Là où la méthode de travail était un élément qui motivait la création artistique en l’inscrivant dans une démarche d’affirmation et d’assurance souvent progressiste, celles utilisées par les plasticiens actuels s’ouvrent à ce qui était auparavant combattu et rejeté : l’impuissance, le doute, la vulnérabilité, l’insatisfaction. Ce sabotage méthodique ici analysé, introduit et appuyé par la figure du Joker, permet de trouver des failles pour sortir de l’aliénation spectaculaire et consumériste qui touche nos existences sans épargner le monde de l’art. Cette non-assurance caractérise des démarches mutantes qui dégradent l’aura de l’esthétique et se fondent sur des dynamiques de l’état d’esprit.
Sabotage
Joker – Le sabotage méthodique
Gianni Motti – La grande menace
Ce texte, consacré à l’artiste Gianni Motti, tente de dresser un parallèle avec l’action terroriste, notamment avec les avantages tactiques – les morts en moins – de la voiture piégée. À travers ses revendications de paternité de catastrophes naturelles ou d’incursion dans l’hémicycle de l’ONU où il prend la parole en se faisant passer pour le délégué indonésien absent, je montre la manière dont il agit hors du monde de l’art, au cœur du système politique et social, en adoptant une position ambiguë par rapport à une réalité où règnent le spectacle et les faux-semblants. Le texte décrit également comment il utilise les médias pour se libérer de la production d’œuvres, pour échapper au maximum aux lois du marché de l’art, en abandonnant l’image au profit de la légende urbaine et de la rumeur.
Réflexions sur le potentiel et les limites de l’insurrection infiltrante
« Réflexions sur le potentiel et les limites de l’insurrection infiltrante » propose un exercice dialogique qui articule et amplifie les idées mises de l’avant par deux produits culturels : L’insurrection qui vient, du Comité invisible (2007), et l’ouvrage à paraître, byproduct: On the Excess of Embedded Art Practices (2009), en collaboration avec la directrice de cette publication, Marisa Jahn. L’insurrection qui vient et byproduct visent des objectifs distincts : ils traitent donc l’idée de sabotage de façon très différente, et pourtant parallèle. La différence est par définition productive. Voyons ce qu’elle produit ici. Voyons quel est le « sous-produit » de cette rencontre.
Du sabotage en architecture : Les anti-projets de Didier Faustino
Depuis les instruments fracassés sur les scènes rock des années 1960, le sabotage s’est étendu à d’autres champs de la création artistique. Même en architecture, domaine pourtant structuré par des contraintes légales et administratives strictes liées aux impératifs de la construction, des saboteurs parviennent à opérer, tels Didier Faustino et le Bureau des Mésarchitectures. Comment procèdent-ils ? En contestant les termes des concours et en reformulant les demandes des commanditaires. Jusqu’où vont-ils ? Jusqu’à prôner l’illégalité. Ce faisant, ils révèlent une violence sournoise dont l’architecture est souvent complice.
À l’assaut : la guérilla culturelle de Cinéma abattoir
Dans le paysage cinématographique québécois de forte obédience consensualiste, Cinéma abattoir fait figure de guérilléros culturel, en organisant des soirées de projections cinématographiques et en éditant une collection de DVD. Son instigateur, Pierre-Luc Vaillancourt, multiplie les terrains d’intervention afin de permettre une expérience cinématographique jouant sur l’idée de la transgression. Véritable combat culturel, ce travail de diffusion apparaît aussi comme une véritable œuvre de création.
Œuvres explosives : Conversation avec Ilya Kabakov
Ce texte a comme point de départ l’exposition de Damien Hirst qui a fait sensation (du fait de sa portée et de son ambition) à la Gagosian Gallery (New York, automne 2000). Intitulée Theories, Models, Methods, Approaches, Assumptions, Results, and Findings, l’exposition a fait l’objet d’une conversation avec l’artiste russe Ilya Kabakov, un trialogue enregistré au début de décembre 2000. Kabakov y décrit la situation actuelle comme un coup porté derrière la tête. Il accuse plusieurs artistes de la nouvelle génération, directeurs de musée et institutions dont les gestes transforment selon lui la culture artistique en un spectacle mondial. Kabakov utilise des termes comme « bombardement intensif » et « apocalypse » pour capter ce phénomène nouveau.
Portfolios
Marc Séguin Thierry Marceau Alain Declercq
Persistance : la performance comme action pure chez Yang Zhichao et He Yunchang
La radicalisation de l’art performatif en Chine durant les années 1990 semble refléter la disparition progressive de la possibilité d’agir en tant que sujet symbolique dans l’espace public chinois à la suite des événements de Tiananmen. Cette hypothèse vaut particulièrement pour les performances impliquant le corps-soi, c’est-à-dire celles où le corps est volontairement soumis à des sévices extrêmes, et dont la valeur consiste dans la capacité à supporter la souffrance auto-infligée, comme chez Yang Zhichao et He Yunchang, performeurs sur lesquels nous nous pencherons dans le cadre de cet article.
