jonathan Torgovnik sur les enfants nés de viols commis pendant le génocide des Tutsi de 1994.

La fin de l’homme rouge

par Svetlana Alexievitch

Svetlana Alexievitch est allée à la rencontre d’un pays disparu : l’Union soviétique. En Russie, en Ukraine, au Bélarus, au Turkménistan, la journaliste bélarusse a écouté la voix des ex-Soviétiques. Cet Homo sovieticus, c’est moi, dit-elle. « Nous sommes remplis de haine et de préjugés. Nous venons de ce pays qui a connu le goulag et une guerre effroyable.

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