Territoires et communautés apprenantes

Représentations du politique et usages du religieux au Mali

par Françoise Bourdarias

Les arguments qui s’affrontent dans les médias occidentaux depuis le déclenchement de l’intervention française au Mali concernent avant tout la pertinence de la position adoptée par le gouvernement socialiste – ce qui n’a rien de surprenant. Tout traitement « à chaud » de ce type d’événement privilégie les causes et la légitimité d’une intervention extérieure. Investi par des groupes terroristes étrangers et des réseaux religieux transnationaux ou soumis aux intérêts économiques et géopolitiques des puissances impérialistes, le Mali sera avant tout défini comme un pays miné par le « déficit démocratique » de ses institutions, le « délitement de l’État », et la « passivité » de sa population. Ces lacunes sont évaluées à l’aune des normes occidentales de la bonne gouvernance. Pourtant une configuration politique et religieuse complexe caractérise aujourd’hui le Mali.

L’Europe dans les tuyaux du care

par Anne Querrien, François Rosso

Comment étendre l’emprise du capital sur la vie ? Après avoir salarié le travail, puis phagocyté la consommation, l’heure est à la conquête des territoires créés par la vie associative. Dans cette guerre, l’État arbitre en faveur des entreprises privées s’il a l’impression qu’elles vont développer l’emploi, en faveur des associations et de l’économie sociale quand le souci de la prise en charge des publics les plus défavorisés est le plus fort. Le récent accord interprofessionnel « pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi » montre de quel côté penche la balance actuellement. La diversification des contrats de travail, la reconnaissance des contrats à durée déterminée et des contrats à temps partiel donne à la branche des entreprises de services à la personne, des services à domicile, de nouveaux moyens de se développer.

Europe, logement social, intérêt général

par Anne Querrien, François Rosso

Alors que Madame Thatcher avait cru pouvoir « résidualiser » le logement social à l’habitat des plus démunis en Europe comme en Grande Bretagne, une actualité bancaire française nous incite à réfléchir à ce qu’est un service d’intérêt économique général en Europe. L’accession sociale à la propriété peut-elle être considérée comme un service d’intérêt économique général ?

À Propos de John Brown’s Body

par Philippe Bazin

À la suite de la lecture du livre de l’écrivain américain Russel Banks, Pourfendeur de nuages, je me suis rendu aux États-Unis sur les traces de John Brown pendant l’été 2007.

Dans Paris

par Denis Lemasson, Armelle Jayet

Une idée très partagée par les médias et par les associations d’aide, qui veulent dénoncer les politiques d’invisibilité, consiste à penser que les choses sont comme elles sont parce qu’elles sont cachées, et qu’il suffirait de les dévoiler pour que les gens sachent et que la réalité se transforme. Personne n’ignorait ce qui se passait en Afghanistan, l’échec de dix années de guerre, cela n’empêchait pas, en France, une absence totale de mobilisation et de débats réels sur la présence militaire française en Afghanistan. Il en est de même pour les émigrants. Presque tous ceux que j’ai rencontrés ont été photographiés, filmés, interviewés lors de leur voyage ou le long du canal Saint-Martin. Tout le monde est au courant qu’ils sont là ; on ne compte plus le nombre de reportages et d’expositions sur le sujet. Pour autant, personne ne les voit.

Désorienter le regard

par Gaëtane Lamarche-Vadel

Philippe Bazin a commencé par photographier des visages, ceux qu’il découvrait à une longueur de stéthoscope, c’est-à-dire penché sur le corps du patient qu’il examinait. Visages de vieillards, de nouveaux nés dont la plupart défient l’identité en raison de leur expressivité extrême ; visages d’aliénés, de prisonniers, d’adolescents enfermés dans une institution qui en sortiront, pour venir à notre rencontre, par la photographie. Il ne s’agit pas de photographier quelqu’un, un personnage, une histoire, une situation sociale, pas une image de soi, mais plutôt d’enregistrer une empreinte du dehors, de cette face avec laquelle l’autre est toujours en contact, tandis qu’elle m’échappe. Ces faces sont des empreintes d’humanité dit Bazin. Elles ont toutes été réunies dernièrement dans La Radicalisation du monde.

Territoires et communautés apprenantes

par Anne Querrien

Les nouvelles technologies de communication ont donné peu à peu à tous de nouveaux moyens d’apprendre et de coopérer à la production des savoirs à utiliser. Ils ont permis à chacun de participer à la transmission et à la diffusion des apprentissages. Cette nouvelle posture active dans la connaissance prolonge des expériences faites avec des moyens plus frustes au XIXe siècle (écoles mutuelles) ou sur d’autres continents (Inde, Brésil). Peut-elle être le levier cherché depuis plus de vingt ans pour développer des modes de vie plus écologiques et socialement plus équilibrés ? C’est l’hypothèse que travaille depuis une dizaine d’années Thanh Nhgiem, avec le souci constant de passer de l’expérience ponctuelle et locale à la prise en compte globale et à la transformation constatable des modes de vie.

