L’Art

L’Art et le n’importe quoi

par Jean-Claude Poizat

Le numéro 7 du Philosophoire aborde le continent de l’art. Celui-ci n’est pas exactement une terra incognita, puisque ce thème de réflexion a déjà été maintes fois exploré, parcouru et reparcouru en tous sens — au point d’être devenu un véritable lieu commun de la pensée philosophique, au point même sans doute d’être aujourd’hui « usé jusqu’à la trame », selon l’expression de J.-M. Schaeffer (L’Age de l’art moderne, Gallimard, 1992).

Entretien avec Jean-Luc Nancy

par Nicolas Poirier

Né en 1940 à Bordeaux, Jean-Luc Nancy enseigne la philosophie à l’université des Sciences Humaines de Strasbourg depuis 1968. C’est en 1972 qu’il fonde avec Jacques Derrida, Sarah Kofman (décédée en 1994) et Philippe Lacoue-Labarthe la collection La Philosophie en effet aux éditions Galilée dont il continue actuellement de s’occuper. Auteur d’une oeuvre importante, pour une part en collaboration étroite avec Philippe Lacoue-Labarthe, il tente de penser l’être fini de l’homme comme ouverture au jeu d’une existence qui serait à elle-même son propre sens.

L’objet de l’art, c’est l’objet

par Jean-Marie Perret

Les grandes théories de l'art sont déchirantes, exigeant de nous, en échange de grandes clartés, de nous séparer de choses qui nous semblaient intimes comme notre être même. Sans doute en va-t-il de même, un siècle et demi après le cours d'esthétique de Hegel à Berlin, du courant de l'empirisme américain auquel appartient Danto, à l'origine de la théorie institutionnelle de l'art : théorie séduisante dans le contexte du postmodernisme, mais qui enferme le lecteur dans des difficultés dont il lui est difficile de sortir.

L’architecture et le corps

par Pierre Godo

Nous ne pourrons sans doute jamais percevoir la place radicalement à part qu’occupe l’architecture dans le domaine des arts tant que nous considérerons la vision du beau comme l’objet exclusif de la réception esthétique. Or ce primat accordé à la vue détermine la philosophie depuis l’antiquité grecque où l’idée (eidos) est définie comme ce qui est vu. Elle est nettement privilégiée par Platon qui, dans le Timée, affirme que « la vue est pour nous la cause du plus grand profit (…). De là nous avons tiré un genre de philosophie, qui est le plus grand bien qui soit venu ou qui viendra jamais à la race mortelle par la libéralité des Dieux ». Dès lors lorsque Platon aborde l’architecture comme œuvre d’art (le Parthénon sur l’Acropole), il la pense comme n’importe quelle autre œuvre d’art : du point de vue de la theoria, ou, en d’autres termes, du point de vue de la représentation qui peut être vraie ou trompeuse.

Essence, existence et histoire du beau

par Vincent Citot

L’idée de beauté a une telle extensivité qu’elle semble ne plus rien vouloir dire. Le beau se dit d’une œuvre, mais aussi d’un paysage naturel ou urbain ; on le dit d’une femme ou d’un homme, de n’importe quel spectacle ou manifestation qui nous émeut ; on parle même d’un “beau geste” à propos d’un acte moral ou encore d’une performance sportive. Que peut faire la philosophie avec un tel concept, y a-t-il quelque chose à penser derrière cet éparpillement d’emplois sans unité apparente ? Est-il possible de lui donner un peu de cette densité et de cette unité qui invite à philosopher ?

La loi des contrastes comme principe de la créativité artistique

par Lucas Degryse

Notre texte est une réflexion sur le principe même de la créativité artistique. Qu'est-ce que la créativité artistique ? Y a-t-il seulement un principe dont l'application garantirait la créativité de qui l'applique ? Nous avançons que oui. Mais ce principe doit aussi être compris comme un non-principe, au sens où sa définition est d'être indéfini, sa détermination est d'être indéterminé. Le seul principe de la créativité est de n'avoir aucun principe.

Le sens de l’oeuvre contemporaine à l’aune de la tragédie de la culture.

par Stanislas d’Ornano

La question du sens de l’oeuvre d’art contemporaine comme objet ou non-objet d’une analyse savante se pose de manière toujours plus radicale depuis le tournant postmoderne des années 80. Mais au-delà de cette radicalité, singulièrement plus polémique en France qu’ailleurs, il est utile d’éclairer la manière dont les différentes théories répondent (ou refusent de répondre) à cette question selon leur positionnement simultané précis dans trois séries d’oppositions à la fois indépendantes et subtilement corrélées.

Iannis Xénakis

par Dominique Demange

Cet essai correspond pour moi à un travail ancien. S’il me fallait aujourd’hui me remettre à l’étude de la musique de Xénakis1, les chemins seraient bien différents. Le décès du grand compositeur en Février 2001 y est pour quelque chose : certains aspects polémiques, en particulier contre le sérialisme ou la musique concrète, ne sont plus vraiment de mise désormais.

Antonin Artaud

par Carine Alberti

Ce qui reste bien souvent dans les esprits à propos d’Antonin Artaud, c’est une personnalité attachante, quoique énigmatique et violente, et une réflexion essentielle sur le théâtre. C’est effectivement l’art auquel il s’est le plus attaché, tout en s’intéressant à la peinture, à la musique, au cinéma. Critiques de “salons”, d’expositions de peinture, textes théoriques sur le cinéma ou le théâtre, dessins, écriture de scénarii et de pièces de théâtre : théorie et pratique se mêlent, on le voit, dans son discours. D’une certaine manière, il s’agit donc chaque fois d’une mise en question de l’art dans ses diverses expressions, même si aucune théorie générale n’est définie.

Hegel et la peinture

par Olivia Bianchi

Il n’y a pas, à proprement parler, au sein de l’analyse que consacre Hegel à la peinture, une classification des genres picturaux. Dans le développement qu’il consacre à l’étude des formes artistiques particulières, Hegel traite essentiellement de la peinture des Italiens et de la peinture des Hollandais. Cette division - dont il convient de reconnaître le caractère très général - rythme donc l’ensemble du propos hégélien concernant cette première forme artistique particulière romantique qu’est la peinture.

Snake Eyes de Brian De Palma

par Nicolas Poirier

Nous cherchons à dégager ici une logique de l'image et de la représentation dans le cinéma contemporain. L'hypothèse serait qu'un cinéma d'auteur (Godard, Antonioni, Wenders...) fondé sur la distance critique et l'illusion mimétique — la fiction au sens fort du terme — est en voie de disparaître pour laisser place à un art de la transcription automatique et instantanée du réel. Nous tentons ainsi d'établir les modalités selon lesquelles le concept de représentation a pu faire l'objet dans le dernier film de Brian De Palma, Snake eyes, d'une réévaluation mettant en cause les tenants et aboutissants de la réflexion critique sur l'image et le cinéma en général, dans la mesure même où ce film nous semble témoigner d'une telle évolution.

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