Art Metropole. Le top 100 L’objet d’un art qui n’en voulait pas
L’exposition Art Metropole: le top 100 présentée à la galerie de l’Université Sherbrooke à l’hiver 2009, offrait une sélection de cent objets tirés de la collection Art Metropole. Ces objets sont en fait la documentation, sous plusieurs formes, de différentes pratiques et démarches artistiques d’avant-garde s’inscrivant dans le social. Livres d’artistes, photographies, disques vinyle, témoignent de la difficile rupture entre les pratiques dites conceptuelles et la création d’objet. En effet, l’artefact documentant l’action éphémère est ce qui reste d’accessible au musée lorsque l’idée prend le pas sur l’objet. Le document devient l’art lui-même sans être l’œuvre. Comment ne pas voir, de cette façon, la collection Art Metropole comme une œuvre d’art ?
Danser avec le Berdache de Kent Monkman : pour danser autrement
Danser avec le Berdache de Kent Monkman, pour danser autrement cherche à mettre en exergue le travail de déconstruction de l’imagerie coloniale mis de l’avant par l’artiste torontois d’origine métisse Kent Monkman. En analysant les œuvres Trappeurs d’hommes (2006) et Danse au Berdache (2008), et en me penchant sur la figure du berdache, mon propos explore comment l’artiste évoque dans ses créations l’oppression sexuelle et raciale des premières nations et comment, avec un brin d’humour, il appelle à un affranchissement (et à une libération sexuelle) total.
Sculpter la pensée : une entrevue avec Erwin Wurm
Cette entrevue avec le sculpteur autrichien a été menée à l’occasion de Désespéré/Desperate, sa première exposition au Canada, qui s’est tenue à la Galerie de l’UQAM à l’automne 2008. En phase avec le concept à la base de l’exposition, la conversation traite de la philosophie dans l’œuvre d’Erwin Wurm et de son rapport à l’art. L’artiste traite de l’importance de la philosophie dans la vie de tous les jours, exprime sa vision de philosophes comme Wittgenstein, Adorno et Deleuze, et révèle pourquoi il choisit de dépeindre ces imposants penseurs dans des postures aussi irrévérencieuses qu’éloquentes.
Monuments sonores : stratégies mémorielles, résistance et rupture dans Virutorium
Virutorium, une œuvre du collectif KIT et de Robert Saucier, consiste en un monument funéraire composé d’urnes remplies de cendres numériques. Invité à se remémorer les virus informatiques disparus, le visiteur fait l’expérience du son comme véhicule unique de la mémoire culturelle. Assailli d’oraisons funèbres pétries d’ironie, le visiteur se retrouve face à face avec la logique chaotique du défunt capital qui freine la construction de politiques mémorielles. Maniant la métaphore du cimetière et celle de l’hôpital, Virutorium opère un rapprochement entre la menace virale numérique et organique. À mesure que des touches de clavier se déversent sur le sol de la galerie comme autant de cendres numériques, le désordre devient non seulement le symbole de la perte, mais aussi le reflet des nouveaux modes de décryptage de la mémoire qu’exige la culture numérique.
Le règne des vérités gnomiques
Universal Code, une exposition collective présentée par la galerie d’art torontoise The Power Plant, semblait conçue pour soulever des questions troublantes sur la fonction idéologique de l’« universalité ». Les enjeux sont examinés à la lumière de l’analyse faite par Roland Barthes de l’exposition de photographies La grande famille des hommes d’Edward Steichen. Comme le montre Barthes, les notions de communauté humaine et de vérité universelle masquent la réalité historique par un « langage poétique » vide, d’où la notion de « règne des vérités gnomiques ». Un examen approfondi des œuvres de l’exposition Universal Code révèle toutefois une réalité plus complexe.
Concours Jeunes Critiques
Michael Rakowitz Projets récents sur Bagdad et Montréal : petite et grande histoire de nos cultures matérielles
Affaire de zouave
Amas Gâchydermique
Expositions
Stephen Appleby-Barr – Narwhal Art Projects Elizabeth Zvonar – Contemporary Art Gallery John Baldessari – Tate Modern Oil Tanks 11e Biennale d'Istanbul – Foundation for Culture and Arts Gwen Macgregor & Sandra Rechico – Galerie B-312 We Interrupt This Program – Mercer Union Huang Yong Ping – Kamel Mennour
Publications
Precarious Visualities: New Perspectives on Identification in Contemporary Art and Visual Culture – McGill-Queen’s University Press Jean-Pierre Latour, critique d’art. Voir et comprendre – Centre de diffusion 3D