L'image n'a pas vraiment jauni, elle s'est plutôt brouillée et des déchirures apparaissent ici et là. Le « ou » des grandes querelles doctrinales est devenu le « et » des réconciliations forcées : surveiller et punir, culpabilité et dangerosité, prison et peines pourtant dites « alternatives » ; individualisation des peines et légalité, responsabilité individuelle et collective, transparence et secret, procédure accusatoire et inquisitoire, contrôle supranational et infranational, peines incompressibles et évolutives...
Droit pénal, bilan critique
Réformer : anciens et nouveaux débats
Une humble et sévère machine, à moudre quels grains?
Le pouvoir de punir est indissociable du mode de gouvernement des populations. Il en est même un excellent indicateur dans la mesure où les formes d'exercice de ce privilège étatique traduisent les rapports politiques au sein des différents régimes. Cette ancienne conception de philosophie pénale s'est largement diffusée. Aujourd'hui, et c'est une nouveauté de notre décennie, les politiques publiques menées en matière pénale tiennent une part importante dans l'appréciation que portent les citoyens sur les actions gouvernementales.
De l’inefficacité du droit pénal des affaires
Le droit pénal des affaires est né à une époque récente sous l'empire d'une double nécessité1. D'une part, les infractions contre les biens incriminées par le code pénal, notamment l'abus de confiance et l'escroquerie, étaient définies de manière trop étroite pour permettre de poursuivre et de condamner tous les hommes d'affaires dont le comportement était moralement blâmable et socialement dangereux. D'autre part, les sanctions civiles traditionnelles, comme les annulations ou les dommages-intérêts, s'adaptaient difficilement à la violation de beaucoup de réglementations économiques.
Les vertus de l’inquisitoire ou l’Etat au service des droits
Que de critiques n'a-t-on pas faites sur notre système de mise en état des affaires pénales ! Les phantasmes les plus sordides sont évoqués : il viendrait en directe ligne de l'inquisition médiévale. Les portes capitonnées des cabinets d'instruction étoufferaient les râles et les cris d' « inculpés-déjà-condamnés », les soupirs d'avocats bâillonnés et les rires sardoniques des magistrats instructeurs, ivres de leur puissance illimitée... La caricature vous paraît bien forcée, mais elle reflète ce que l'on écrit en France depuis près de quinze ans sur l'instruction.
Les nécessités de l’accusatoire
La procédure inquisitoire est apparue en France avec les ordonnances de Villers-Cotterêts en 1539. euvre du chancelier Poyet, elle s'inspire des méthodes de l'Inquisition créée au xme siècle pour lutter contre l'hérésie cathare. Réorganisée par l'ordonnance de 1670 qui systématisera la torture en matière criminelle, l'une et l'autre disparaîtront avec la Révolution sous le poids des cahiers de doléances qui revendiquent une justice plus humaine. En 1791, le système français bascule du côté accusatoire comme l'Italie vient de le faire en octobre 1989.
La présomption d’innocence
Si l'on vous dit que c'est un Grand Principe, n'allez pas le croire, ou pas trop vite. La Déclaration des Droits énonce, en effet, et vigoureusement, quelques grands principes de Droit pénal : « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » ou « Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie antérieurement au délit ». En telle compagnie, comme en celle d'autres fortes maximes de la même encre, la présomption d'innocence fait pâle figure.
Les experts sont formels
Sans doute parce qu'ils sont formels, les experts sont très sollicités. Quand un choix est difficile, quand une décision doit être prise et que le décideur hésite ou n'est pas assez informé ou ne veut pas assumer seul la responsabilité, un expert est nommé, voire une commission d'experts, selon les moyens, le contexte, le temps dont on dispose. Les experts, c'est-à-dire des techniciens présumés particulièrement compétents dans leur spécialité professionnelle, ont vocation à venir en aide à tel ou tel ministère ou organisme international en difficulté de décider ou de prendre parti.
Regard désabusé sur l’acte de juger
La crise que traverse aujourd'hui la justice, plus encore la justice pénale les péripéties que l'on connaît autour de l'application de la loi amnistiant les infractions liées au financement des partis politiques ont servi à cet égard de révélateur , conduit le citoyen à s'interroger et les spécialistes à tenter un diagnostic et à proposer avec prudence ou exiger avec assurance, selon les tempéraments, des voies multiples vers une solution complexe ou des remèdes simples. C'est aussi une pressante invitation pour celui qui est chaque jour l'acteur direct de la justice pénale le juge à s'arrêter un instant, à s'arracher à l'étreinte de la tâche quotidienne, où finalité et principes tendent à se dissoudre dans l'utilité immédiate et l'efficience quantitative, pour porter sur ce qui fait le coeur même de son métier : l'acte de juger, un regard critique, aussi honnête et lucide qu'il le peut.
Pourquoi ne parvient-on pas à supprimer la prison?
Les toits des prisons nous parlent. Ce fut naguère dans la douce musique de Verlaine. Mais bien plus souvent c'est le cas en ce printemps 1990 , leur message est violent. Manchester, Loos-lès-Lille... Des détenus nous crient leur malheur d'être prisonniers. Qui ne les comprendrait ? Et comment ne pas éprouver beaucoup de sympathie pour celui qui un soir vous accoste timidement dans un hall de gare en vous demandant un soutien, l'air égaré (peut-être ne vous fais-je pas bonne impression, je sors d'un établissement pénitentiaire) ?
Faut-il un droit pénal européen?
Au cours des décennies qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, le mouvement des personnes et des idées au niveau mondial s'est intensifié de façon considérable aboutissant à l'internationalisation d'un grand nombre de phénomènes sociaux. La criminalité n'a pas tardé à suivre cette évolution. Dans une mesure, plus fréquente qu'auparavant, les infractions pénales.
Pourquoi votent-ils pour le Front national ?
Un des changements politiques les plus frappants de la décennie 80 en France, a été l'émergence puis l'implantation électorale d'un parti d'extrême droite : le Front national de Jean-Marie Le Pen. Pendant des années après sa création en 1972, il n'obtient que de très faibles scores électoraux. A l'élection présidentielle de 1981 son leader ne parvient même pas à être candidat et, dans les élections législatives qui suivent, il atteint péniblement les 0,4 % des suffrages exprimés. Les choses changent avec l'arrivée de la gauche au pouvoir.