Bedzed, de l’éco-quartier au changement des modes de vie

par Thanh Nghiem

Livré au début des années 2000, Bedzed, site de 82 logements à Londres est, aux côtés de Vauban à Freiburg et de Hammarby Sjostad à Stockholm, l’une des premières démonstrations de la possibilité d’une vie urbaine plus écologique. Il attire des milliers de visiteurs du monde entier et bénéficie d’une abondante couverture médiatique.

Loos-en-Gohelle, du noir au vert

par Hélène Melin

La découverte du charbon à Fresnes-sur-Escaut (Nord) en 1720 puis dans le Pas de Calais, à Oignies en 1841 (Daix, 1996), marque le début d’une « épopée » minière qui durera 270 ans (Gillet, 1973). Au fil des découvertes de veines de charbon se forme ce qui est toujours aujourd’hui appelé « le bassin minier du Nord – Pas de Calais » : cent kilomètres de longs de Valenciennes à Béthune, et quinze kilomètres de large. Jusqu’en 1950, le bassin minier fournissait plus de 50 % de la production française de charbon. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1946, les différentes compagnies minières, nationalisées depuis 1944, ont été regroupées au sein d’un organisme appelé les Houillères du bassin minier du Nord – Pas de Calais (HBNPC), dirigé par l’entreprise Charbonnages de France (CDF). Mais rapidement après la « bataille du charbon »2, un renversement s’amorce et la production minière, par manque de rentabilité suffisante, est diminuée pour s’arrêter définitivement à Oignies, le 21 décembre 1990.

Libres, durables et solidaires dans l’appropriation du numérique à Brest

par Michel Briand

Lorsque la délégation « Internet et expression multimédia » a été créée en 1995, à la mairie de Brest, nous avons fait le choix de construire une politique publique par l’implication des acteur-ice-s du territoire. Le choix du « faire avec » a permis au groupe Citoyenneté et Nouvelles Technologies d’enclencher, avec des moyens réduits, un mouvement d’appropriation sociale de cette révolution naissante du numérique.

Démocratiser les tiers-lieux

par Antoine Burret

La démocratisation des nouvelles technologies entamée au début des années 2000 a contribué à l’apparition de nouvelles formes d’espaces publics regroupés sous le vocable de « tierslieux ». La notion de tiers-lieux regroupe une multitude d’initiatives. Elle englobe des espaces aussi divers que des coworking spaces (espaces de travail collaboratifs), des fablabs (laboratoires de fabrication), des techshops (espaces rendant accessible tout un ensemble d’outils) ou encore des hakerspaces (espaces permettant le partage de ressources et de savoirs souvent du domaine de l’informatique). Certains tiers-lieux regroupent parfois plusieurs de ces fonctions en un seul espace, engendrant un nombre considérable de combinaisons possibles. Dans ce contexte, le processus de création du Comptoir Numérique à Saint-Étienne s’avère intéressant. Issu de l’initiative d’un collectif d’amateurs, cet espace est à l’origine du développement de nombreux tiers-lieux en France. Fondé par touches successives depuis 2004, le Comptoir Numérique est un espace hybride, à la fois Espace Public Numérique (EPN), pôle de ressources numériques et espace de coworking.

La Loire vivante : un territoire pilote ?

par Martin Arnould

Quand, le 13 février 1986, Jean Royer, indéboulonnable maire de Tours, président de l’ÉPALA signe avec l’État et l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne un protocole pour l’aménagement de la Loire, personne n’ose imaginer qu’aucun des grands barrages prévus ne se réalisera. La France est, en ces années 1980, un pays qui ne doute pas de sa vocation de grande aménageuse des territoires.

Modèles coopératifs émergents

par Thanh Nghiem

Au-delà des territoires, la montée d’Internet, des réseaux sociaux et des modèles collaboratifs du web bousculent nos modes de vie. Sous l’action de communautés apprenantes désireuses de partager les savoirs par la pratique, des modèles coopératifs innovants émergent partout dans le monde. Consommation collaborative, FabLab, Do It Yourself, open hardware, open science – les pratiques se réinventent et se multiplient.

Les plis du capitalisme cognitif

par Nicolas Auray

Dans un célèbre passage de La Pensée Sauvage, Lévi-Strauss définit l’art comme l’effort pour inscrire l’événement dans la structure, pour intégrer la dimension d’accident dans une cohérence et pour faire ainsi travailler des inquiétudes en évitant qu’elles ne deviennent ravageuses. On va ici s’intéresser à un roman, Théorie de l’information d’Aurélien Bellanger (Gallimard 2012), qui est, de l’invention du Minitel à l’empire des fournisseurs d’accès, une fresque de la rupture industrielle induite par la révolution numérique.

Capitalismes émotionnels

par Pascale Molinier, Sandra Laugier

L’apparition d’une éthique formulée d’une voix différente (Gilligan), et exprimée la plupart du temps par une voix féminine, pose de façon nouvelle la question du rôle des émotions dans la vie ordinaire. L’expansion des services à la personne donne à la gestion des émotions une dimension économique. Le care enjoint de faire pour les autres ce qu’ils n’ont pas ou plus la capacité de faire et que l’intime conviction, mais aussi la recherche de revenu, commande de faire.

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