Création insulaires
L’art des îles - Entretien avec Marc Jimenez
Le fantasme de l’île - Considérations proxémiques et idéologiques
Je vois deux façons de prendre littéralement l’idée de « créations insulaires ». La première est de considérer les créations artistiques faites dans le contexte insulaire, soit pour en détailler l’une ou l’autre, soit pour se demander si l’insularité détermine d’une manière ou d’une autre la création artistique. La seconde, de parler des îles artificielles, de Venise à The Palm Jumeirah de Dubai, cet archipel en forme de palme, en passant par le projet Lilypad, une ville flottante imaginée par l’architecte Vincent Callebaut.
Insulaires et insularité - Entretien avec Gerry L’Étang
Dans l’entrevue ci-après l’anthropologue Gerry L’Étang nous entretient du rapport des insulaires à l’insularité. Il s’attache plus particulièrement à cerner le point de vue des Martiniquais au regard du phénomène. Leur position est marquée selon lui par une histoire singulière qui les a coupés d’un océan qu’ils ne voyaient pas. Cette oblitération de la mer est en rupture avec la relation qu’avaient avec cette dernière les habitants précédents de l’île, les Caraïbes, mais aussi avec celle des touristes qui fréquentent aujourd’hui cet espace et qui en retour modifient le comportement des locaux vis-à-vis de la mer.
L’île entre mythe et réalité
Le lieu dans lequel on vit, à partir duquel on pense, on écrit, on crée, détermine une approche particulière des choses. Le lieu d’où l’on vient, dans lequel on a grandi, celui que plus tard on a choisi et que l’on aime, influe sur la conception que l’on a des choses et sans doute sur la relation que l’on entretient avec le monde.
D’îles en archipels, esthétiques insulaires
La notion d’île recouvre des champs disciplinaires différents et complémentaires, de la géographie à la littérature de science-fiction. Penser en archipel, ainsi qu’Édouard Glissant le propose dans ses textes, répond à la mondialisation actuelle, et si l’artiste est devenu un « radicant », selon Nicolas Bourriaud, il peut déplacer plus vite ses propositions, d’îles en continents et vice-versa, construire des archipels d’actes et de pensées qui connectent des modes d’être au monde, un monde certes élargi, exposé, resserré également sur les points brûlants de pays en guerre.
Cheminements entre paysage et imaginaire insulaire
Dans ce pays en forme d’île que l’on nomme Martinique, tous les chemins dialoguent avec la mer. Pourtant, la parole proverbiale créole met en garde : pa pran bòd lanmè pou gran chimen. Autrement dit : « N’imagine pas que la mer soit un grand boulevard ! Tu ne saurais non plus, ô nègre sorti des abîmes, saluer le vieil océan, à la manière de Lautréamont ! ». Ce propos est peuplé d’histoires, notamment de celle de la Traite négrière transatlantique ou celle de ces nègres-esclaves qui voulaient s’évader de l’univers concentrationnaire de la Plantation.
Des imaginaires de l’île aux poétiques créoles
Cette réflexion autour de l’impact de l’insularité sur les poétiques créoles prendra appui sur deux oeuvres de Patrick Chamoiseau, L’Empreinte à Crusoé, récit paru en 2012 et son tout dernier essai, Césaire, Perse, Glissant. Les liaisons magnétiques (2013)1. La trame de l’île s’y déploie selon des modes différents. Dans le premier opus, elle est « une de ces îles à sauvages qui servent de marchepied à l’Amérique » (EC 167)2, mais sa topographie essentielle occupe le coeur du récit. Comme dans le roman original de Daniel Defoe elle en constitue le biotope central, puisque la confrontation du naufragé avec le monde se fait dans le corps de l’île, en son sein – contre elle, avec elle, malgré elle.
Retour sur l’île de L’avventura Paysage insulaire et modernité
En juillet 1983, Michelangelo Antonioni revient sur l’île où, vingt-quatre ans auparavant il avait tourné quelques unes des séquences les plus célèbres de L’avventura, celles de la disparition d’Anna et de sa vaine recherche.
L’installation dans les Antilles françaises
L'installation en art est le fruit d’une confluence d’expériences et d’expérimentations. Cette pratique, qui entre définitivement en scène dans les années 1960, est aujourd’hui devenue relativement courante, presque aussi courante que n’importe quelle autre pratique artistique.
Le Street art en Martinique. Gros plan sur le graffiti
Le Street art, par définition, désigne un art urbain qui a pour particularité de s’exprimer et de s’exposer exclusivement dans les villes, donc dans la rue et tout ce qui la compose par extension : façades d’immeubles, murs, portes, trottoirs, mobiliers urbains, terrains vagues, etc.
