Une trentaine d’expositions, de rencontres, de colloques, de soirées de performances, d’échanges en tout genre, voilà en quoi consiste Ceci n’est pas… Art between France and Los Angeles. Pilotée par l’Institut Français, la manifestation multiforme a débuté l’année dernière avec « Lost in LA », l’exposition de Marc-Olivier Wahler au Barnsdall Art Park, et se poursuivra jusqu’en avril 2013 avec celle de Cyprien Gaillard au Hammer Museum, en annexant dans la foulée des événements comme Paris Photo Los Angeles qui ouvrira ses portes au même moment.
Dossier Los Angeles
Ce que Ceci n’est pas… n’est pas
L.A. : …This song makes me want to rob a liquor store
Je n’ai pas vu l’exposition « Los Angeles 1955- 1985 » au Centre Georges Pompidou en 2006. J’étais à Londres, précisément en train de finaliser mon départ pour LA, avec en poche les repères d’une vision européenne de la ville et de son histoire artistique récente. LA est aussi la terre d’adoption d’Anaïs Nin. Elle était présente en 1956 pour la lecture de Howl, lorsqu’Allen Ginsberg s’est déshabillé pour défier un spectateur mécontent : la poésie se lit mieux nu. Nudité devenue légendaire et qui fut au point de départ de la rumeur de la répétition de cette « performance » lors de chacune de ses interventions en université. Los Angeles et la Beat Generation, un des hauts lieux du premier grand mouvement de la contre-culture américaine. Un goût pour l’expérimentation, l’excès, la subversion, l’immédiateté, la théâtralité et la fiction qui se retrouvent comme un fil rouge d’année en année. Comment rêver destination plus idéale pour commencer une carrière de jeune curateur ? J’utilise ici le « je » pour deux raisons. D’abord parce que, de l’après-guerre à aujourd’hui, l’histoire de la production artistique à Los Angeles est si dense et si complexe qu’il serait bien impossible d’en proposer une vision générale et critique dans un texte court. Ensuite, parce que Los Angeles est souvent évoquée comme une usine à rêves.
Entretien avec René-Julien Praz et Bruno Delavallade
Parmi les vingt-six artistes que vous représentez aujourd’hui, treize vivent à Los Angeles, vous ne me direz pas que c’est un hasard… À l’origine, il y a l’histoire familiale de Bruno sans laquelle nous ne nous serions pas forcément tournés vers cette ville. Nous y séjournons régulièrement depuis plus de trente ans. Là-bas, c’est avant tout Rosamund Felsen, par la scène qu’elle présentait (Richard Jackson, Chris Burden, Mike Kelley, Paul McCarthy, etc.), qui a formé notre goût. Cette scène s’est créée grâce à CalArts, USC, UCLA, qui sont de vraies Facultés offrant un enseignement extrêmement riche mais différent de celui de nos écoles des beaux-arts nationales. Elles ont attiré des artistes issus de l’Amérique profonde comme Jim Shaw, Mike Kelley ou Tony Oursler.
Entretien avec Ali Subotnick
Après avoir fondé la Wrong gallery, un espace indépendant d’un mètre carré à Chelsea, New York, aux côtés de Maurizio Cattelan et de Massimiliano Gioni en 2002, et la revue Charley toujours avec les mêmes acolytes, c’est encore avec eux qu’Ali Subotnick co-curate la quatrième biennale de Berlin en 2006 avant de rejoindre l’équipe du Hammer Museum de Los Angeles comme curatrice et responsable du programme de résidences.
Entretien avec Marc-Olivier Wahler
« LOST (in LA) » fait directement référence à la célèbre série à laquelle elle emprunte pour partie son titre. Pour Marc-Olivier Wahler, commissaire de cette exposition qui a investi le Barnsdall Art Center avec une douzaine d’artistes français, américains et suisses, il s’agit de poursuivre des questionnements fondamentaux sur les œuvres d’art et leur mode de désignation : qu’est ce qui fait œuvre, comment un « simple » objet acquiert cette qualité, etc. Le contexte angeleno semble le lieu idéal pour déployer ces interrogations en s’appuyant sur un concept d’exposition qui multiplie les ambiances et les passages comme autant de points de vue sur le sujet.
Entretien avec Hervé Loevenbruck
Mark Hagen, une place dans le temps
L’impossibilité temporelle est au coeur du travail de Mark Hagen. Que ce soit par son usage de matériaux instables ou sa pratique de l’anachronisme, il provoque le hasard tout en le contredisant et aime à réfuter les chronologies en en modifiant l’ordonnancement. Et ce jusque dans les titres dont il pare ses œuvres qui, pour la plupart, s’ouvrent sur un « To Be Titled » complété d’une catégorisation sommaire entre parenthèses. De même, sa première exposition personnelle en France à la galerie Almine Rech s’intitulait : « TBA de nouveau », « TBA » pour « To Be Announced », ce qui, suivi de « de nouveau », frôlait l’illogisme en nous plaçant dans une situation d’attente cyclique de quelque chose d’indéterminé puisqu’aucune information concernant le contenu de ce qu’il restait à déterminer ne filtrait à travers l’ensemble de mots. Néanmoins, ce titre n’était pas réellement insensé puisque « TBA de nouveau » était une reconfiguration des pièces déjà présentées dans les expositions précédentes intitulées « TBA » et « TBAA » (To Be Announced Again). Il y a en effet dans les œuvres de l’Angeleno, et principalement dans ses sculptures, une dimension d’impermanence due aux structures modulables et aux éléments recyclables qui les composent.
Entretien avec Frank Elbaz
Walter Benjamin : histoire des oeuvres
Tenter d’identifier une origine est sûrement malvenu ici. Mais, puisqu’il faut commencer par quelque part, prenons comme point de départ ce qui apparaît comme un début. Il est en effet possible que l’histoire qui nous intéresse débute en 1986 à Belgrade et Ljubljana où se tiennent respectivement « Last Futurist Exhibition 0,10 » et l’« International Exhibition of Modern Art ». La première, organisée par Kasimir Malevich (1878-1935) présente ses fameuses toiles suprématistes, exposées exactement de la même façon que sur le célèbre cliché qui documente cette exposition tenue en 1915-16 à Saint-Pétersbourg. La deuxième est une copie de l’« Armory Show », dont elle reprend le sous-titre, exposition qui introduit l’art moderne aux États-Unis en 1913.
Koenraad Dedobbeleer, sur la pointe des pieds
La récente exposition de Koenraad Dedobbeleer au Crédac 1 s’intitule « Workmanship of Certainty ». Il s’agit du deuxième volet d’une trilogie dont le premier temps fut « Formidable Savage Repressiveness » au Lok / Kunstmuseum de St. Gallen en Suisse, du 8 septembre au 11 novembre 2012, la troisième étape, « You Export Reality To Where It Is You Get Your Money From », aura lieu au SBKM / De Vleeshal à Middelburg, aux Pays-Bas, du 14 avril au 9 juin 2013. Trois moments, un passé, un présent et un futur, pour un projet unique. Trois lieux distincts pour découvrir un ensemble d’œuvres qui entretiennent de nombreuses correspondances, à l’image des relations ambiguës que chacune d’elles entretient avec la réalité.