L'atmosphère du Sénat de la Ve République évoque sans doute à beaucoup d'égards celle du Sénat de la IIIe, tout comme l'avait fait, de 1947 à 1958, celle du Conseil de la République. Mais ressemblance n'est pas identité. Pour tenter de brosser un tableau du climat du Palais du Luxembourg, depuis plus d'un demi-siècle, il conviendra donc, après avoir indiqué les éléments de continuité qui le caractérisent, de relever en quoi il ne s'en est pas moins modifié.
Le Sénat
Du Sénat de la IIIe à celui de la Ve
Histoire des tentations du Sénat de la Ve République
Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Et les institutions conçues pour la stabilité ? Si l'on se fie aux apparences, rien n'a changé. Le Sénat possède en 1987 les mêmes attributions, les mêmes pouvoirs, les mêmes sources de recrutement et quasiment le même mode de fonctionnement qu'à ses débuts. Insensible aux courants et aux vagues qui ont frappé l'Assemblée nationale en 1962, en 1968, en 1981, il conserve, immuable, une majorité identique depuis ses origines. L'alternance y est inconnue. Le centre et la droite libérale le dominent. Tout juste se sont-Us rééquilibrés au profit de l'Union centriste puis du RPR, tandis que la gauche, parfois, progressait. Le discours sénatorial n'a guère varié non plus : on y parle de mesure, de sagesse, de réflexion, de dialogue, de vigilance.
Le système d’élection des sénateurs et ses effets
C'est bien connu : tout système électoral a une portée qui dépasse la seule expression du suffrage. Un système détermine l'identité de l'assemblée à élire. Il conditionne son rôle. Par ailleurs une loi électorale est rarement innocente. Sa finalité proclamée n'est pas toujours l'objectif véritable. Et même au cas où U n'y aurait pas d'intentions cachées, il existe souvent des effets dérivés qui ne sont pas pour autant secondaires en importance. Enfin, il faut l'admettre, il n'est pas judicieux d'apprécier un régime électoral dans l'absolu. Chacun a des mérites et des défauts. Ce qui compte, c'est son adaptation à l'assemblée à laquelle U s'applique et au rôle qu'elle est appelée à assumer.
Le métier de sénateur
En même temps que sénateur, vous êtes un élu du suffrage universel direct. A la lumière de cette double connaissance, en quoi, selon vous, les relations qu'un sénateur entretient avec ses « grands électeurs » diffèrent-elles de celles qu'un autre élu entretient avec ses électeurs ?
Les groupes parlementaires du Sénat
Les parlementaires ont, de tout temps, été enclins à se regrouper par affinités politiques ou locales. Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle, avec l'apparition des partis politiques modernes, que ces liens plus ou moins éphémères et occasionnels ont donné naissance à des organisations plus permanentes sous forme de « groupe ».
Le Règlement du Sénat : A la recherche du temps maîtrisé
Ces dernières années, l'habitude a été prise de considérer que le nouvel enjeu des débats parlementaires était de remporter la victoire sur le temps. « La bataille parlementaire contre le temps » a pris une importance telle qu'elle occulte parfois la véritable portée de la décision à prendre.
Le rôle législatif du Sénat
Le Sénat est une assemblée dans laquelle le rôle éminent du législateur est subordonné à un certain noviciat. De cette règle, qui était particulièrement stricte sous la IIIe République, Edouard Herriot, jeune sénateur, fit une expérience qui lui laissa une certaine amertume et il traduisit sa rancoeur dans cette célèbre et tout à fait injuste apostrophe : « Le Sénat ? Une assemblée d'hommes à idées fixes heureusement tempérée par une abondante mortalité ! »
Les innovations sénatoriales
Dans les toutes premières années de la Ve République, l'existence d'une seconde assemblée avait surtout été perçue comme celle d'un lieu où la discussion parlementaire pouvait se poursuivre plus librement et plus sereinement qu'au Palais-Bourbon. Le Sénat avait recueilli des personnalités battues aux élections de novembre 1958, comme François Mitterrand, Edgar Faure, Gaston Defferre ou Jacques Duclos, et leur présence en son sein attestait la fonction de continuité qu'il remplissait à travers la rupture qui venait d'avoir lieu. Rétrospectivement, elle suggère que ce conservatoire de la tradition républicaine n'était pas seulement un lieu de mémoire mais aussi d'avenir.
Le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement
« Je souhaite longue vie au Sénat de la République », déclare le président Giscard d'Estaing en terminant son allocution le 27 mai 1975 à l'occasion des cérémonies célébrant le centenaire du Sénat. Étrange déclaration en réalité que ces vœux adressés par le premier magistrat du pays à une assemblée parlementaire ! Est-il conforme à la séparation des pouvoirs que le chef de l'exécutif, même garant de la continuité de l’État, s'adresse ainsi à une des branches du pouvoir législatif. Derrière cette phrase se cache l'extraordinaire histoire de la deuxième chambre dans l'histoire politique de ce pays.
Le Sénat français comparé aux autres deuxièmes Chambres européennes
Schémas comparatifs établis d'après les tableaux figurant dans l'ouvrage publié sous la direction de Jean Mastias et Jean Grange, Les secondes Chambres du Parlement en Europe occidentale, Paris, Economica, 1987.
Sur les origines canoniales des techniques constitutionnelles modernes
Il n'est plus guère original aujourd'hui mais il demeure fécond d'insister sur les racines théologiques de la « modernité ». Le « nominalisme » du XIVe siècle, illustré au premier chef par Ockham, portait en lui, on le sait, les questions fondatrices de la philosophie occidentale des XVIIe et XVIIIe siècles. Ses flancs abritaient l'embryon de la méthode de résolution et composition d'un Galilée et, partant, la science moderne. Ils étaient gravides encore de la révolution galiléenne du politique portée à sa plus forte incandescence par Hobbes. De façon moins radicale, la rupture nominaliste autorisait l'éclosion des modernes « droits de l'homme » conçus sur le modèle laïcisé du dominium divin sur le monde.
La France de la cohabitation : Profil de l’année politique (1986-1987)
La période ouverte en mars 1986 et entrée dans l'histoire sous le nom de « cohabitation » est à tous égards exceptionnelle, tant dans la perspective française que dans celle des démocraties occidentales : coexistence au sommet de l'Etat d'un Président de la République, leader tout-puissant du pouvoir exécutif pendant cinq ans mais indirectement désavoué par le verdict du 16 mars et d'une coalition parlementaire minoritaire pendant cinq ans et désormais majoritaire ; création d'un Gouvernement nommé par le Président mais légitimé par la nouvelle majorité parlementaire qui le soutient ; obligation pour ce Gouvernement de gouverner dans une perspective temporelle limitée au minimum à deux ans du fait de l'élection présidentielle et sous la constante menace d'un retour anticipé devant les électeurs, du fait de la dissolution présidentielle discrétionnaire.