Pratiques pélagiques
Le point de vue que nous allons adopter ici par rapport à l’expérience artistique insulaire est singulier et certainement minoritaire. Il est impossible d’analyser une oeuvre d’art sans tenir compte du ou des points de vue individuels qui l’ont réalisée. La création artistique est toujours la production de singularités situées.
Ecrire pour le théâtre aujourd’hui à la Martinique. Réflexions sur Rideau !
Le Théâtre Aimé Césaire de Fort-de- France proposait au public en juin 2014, en création, ma pièce Rideau ! dans une mise en scène de Gladys Arnaud dont elle interprétait également le personnage unique (« Elle »). Cette pièce – où la musique et le chant, on va le voir, ont une place de premier plan – n’existait pas « avant la Martinique » et ne serait pas née sans cette île, sans les réflexions dont elle est l’occasion et les rencontres qu’elle permet.
Français d’Outremer, Créoles, Antillais, ou Caribéens… Quelle posture les artistes de Guadeloupe empruntent-ils ?
En Guadeloupe l’artiste dispose d’une palette de termes pour désigner sa singularité : du plus restreint aux simples dimensions de son île, « guadeloupéen », à des termes ouvrant sur des vastitudes maritimes, « caribéen » ou « ultramarin », en passant par des désignations plus ambiguës telles que « créole » ou « antillais ». Cette pluralité serait-elle la marque d’une personnalité éclatée, fragmentée, flottante, en quête de structuration ? Ou à l’inverse, incarneraitelle le dynamisme d’une identité nouvelle, reflet de cet espace archipélagique émergent ? Si l’insularité et les conflits coloniaux ont pu inciter les populations issues d’horizons divers au repli et à l’enfermement, la conscience d’une histoire partagée les invite au rapprochement, au sein d’un vaste ensemble désormais ouvert.
Partir, revenir, détourner
Il y a des questions qu’il faut affronter avec courage, honnêteté et réalisme. La Guadeloupe est une petite île où se déploient beaucoup de manifestations artistiques. Y a-t-il pour autant pléthore de créateurs exigeants, des oeuvres ambitieuses ? Est-il nécessaire qu’un plasticien exporte son travail hors de son île pour que soient reconnues l’authenticité et l’originalité de ses productions ? Y a-t-il en Guadeloupe un large public de connaisseurs, d’amateurs d’art véritablement éclairés, ou simplement respectueux, aptes à reconnaître les démarches de l’art comme ayant de propres et réelles exigences face aux turpitudes du monde ? Ce public-là, de même que de tels artistes, ne sont pas légion au sein des grandes villes occidentales. Pourquoi, toutes proportions gardées, devrait-il y en avoir autant dans les petites îles des Antilles et en vertu de quels privilèges ?
La nouvelle scène artistique d’Haïti
A considérer les types de création que les expositions, les catalogues, les livres et revues, les galeries, musées et collections privées donnent à apprécier, pour la période allant des années 1930 au début des années 1980, il ressort que, si un grand nombre d’artistes d’aujourd’hui continue d’oeuvrer selon des tendances établies, d’autres s’efforcent, depuis les années 1980-1990, de s’orienter vers de nouvelles directions. C’est cette dynamique que je conçois comme une nouvelle scène, dont il faudrait analyser l’émergence, le développement, l’étendue, les caractéristiques.
Mutations et permanences dans l’art contemporain haïtien
La publication en 2012 de l’ouvrage collectif Curating in the Caribbean dirigé par David A. Bailey, Alissandra Cummins, Axel Lapp et Allison Thompson1, a rassemblé des articles de critiques et de commissaires d’expositions avec pour objectif de dresser un état des lieux de la médiation artistique, spécifique au domaine des arts visuels, dans la Caraïbe. José Manuel Noceda Fernández (Cuba), Claire Tancons (Guadeloupe), Sara Hermann (République dominicaine), Krista A. Thompson (Bahamas), Winston Kellman (Barbade), Jennifer Smit (Curaçao), Dominique Brebion (Martinique) et Veerle Poupeye (Jamaïque) y ont présenté, chacun à leur manière, les préoccupations du domaine, dans leurs contextes respectifs.
L’actualité artistique en République dominicaine. Les options de survie et de visibilité
Effervescente et éparse, l’actualité artistique en République dominicaine traduit la quête particulière de visibilité dans laquelle sont engagés les artistes qui ont vu se réduire les opportunités dans les dernières décennies, avec la disparition à Saint-Domingue d’espaces traditionnellement dédiés, comme El Voluntariado de las Casas Reales et les salons de la Casa de Bastidas, dont le rôle a été fondamental pour l’art dans les années 1980 et 1990. De même, à Santiago de los Caballeros la Casa de Arte décline. Cet espace, collectif et accueillant, a été le paradigme de la gestion culturelle dans la ville « cibaeña » durant les dernières décennies du siècle passé.
