D'emblée, si l'on accepte que la question "pourquoi l'art aujourd'hui?" nous entraîne hors de la fonction instrumentale - cette réduction de l'art à une fonction instrumentale -, il devient possible de discuter du sens, de la direction propre de l'Art actuel ici. Urbanisé, industrialisé, informatisé, l'empire de Rationalité moule notre quotidienneté, domestique le Temps de nos vies et s'insinue dans nos manières de penser, de sentir et de faire. Or, ce fonctionnalisme ne se heurte-t-il pas aux sphères de l'imaginaire, qu'une poignée d'erréductibles s'appliquent à semer dans les esprits comme un désordre? C'est qu'il s'agit d'une nuance de taille. ... Encore là, parmi toutes ces pistes, tous ces «signaux artistiques étranges» il faudra constamment démêler l'apparat du langage et de la technologie. L'analyse de la sensibilité hybride des audiences, des analystes, des complices, mais surtout des artistes entre eux, devra se poser non plus sur le manifeste, sur l'excessif, sur l'éclatant, sur l'explicite mais davantage sur ce que les sociologues «prospectivistes» nomment les «signaux faibles » de la Culture. Comme le pensait Mac Luhan en 1964, l'artiste reste «l'homme de la lucidité globale»... mais cette fois en produisant des signaux esthétiques moins organisants, oscillant entre l'inertie cybernétique et la guérilla créatrice.
Numéro 36
L’ère des signaux faibles
Texte en performance
Événements du neuf (avril) / événements neufs. Textes en action. Gestes parlés. Sept exécutions pour public visiblement non-averti remplissant la salle de l'auditorium du Cégep François-Xavier Garneau. Maître du jeu, maître du lieu: Pierre-André Arcand. Quelques sons donnés à son magnétophone à déroulement infini emplissent l'espace et préparent à chaque action tout en devenant de plus en plus complexes. Dans un premier décor d'atelier, c'est Réparation de poésie de Jean-Claude Gagnon; ce soir-là ce n'était pas la poésie qui faisait défaut mais la déchiqueteuse à papiers qui refusait de fonctionner. Gagnon propose une façon nouvelle de lire et d'entendre la poésie, — est-il bien sûr qu'il en existait qu'une seule? —: gazou, saxophone, harmonica, saxophone, flûte sont autant d'instruments par lesquels on peut faire entendre la sonorité du poème, quitte à ce que celle-ci en devienne l'élément fondamental. «Il faut dénaturer toutes vos syllabes» écrit Jayet, comprises comme des zones sonores interactives.
La Société de Conservation du Présent
Il y a différentes stratégies: celles du monde donné, celles du monde qui n'est pas donné. Il y a les paroles des individus dont la communauté s'attache la reconnaissance. Il y a la communauté de la reconnaissance qui s'attache la parole des individus. Pourtant le fait social ne peut s'envisager sans une transversalité des énoncés où personne ne triomphe. Le fait social n'est pas une chose. Néanmoins, on nous affirme que nous habitons une société de la consommation du présent, une société de la strate et de la séparation. Dans ce très grand fermoir de l'un(e) à l'autre, il y a donc distance, espace de la critique. Il y a là-bas le vide, ilya là-bas le plein, mais il y a toujours là des paroles minoritaires. Ces paroles ne sont pas des paroles individuelles, elles sont tricotées serrées. Choses dites en motif jacquard selon une stratégie des micro-pouvoirs. Le pouvoir n'est pas ailleurs. Les micro-pouvoirs s'inscrivent dans la multitude des faits et prennent la forme de lieux communs. C'est l'une des choses qui n'est pas donnée, qui semble n'avoir pas lieu dans ce monde du spectacle: le pouvoir du minoritaire de se présenter en tant que tel. Se reconnaître comme habitant la très grande sensibilité des ombres pour tenter la communauté de la reconnaissance.
Vers une art / chitecture 2
Le projet Colombus Dans le contexte fluide du relatif... Construire, c'est s'adapter à la relativité du site, C'est créer un objet autonome dans un environnement spécifique, un objet autonome dans sa nécessaire interdépendance de l'environnement. L'objet du parti est une architecture comme réflexion et commentaire, matérialisée par une insertion dynamique dans le continuum spatio-temporel d'un contexte analysé de façon perspectiviste. Le paquebot moderne était sur pilotis!... Merveilleuse machine perchée au-dessus des flots... Certains en admirèrent distants la monumentale prestance, d'autres plus ingénieux montèrent à bord pour en extraire les règles d'or d'une nouvelle mystique. Ces derniers eurent un tel succès que le vaisseau devint lieu de pèlerinage connu. En fait, il attira tant de fidèles invétérés, lucrativement vendus au dogme de la répétition, qu'il finit un jour par céder, écrasé par le poids de leurs illusions! Perdant ainsi l'appui des pilotis qui le maintenait au sec, le paquebot mouille dans des courants tumultueux et, se fragmente... Naufrage pour le troupeau d'idolâtres qui en avait fait un idéal pétrifié, nouveau défi pour ses créateurs et leur avide descendance...
