"Marché compétitif", "pluralisme" et "identités fluides" sont des termes fréquemment utilisés pour décrire le paysage religieux californien. En Californie s’exprime peut-être encore plus qu’ailleurs la capacité de la religion à être un vecteur d’innovations, d’abord sur le plan des pratiques, grâce à des formes d’hybridation entre des traditions différentes qui se côtoient, mais aussi sur le plan politique, comme l’illustrent les prises de position de groupes religieux pour la protection de l’environnement. Cet article dégage dans un premier temps les caractéristiques principales d’un paysage spirituel extrêmement diversifié, et présente dans un second temps un cas précis d’engagement de forces religieuses dans le débat politique.
La Californie
Les dynamiques religieuses en Californie et leurs effets politiques
Le mythe californien dans l’histoire américaine
Très tôt la Californie est convoitée par les États-Unis, poussés vers l’ouest par leur dynamisme économique et démographique. Conquise sur le Mexique en 1848, elle révèle des ressources naturelles qui en font un centre d’attraction durable : de la ruée vers l’or à la gloire d’Hollywood et à la Silicon Valley, elle promet la prospérité, fait et défait les fortunes. Elle attire aussi par ses paysages naturels, par le soleil et les palmiers, par le climat de tolérance maintenu malgré les conflits raciaux souvent violents.
Faut-il réviser la Constitution californienne ?
La Californie est en crise, et on accuse la Constitution, déjà volubile lors de sa ratification en 1879, mais qui gonfle à chaque scrutin électoral. Car les électeurs du Golden State s’adonnent au référendum d’initiative populaire et additionnent les amendements constitutionnels. Aujourd’hui, ils admettent que leur système politique est enrayé, mais divergent quant aux remèdes : faut-il réviser la Constitution au coup par coup, ou oser rédiger un nouveau texte, mieux adapté au grand État moderne
Affrontement des partis et crise de gouvernance en Californie
La crise de gouvernance en Californie met en danger les perspectives radieuses liées au rêve américain. Une partie des problèmes vient des difficultés que rencontrent les deux grands partis dans leur gestion du pouvoir. Les démocrates dominent l’électorat et les différentes fonctions électives de l’État, mais ils sont confrontés à de nombreux obstacles qui les empêchent de former un parti de gouvernement efficace. Les républicains ont une base idéologique et démographique de plus en plus restreinte. Il existe en outre certaines contraintes structurelles, telles que les mesures approuvées par référendum réduisant les possibilités d’augmenter les impôts et imposant des limites de mandat. D’un autre côté, les évolutions démographiques ouvrent la possibilité d’une nouvelle base électorale favorable aux investissements publics, mais la participation électorale des nouveaux groupes de citoyens demeure limitée. Le futur de la vie politique en Californie dépend peut-être de la capacité des démocrates à trouver le moyen de transformer leur avantage électoral en pouvoir gouvernemental et de celle des républicains à mettre en avant leurs dirigeants modérés les plus populaires.
De Berkeley à Watts, la Californie entre contestation et réaction conservatrice
La Californie des années 1960 est secouée par des contestations très importantes qui bousculent l’image d’un État riche et prospère. À l’automne 1964, les étudiants de Berkeley se mobilisent pour obtenir la liberté d’expression sur le campus de l’université. Au cours de l’été 1965, une très violente émeute secoue le ghetto afro-américain de Watts à Los Angeles. Ces désordres permettent à Ronald Reagan d’être élu gouverneur, en construisant une nouvelle majorité. Cette dynamique californienne anticipe les événements nationaux à venir.
Le processus référendaire en Californie : un travestissement démocratique ?
La procédure référendaire en Californie, élément fondateur du programme progressiste de démocratie directe au début du xxe siècle, pour lutter contre les intérêts spéciaux et la corruption des élus, est devenue, depuis la fin des années 1970 et l’avènement d’une majorité électorale conservatrice à l’échelle nationale, l’arme institutionnelle de choix du mouvement conservateur. Thématiques polarisantes en accord avec une stratégie électorale de mobilisation de la base conservatrice plutôt que de conquête du centre, remise en question du pouvoir judiciaire, contournement de la majorité démocrate à l’Assemblée législative de Californie, tous les objectifs sont atteints par le biais du référendum à une seule exception près : gouverner au long terme l’État le plus riche et le plus peuplé des États-Unis.
La représentation des minorités dans le système politique californien
La Californie est à l’avant-garde de changements démographiques susceptibles de s’étendre à d’autres régions de la nation. Le paysage politique et démographique a en effet radicalement changé au cours des dernières décennies, avec la croissance du nombre d’élus latinos et asiatiques et le déclin de la représentation politique des Noirs. Cependant, l’électorat à l’échelle de l’État qui s’exprime par la démocratie directe et élit les membres de l’exécutif ne reflète pas la diversité de population de la Californie. Dans ce contexte, le recensement et le redécoupage électoral à venir seront lourds de conséquences et engendreront de sérieuses rivalités de pouvoir.
Le parti hollywoodien
Parce que c’est son objet de créer de l’imaginaire, et parce que le projet personnel de ses fondateurs était de prendre le pouvoir dans la société américaine, le parti hollywoodien a créé l’idéologie des États-Unis, forgeant ses valeurs : le western est à cet égard un véritable adn de l’Amérique. Cette idéologie, celle du patriotisme américain, exercera une influence directe et permanente sur la vie politique, avant l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale et au moment du Vietnam, mais subira aussi les injonctions du pouvoir politique, avec la « chasse aux sorcières » que fut le maccarthysme. Pour autant, le parti hollywoodien, nourri de talents aux influences diverses, remet régulièrement en question le projet politique américain. Plus qu’un groupe d’intérêt, dans la mesure où il prétend promouvoir un message universel, le parti hollywoodien est structuré comme une coalition de syndicats et de groupes informels. Il se comporte comme un parti, proche du parti démocrate, en ce qu’il sélectionne des candidats, à l’américaine, c’est-à-dire par l’argent, et produit même des élus, évidemment hors normes.
La Californie, le plus grand laboratoire technologique du XXe siècle
La Californie doit une grande part de son dynamisme économique au modèle qu’elle a su inventer pour valoriser l’innovation technologique. Ce modèle, mis au point pendant la crise économique des années 1930, a été largement copié, y compris par d’autres grandes régions américaines, notamment la côte Est, mais nulle part avec la même réussite. Cependant, si le Golden State reste le principal laboratoire scientifique de la planète, les grands pays asiatiques se préparent à lui contester ce leadership au cours du nouveau siècle qui s’ouvre à peine du point de vue de l’innovation technologique.