Cuba sur sa mer : une insularité symbolique et un engagement environnemental
Naître sur une île détermine un espace dans l’imaginaire artistique. Naître dans une nation-État, avec règle et mesure, délimitée par des fleuves ou des montagnes, frontaliers, n’est pas la même chose que de naître sur un lopin de terre entouré par la mer, reste d’une cordillère immergée dans l’océan, quatre points cardinaux salpêtreux, dessinés par un horizon infini qui, parfois, disparaît comme les paroles d’un boléro ancien : « On voit, également bleus, la mer et le ciel qui, avec la distance, semblent s’unir ».
L’oeuvre de l’artiste cubain Abel Barroso : ricochets géographiques, découpages et pouvoirs de la mer
Dans la Caraïbe insulaire, la création artistique révèle à quel point le poids de la géographie et de l’histoire alimente le dessein des artistes. Le mot Caraïbe insulaire renvoie à la mer ainsi appelée, élément de continuité d’un lieu et d’un ensemble terrestre fragmenté. Indiscutablement, la dénomination « mer des Caraïbes » est pétrie d’histoires. Comme dans d’autres endroits du globe, on a parlé souvent de Méditerranée, ici américaine. La mer des Caraïbes est une mer enserrée par les continents nord et sud-américains.
Quelle est cette île ? Espaces rêvés et “lieux communs ” dans les pratiques plastiques à La Réunion
Dans la continuité d’une réflexion de Carpanin Marimoutou sur le lieu et le lien dans la littérature réunionnaise, nous reprenons ces vers lancés par Riel Debars, poète réunionnais contemporain, qui posent, par-delà leur sombre mélancolie, la question fondamentale du rapport de l’homme au territoire de l’île et de la place de l’île dans l’univers...
Situation de l’art à La Réunion. Le corps de l’île et la posture de l’artiste Stéphanie Hoareau
L'intérêt du monde de l’art, vingt-cinq ans après le coup de tonnerre des « Magiciens de la terre » en 1989, pour les oeuvres dites « exotiques » ou « du Sud », et sa difficulté à refonder des critères de lecture communs à l’art contemporain mondial, serait un angle d’attaque du sujet, mais je propose plus modestement un voyage dans des « créations insulaires » produites à La Réunion, à l’aune des questions du paysage et de la posture physique de l’artiste dans l’espace géographique et humain de l’île. En effet, l’observation des oeuvres semble montrer, ici plus qu’ailleurs, que de cette posture découlent des oeuvres singulières.
Voies du Pacifique : en un pays clivé
"L’art est une parole », tel est le titre de l’exposition qui s’est achevée récemment à Paris au musée du Quai Branly (MQB) et qui, depuis mars dernier, est présentée au Centre Culturel Tjibaou (CCT) à Nouméa, capitale de Nouvelle-Calédonie. Quelle parole entendons-nous ? L’art en tant que parole incite à s’interroger sur la compréhension d’une culture par une autre, des voix d’une culture relayées par d’autres. À part quelques objets prêtés par le musée de Nouméa, la plupart de ceux qui furent exposés à Paris provenaient de collections particulières et de musées européens. Des pans entiers de cet héritage sont définitivement cantonnés dans une vision muséale, extradée, hors de son territoire d’origine.
Deux Casse-têtes de Jean-Michel Boéné, un miroir des interrogations de la scène artistique calédonienne
Aujourd’hui, la principale galerie d’art actuel de Nouvelle-Calédonie se nomme Lec Lec Tic. Souhaitant présenter la scène artistique du Territoire, son appellation joue sur le terme d’« éclectique » et invite à la découverte d’oeuvres de natures très différentes qui peuplent actuellement le paysage artistique contemporain. Comme en témoigne l’activité de cette galerie, depuis les années 1990, les pratiques se sont diversifiées, si bien qu’il est difficile de dresser un panorama complet de la situation locale.
Art autochtone et imaginaire occidental : une esthétique de la rupture en Polynésie française
C'est à Paris, en 2003, que les oeuvres réalisées pendant le séjour de Paul Gauguin en Polynésie française sont mises à l’honneur au Grand Palais. L’exposition « Gauguin-Tahiti, l’atelier des Tropiques » – montée dans le cadre de la célébration du centième anniversaire de la mort du peintre – fait écho à un imaginaire dont l’oeuvre de Gauguin est le réceptacle. Pendant l’exposition, la presse spécialisée publie des articles dont les gros titres révèlent avec éloquence combien le mythe construit autour de Gauguin est inscrit dans les représentations collectives : « Gauguin – Tahiti, l’atelier des tropiques : ses vahinés ».
À Tahiti et en Polynésie, quel art contemporain ?
Entretien avec Jean Rochard