V.E.C. Poetry (Extraits)
L'illustration de Rod Summers: COMPUTER POEM DISPLAY "The recent development of WIMP systems for the home or personal computer coupled with software for art and typesetting have extended the Machines poetic possibilities yet further. The VEC computer new speaks the poems as they are displayed in animated form upon the monitor screen. Poetry is still here."
Reçu au lieu
"LOTTA POETICA" Un nouveau départ pour Lotta Poetica que dirige Sarenco et Miccini. Un 0 c numéro spécial de 160 pages, bilingue, italien avec français ou anglais. Des articles, des entrevues, richement accompagnés de documentation visuelle. Dick Higgins sur «Mediocracy: l'art des années '80», fort intéressant au sujet de la situation de l'art en rapport aux pratiques des années '50-'60 et 70. "MID CONTINENTAL" Au milieu du continent, une revue culturelle qui a opté pour l'image et une large diffusion. Subventionnée, à but non lucratif, mais avec l'objectif avoué de payer son publicité nombreuse. Calendrier des activités culturelles autres échos de l'urbanité. "NEX" "ESSE" "PLAGES" "POETS, PAINTES, COMPOSERS"
La promenade d’Isidore Ducasse
Texte de la performance présentée à Québec, Espèces Nomades, octobre 87 "JAIL I SAID JAIL ASTERIE FIGUIER SIND AFFIRMATIV PARCOURS DÉCHIRÉ FOUGÈRE ZÉBRÉE KARMA ON THE ROCK EÏNE ISOLIERTE ERYOU EUSMILIA KIERKEGAARD AUSDRUCK SITUATION ISOMATIC DARÛBER DOULEUR MÉDIA PLACENTA HACHÉ COSMIK ASPERGE RADIKAL PRINCIPE LUMBAGO NUCLÉÈRE PROFONDEUR MUSETTE LATRINE ENCHANTÉE HAKEA LAURINA A LOOP IN THE NEWS NICARAGUA HELAS OSTRACODERMES CULTURE ÉTABLE LIT HOMME APPARITION OLIPHAN SATURNE CAMEMBER CANYON PRAXIS VISQUEUX CHIEN BASKERVILLE CESTRUM DIURNUM Y A PAS DE FEU ICI PYROMATIC JUVENIL RÉCITATIF ROCK ACIDE INDOUIST ACCORDÉON ROBOT, I SAID ROBOT POST-VACANCE SANYO SIMILITUDE EXORCIST DIVINE MATERIAL CHANGING POSITION...."
Infester les zones
COLLECTIVE ARTISTS GROUP FROM QUEBEC AT NEW YORK. Le Collectif d'artiste Inter / Le Lieu a contribue à sa façon au dixième anniversaire de Franklin Furnace ( 112 Franklin Street N.Y.). Fondé en 1976 par Martha Wilson, Franklin Furnace est devenu le plus important centre de documentation d'art parallèle en Amérique. Installations, expositions, performances, livres d'artistes et archives constituent lu trame de ce Last word in Museum. Ce qui n'aurait-pu être qu'une exposition des oeuvres et activités des membres du collectif de Ia mi-novembre à la fin décembre, s'est véritablement transformé en art adventure les 13, 14 et 15 novembre 1986 entre Soho et East Village. Performance en trio à la galerie Émilie Harvey le 14 soirée de performances chez Franklin Furnace le 15 et au NoSeNo sur Rivington Street dans Ia nuit témoignent non seulement de la vitalité et des contacts réseaux de l'art qui se fait et auxquels participent Inter / Le Lieu mais aussi de certaines données et de certains enjeux du champ de l'art actuel.
Trois de deux
Bien connu pour avoir résolument pris le parti de l'art actuel à Aima (Lac-Saint-Jean), Langage plus avait surtout jusqu'à maintenant ouvert ses portes à des artistes en arts visuels. Suzanne Lavoie, conceptrice et responsable du projet Trois de deux, précise cependant qu'il y a toujours eu de la danse à Langage plus mais ce de façon sporadique. Citons en septembre 81, Eiko et Koma, en novembre 82, lors de l'exposition de Domingo Cisneros, Pildowi; en 1983, le Terminal City Dance (Vancouver); la même année, Dena Davida dans une performance-danse "Chacun pour elle"; et puis, Julie West, Marie Chouinard et une installation-danse de Suzanne Lavoie, "De la terre au ciel". En 1986, Langage plus a choisi de renforcer cette tendance en organisant une série de spectacles qui a pris le nom de "Trois de deux — danse actuelle". Pourquoi "Trois de deux"? Le trois signifie simplement la tenue de trois spectacles et le deux, le nombre de productions par spectacle. À chacun des "Trois de deux", il s'agissait de jumeler des danseurs et danseuses du Saguenay-Lac-Saint-Jean et d'ailleurs, Montréal dans les trois cas. Les objectifs de la série sont doubles: En premier lieu, présenter diverses tendances en danse actuelle; ensuite, mettre en place un événement (le spectacle et sa préparation) où les danseurs et danseuses peuvent échanger.
