La carte mondiale des routes de glace

Chaque année, à Pâques, dans les rues de Trapani, en Sicile, la procession religieuse « I Misteri » rejoue inlassablement son itinérance mystique. C’est le son fascinant de la fanfare accompagnant cette cérémonie, qui a inspiré le photographe suisse Christian Lutz dans l’essai original présenté ici. Pourtant, comme toujours chez cet observateur sans pareil des groupes humains, ce qui frappe, c’est la densité des regards et des attitudes, captée ici tout au long d’une route interminable : la procession dure 24 heures.

Il y en a plusieurs dizaines à travers le monde. Toujours impressionnantes et imprévisibles, elles sont essentielles à la vie et au développement de certaines régions. Mais leur existence est remise en cause par le réchauffement climatique. Les routes de glace, ou quand l’eau gelée remplace l’asphalte.

Connue durant des décennies sous le nom de « The Haul Road » (la Route du camion), en rapport aux colonnes de poids-lourds arpentant ce sillon menant du cercle arctique aux champs de pétrole de Prudhoe Bay, à travers la tundra de l’Alaska, la Dalton Highway a pris son nom dans les années 80 et, dix ans plus tard, fut ouverte au public. Le photographe Ben Huff, qui a élu domicile en ces contrées de permafrost, documente somptueusement l’étonnante architecture que cette route et ses abords offrent au regard.

L’Islande, en été mais aussi – et peut-être surtout, en hiver – est la destination dont parlent ou dont rêvent, en ce moment, tous les amateurs de road trips. Il est vrai que le pays est exceptionnel par les ambiances contrastées qu’il offre, l’escapade routière étant certainement le mode le plus approprié pour les découvrir.

Pas de bibliothèque de la route sans les trois Jacks : Jack Black (Yegg), Jack Kerouac (Sur la Route) et Jack London (La Route). Ce dernier a fait, l’an passé, son entrée dans la collection de la Pléiade, un siècle après sa mort. L’occasion pour nous de revenir sur l’héritage de celui qui passe pour l’écrivain du Grand Nord par excellence.

Au Québec, la route nationale 167 relie Saint-Félicien, petite ville du Lac Saint -Jean, aux installations minières de la Stornoway Diamond Corporation, 660 km plus au nord. L’emprunter, comme l’ont fait Martin Bureau et Catherine Benoit, en mars 2017, c’est faire l’expérience de l’immensité boréale et de la toundra, mais aussi, inévitablement, s’interroger sur la relation complexe qui unit le Québec avec ses peuples autochtones.

En août 2012, Vladimir Poutine inaugure le dernier tronçon du premier axe routier reliant Moscou à Vladivostok. Entre les villes de Tchita et Khabarovsk, en Mandchourie, 2000 kilomètres de bitume ont été le théâtre d’une mise en scène soignée. Les journalistes suisses Véronique Marti et Etienne Dubuis situent cet événement comme point de départ pour raconter cette route transcontinentale, avec ses visages, ses tracés, qu’ils vont arpenter, explorer en auto, bus, autostop.

La Suisse n’est pas que le pays des montres, du fromage, du chocolat, et des beaux cols (ci-dessous, la mythique Tremola). Elle est aussi le pays d’une histoire et d’un patrimoine automobiles. Le long de l’itinéraire du Grand Tour de Suisse, conçu par Suisse Tourisme, voici 16 étapes insolites pour partir à la découverte de cette facette méconnue de la culture helvétique.

Du bulldozer à la Colorado boot, la firme américaine Caterpillar a su marquer son territoire et imposer une esthétique de la machine. Dans les champs et sur la route, comme à la ville. Rétrospective sur une monstre marque.

Entre fiction et réalité, les destins des couples de meurtriers qui, de Bonnie Parker et Clyde Barrow à Audry Maupin et Florence Rey, se sont écrits sur les routes ensanglantées, sont des révélateurs de notre rapport à l’Histoire et à l’image. Les deux se font échos dans une filmographie infectieuse, depuis le brûlot d’Arthur Penn jusqu’au récent Baby Driver d’Edgar Wright.

« Dans une époque, où semble régner le besoin de satisfaction immédiate, où tout s’accélère, nous avions envie d’aller exactement en sens inverse. » Ainsi Jónsi Birgisson, chanteur-barde du trio islandais Sigur Rós, expliquait le projet expérimental et itinérant dans lequel le groupe allait se jeter en ce jour du 21 juillet, solstice d’été, 2016 : parcourir les 1332 km de la Route One (Þjóðvegur 1, 1332 km), cette route côtière qui couronne l’île scandinave, à bord d’un monospace avec caméra embarquée pour filmer le trajet, et studio pour improviser des nappes éthérées et telluriques.

Elles ne représentent que 13% des kilomètres parcourus, mais elles occupent 50% de l’espace. « Elles », ce sont les voitures à Paris. La capitale française est symptomatique du « mal » de la ville occidentale : la domination des quatre-roues. Une situation qui évolue, de plus en plus vite. La preuve ? Les plans urbains « spécial piéton » se multiplient un peu partout en Europe.

A mi-distance entre Yverdon-les-Bains (Suisse) et Pontarlier (France), niché sur les crêtes du Jura, proche d’un haut-lieu de l’histoire industrielle (la petite ville de Sainte-Croix, capitale mondiale de la boîte à musique), se trouve le Grand Hôtel des Rasses, un établissement qui a traversé l’Histoire (il fêtera ses 120 ans en 2018), et qui, aujourd’hui, du fait de son confort, de sa convivialité et de son accessibilité, est apprécié des amateurs de route, solitaires ou en groupe, motorisés ou pas, en simple balade ou en grand voyage.

Vous avez pu suivre leurs exploits et leur quotidien dans la série 12% minimum que nous avons publiée durant tout l’été sur notre carnet de route en ligne (www.roaditude.com). Eux, ce sont les Entre Couzs, une équipe de longboadeurs franco-suisse qui réunit, sur les pentes des Alpes et d’ailleurs, une dizaine d’intrépides, dont plusieurs filles, entre rêve, passion et danger. Leurs vêtements sont usés par les frottements et la poussière, mais cela n’empêche nullement la distinction.

Il n’y a pas de route sans routards. Vous en avez rencontré sur le « chemin de l’Inca » qui mène au Machu Picchu, sur la nouvelle Route de la soie ou la Transcanadienne. Ils portent des bracelets brésiliens aux poignets et des vêtements multicolores en lin. Si les plus surfeurs d’entre eux ont parfois des tongs Havaianas aux pieds (et les plus Allemands, des Birkenstock), leurs chaussures de randonnée ne sont jamais très loin, suspendues à leur sac-à-dos comme des trophées. Autre signe distinctif de cette caste des baroudeurs : à n’importe quel moment de l’année, sous n’importe quelle latitude, ils sont bronzés. Leur chevelure est souvent aussi longue et bigarrée que le récit de leurs aventures. Ils ont « fait » tous les pays du monde. À l’instar de Jules César – l’un des plus grands touristes de son époque – ils sont venus, ils ont vu, ils ont vaincu. Petits portraits de famille.