1936 !

Après Jack Lang, Benjamin Stora ou Thierry Fabre, rencontre avec un écrivain-dramaturge pensant les rapports entre l’individu et le collectif. Basé au Maroc, il nous livre, entre autres, son analyse sur la crise qui affecte, de nos jours, les relations entre les deux rives de la Méditerranée.

Ouvrir pour montrer

2016 sonne les 50 ans de la disparition de Jean Lurçat : artiste au complet – peintre, cartonnier, poète et céramiste –, deux grandes expositions à Paris et Angers viennent retisser les fibres de celui qui fut surtout et unanimement considéré comme le « rénovateur de la tapisserie » au XXe siècle.

Entre Aldo Manuzio, le premier éditeur italien célébré par la Gallerie dell’Academia et Sigmar Polke, le dernier artiste Pop allemand encensé par le Palazzo Grassi, c’est à un condensé de l’histoire de l’impression, soleil levant devenu couchant – depuis la fin du manuscrit jusqu’à l’éveil du virtuel –, que se livre Venise, à l’occasion de sa Biennale d’architecture.

Rapprocher la période 1939-1945 du millésime 1989, moments cruciaux dans la vie et l’oeuvre d’Hans Hartung, tenait de l’évidence tant le tropisme s’avère commun : l’urgence de créer, alors que la mort guette. Pourtant, l’initiative réalisée à Aubagne est doublement inédite. Jamais une exposition, en plus de ce parallèle, ne s’était en effet attachée à ces années de guerre durement traversées par l’Allemand.

Avec pour fil conducteur les résonances entre volume du corps humain, présence de la figure et occupation d’un espace par la sculpture, Paul-Louis Rinuy, commissaire de cette 4e Biennale de Yerres, s’attaque à un pan vaste de l’expression sculpturale, d’autant plus qu’il a choisi de montrer conjointement oeuvres modernes et contemporaines.

La couleur importée

Les artistes fêtent les 80 ans des congés payés

Les titres donnés à des expositions qui rassemblent des autoportraits affichent sans vergogne le mot « selfie ». Regrettable confusion. Que peuvent bien avoir en commun un genre – l’autoportrait – qui est l’un des plus permanents de l’histoire de la peinture occidentale et la mode très récente entretenue par celles et ceux qui reprennent en choeur la chanson de Guy Béart : « Parlez-moi d’moi, y a qu’ça qui m’intéresse. Parlez-moi d’moi, y a qu’ça qui m’donne d’l’émoi » ? Rien.

Comment un génie météorique comme Paula Modersohn-Becker, qui ouvre le XXe siècle entre Brême et Paris en en pressentant tous les « ismes » peut-elle demeurer aussi méconnue un siècle après sa mort ? Grâce à l’opiniâtreté de la romancière Marie Darrieussecq, qui lui consacre sa première biographie écrite en français, et à la notoriété de l’artiste Maria Lassnig, qui prolonge son oeuvre jusqu’aux portes du XXIe siècle, celle qui a inventé l’autoportrait féminin nu peut enfin accrocher ses icônes hiératiques et barbares sur les murs du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Sainte Paula, un messie sauvage, avec une aptitude à la joie.

L'enfant de l'amour, l'enfant d'avenir et l'enfant de "l'enfance de l'art"

Si François Pinault et Bernard Arnault ambitionnent d’écrire l’histoire de l’art en train de se faire – en se satisfaisant le plus souvent d’alimenter l’histoire du marché de l’art –, le maître de l’Abbaye d’Auberive réécrit à sa façon une autre histoire de l’art. Patron hors-norme, Jean-Claude Volot collectionne l’art hors-norme dans son fief de Haute-Marne, à la manière d’un nouveau Daniel Cordier. Dépassant les clivages entre art brut et art savant, choisissant les artistes sans aucun souci de leur notoriété, la collection de l’Abbaye d’Auberive portraitise la condition humaine en unissant ce qui est disjoint. Mettant ainsi en regard les figures de Chaissac avec celles de Korichi ou celles de Witkin avec celles de Vantusso, la Halle Saint-Pierre rassemble 600 chefsd’oeuvre méconnus, d’une collection qui compte plus de 2500 pièces. Portrait de l’artiste en collectionneur libre.

Artisan de la gloire du soleil, son maître, et souvent indexé pour cette raison même, Charles Le Brun se redécouvre au Louvre-Lens tout l’été dans la seule exposition majeure de son oeuvre depuis cinquante ans. Un embrigadement onirique auprès du maître incontestable de l’Art propulsé au firmament.

« La couleur me possède. Je n’ai pas besoin de la saisir au vol. Elle me possède pour toujours et je le sais. Telle est la minute du bonheur. La couleur et moi sommes une seule et même chose. Je suis peintre. » C’est en ces termes que Klee énonce à Kairouan le cogito du peintre et de la peinture. Une expérience décisive, qui ne cessera de l’inspirer. Aussi, je voudrais m’interroger sur cette question et cette nécessité créatrice : Qu’est-ce qu’avoir l’Orient en soi-même ? Un mythe, une ombre, une musique, une énergie créatrice ? Et quel Orient ?

Des Magiciens de la Terre, en 1989, à sa dernière prestation au Grand Palais, en passant par toute une série d’expositions manifestes, Jean- Hubert Martin n’a jamais eu de cesse de réfléchir aux concepts de musée et de collection. Et, du même coup, à la façon dont il convenait d’aborder la notion d’art contemporain hors des sentiers éculés d’une histoire de l’art dont les canons esthétiques fixés au XIXe siècle ont formaté nos esprits. À l’instar de Carambolages – un titre pour le moins provocateur emprunté au langage du billard et à la technique du coup par bande et par ricochet –, chacune de ses expositions a du moins le mérite de bousculer nos habitudes culturelles et notre manière d’appréhender l’art. Question de salubrité intellectuelle. Rencontre.