Michel Goulet
Sculpture-installation de Michel Goulet, au Lieu (28 février - 8 mars 1987) Les sculptures de Michel Goulet dépassent allègrement tous les cadres déterminants. Encore plus, elles les changent. Et pour cause, la puissance liée à la finesse de ses créations nous confrontent à ce que l'art actuel québécois nous offre de plus intense, de plus important. Cette année, le Musée d'art contemporain (Exposition Cycle récent et autres indices) et le Musée du Québec (La Galerie du Musée 1976-1986), dans des expositions charnières, dont la critique journalistique des grands médias s'est fait l'écho, ont reconnu ce talent. Pourtant, l'esprit artistique de Michel Goulet n'est aucunement fait sur mesure pour l'art institutionnel, pas plus pour la logique du seul marché, sur lequel ses oeuvres fortes trouvent toujours preneurs. Michel Goulet incarne d'abord la communauté des sculpteurs et artistes québécois dans ce qu'ils ont de plus innovateur et en même temps de plus enraciné. C'est la première fois que Michel Goulet, «s'installait» dans un espace «parallèle» pourrait-on penser suite à sa présence au Lieu. En fait, Michel Goulet ponctue le renouvellement par l'audace de l'art depuis 1980. Sa prestation environnementale à Chicoutimi en 1980 demeure une des plus fascinantes, son rôle sans compromis lié à son oeuvre ouverte au Rendez-Vous International de Saint-Jean-Port-Joli, ses recherches sculpturales présentées à l'ex-galerie Joliette et expliquées à la Chambre Blanche à Québec sont des indices.
Charles Dreyfus
Du 13 au 21 mars 1987, le Lieu, centre en art actuel recevait Charles Dreyfus. L'exposition est composée d'objets, de collages et de propositions qui bouleversent l'étendard - lire l'étang d'art - plasticien. En réalité, Dreyfus est un philosophe qui déclame par la métaphore sur le pan de mur; le jeu d'esprit reste privilégié par rapport à l'impact formel... Cette exposition témoigne de préoccupations d'un état mental; on y décèle l'apport du calembour - après Duchamp - et les références à l'histoire de l'art et de la littérature. Le pastiche des Breton, Duchamp, Klein et Buren affirme une résurgence qui laisse apparaître la trace: le dépassement de l'artifice. En performance, le vendredi 13 à l'Oeil de poisson, Dreyfus est égal à lui-même. Il offre un étalement d'idées et force est de croire qu'il pousse le «spectateur» dans une situation d'Inconfort. Nous sommes ici fortement éloigné du «spectacle» à l'américaine; quoique le ludique se confronte sans concession à la logique de la banalité. Il propose l'exécution de la pensée linéaire. L'ouverture, par le jeu d'esprit, démontre l'inutilité du dispositif souvent lourd de la performance: Dreyfus est un solitaire, un célibataire sans machination.
Pierre-André Arcand; “Boucle, installation sonore interactive”
Pierre-André Arcand, avec son installation sonore interactive, propose un double dérèglement: du Lieu, du public. Dans le premier cas, parce qu'il y a peu à voir, peu à comprendre, sinon un rapport immédiat du sens à la machine. Face au public, Arcand déplace la fonction voir-vu vers un axe outil-production; où l'on constate que l'outil-installation sans public-performeur n'est que médium de diffusion. Par cette Installation, Arcand parvient à transposer en vase clos son travail de scène sans se laisser piéger par les murs et le statique de l'espace. Du même coup il délègue ses outils, soumet ses infernales boucles aux doigts et aux gorges du public. Proposition ouverte à balayage récurrent pour un choc sonore frontal. Ainsi, le déplacement formel des utilités repose d'abord sur un déplacement des organes. Il s'agit bien de la machine comme concept de «détournement de l'énergie» (Lyotard). Mais, ta question n'est plus d'ordre opérationnel, mais conceptuel. Comment établir le rapport au produit jamais fini, toujours en construction? Et puis se situer dans le prolongement sonore même, ie produire, l'entendre, l'enfouir sous d'autres sons. Éphémère, permanent. On pense aux surimpressions sonores dans les endroits publics, dans la rue. S'y ajoute cependant un instrument de contrôle, pouvoir affirmer que 1 + 1 = ».
“Déjà”
DESCOSSY GILBERT: Travail de ce jour. 19.8.1986 extrait d'une grande pièce qui a pour titre «déjà» pièce débutant le 23-9-1985, et s'achevant je l'espère, le jour de ma mort.