Une plume intègre autour du monde.
Pierre Bonnard
Jean-Marie Le Clézio
Duras ou l’inconnu du langage
« Je ne sais pas si je crée le suspens. Je ne pense pas le créer. Peut-être est-ce parce que je ne fais pas de plan. Je commence à écrire, en fait, du milieu du livre. Et la quête elle-même fait partie du livre. Je ne sais jamais ce qui va arriver – jamais. La quête elle-même suscite d’autres quêtes, ce qui devient partie intégrante du livre. Le livre donc s’écrit de lui-même – vous lisez vraiment un travail de recherche1. » L’inconnu du langage, voilà en substance le sujet ou plutôt la matière de l’œuvre de Marguerite Duras. L’écriture n’est plus seulement un medium, elle devient une part même de l’intrigue, c’est l’aventure de l’écriture, un « véritable périple » pour reprendre l’expression de Catherine Bouthors-Paillart.
Maurice Chappaz, de la presse au papier bible
Papier bible, reliure solide, couverture cartonnée et toilée ; c’est un livre à l’image de ceux que l’on ne fait plus. Il est lourd ; il a de grandes marges. Il est beau, il est « un corps de textes » comme se définissent les éditions de la revue Conférence. Elles viennent d’éditer un corpus d’articles de presse de l’écrivain suisse Maurice Chappaz. Souvent introuvables, parfois inédits en volume, les articles (près de la moitié des quatre cent cinquante publiés par l’auteur) que regroupe ce livre sont distribués en trois parties, toutes flanquées d’une chronologie et d’une excellente « table d’orientation ».
“Rien de ce qui est contraire ne lui est étranger ” : Paulhan en toutes lettres
«Jean Paulhan est-il un mythe ? » demandait Bernard Groethuysen en 1945. Et en 1957, les pataphysiciens de Paris faisaient circuler une carte postale portant cette inscription : « Jean Paulhan n’existe pas ». Il est pourtant des documents d’état civil qui le font naître dans une famille protestante à Nîmes, le 2 décembre 1884, et mourir à Paris, le 9 octobre 1968. Entre ces deux dates, il aurait été professeur de lettres et chercheur d’or à Madagascar, enseignant aux Langues orientales à Paris, traducteur de poésie malgache, zouave dans la Première Guerre, blessé, employé dans un ministère, lecteur d’Apollinaire, contributeur à des revues dadaïstes et surréalistes, auteur de romans rares, d’essais et de critiques, publiés parfois sous pseudonyme, linguiste, philosophe, rhétoricien, épistolier prolifique, créateur et directeur de revues, éminence grise de Gallimard, préfacier de textes érotiques, académicien, amateur d’art brut, entre autres.
L’aimerons-nous pareillement ?
Ouvrir de l’inconvénient d’être né ou Les syllogismes de l’amertume, c’était regarder passer l’éclair d’une idée noire sous un ciel clos. Cioran tentait et faisait succomber. Quand il fut publié, à sa grande horreur, en format poche, une génération entière put éprouver un mal-être semblable à celui infligé par Les Souffrances du jeune Werther à la fin du XVIIIe siècle.
Don Gustavo dans le Putumayo
Après la fête au bouc, où il mettait en scène le dictateur Leonidas Trujillo, et Le Paradis – un peu plus loin, qui retrace la fin de Flora Tristan, Mario Vargas Llosa poursuit sa série romanesque sur les personnalités historiques en consacrant son dernier né, Le Rêve du Celte, à la figure de Roger Casement (1864-1916).
Une tragédie familiale amorcée par la Vérité
La mort d’un homme a brusquement projeté l’ombre de sa légende. Plus qu’un artiste, Karl Amadeus Franck est devenu un dieu. Outre les heures de gloire, de mémoire et de nostalgie, cette oppressante image exerce son poids sur chaque personnage. Comment un fils pourrait-il s’estimer digne d’une légende ? Quand les écrits reflètent bien plus que la vie d’un homme, lorsque les mots se voient fabriqués pour donner exemple et espoir au peuple, faut-il que la vérité éclate ou bien cette légende doit-elle perdurer au dépend de vies ?
“Pourquoi suivons-nous avec une obéissance aveugle un destin nommé Adolf Hitler ? ”
«Dès le début, nous aurions dû crier comme des fous. Et maintenant, ce ne serait pas trop tard », déclare Hans Gottfried Eberhardt lorsqu’il fait face à l’appareil bureaucratique nazi suite à sa décision de fuir l’Allemagne avec sa femme et ses deux enfants en 1939, en raison de démêlés avec la justice pour avoir trop directement critiqué le régime dans la presse.
Bonnard : l’envers du décor
Notre quotidien se nourrit d’une série de gestes ancrés dans des espaces qui leur sont propres. Le cadre naturel de ces scènes jouées et répétées chaque jour, plus ou moins aux mêmes heures, n’est autre que l’intimité du foyer. Rien ne nous est plus familier que partager un repas autour de la table de la salle à manger ; rien n’est plus rituel que de faire sa toilette dans l’intimité de la salle de bain.
Vers la transparence, à fleur d’esprit
Coloré, translucide, opalescent, en lui sont cristallisées toutes les attentes soulevées par cette exposition. Le verre, ce matériau utilisé par l’homme depuis des milliers d’années, revêt ici ses plus beaux atours. Signé de la main d’Ettore Sottsass et de Pierre Charpin – deux designers notoires – le verre se dévoile aux yeux du spectateur en toute impunité, affichant des couleurs éclatantes et des formes singulières.
Albert Welti, un maître de la couleur
Le Kunsthaus de Zürich propose pour le cent cinquantième anniversaire d’Albert Welti une exposition consacrée à ses paysages au pastel. Reléguées au rang de travail préparatoire et dévaluées par l’artiste lui-même, ces véritables fenêtres sur la nature sont à découvrir au musée qui souhaite leur apporter un nouvel éclairage.
Les têtes à têtes de Guo Fengyi
Au château de Beaulieu, la rétrospective dédiée à Guo Fengyi (1942-2010) s’ouvre sur une perspective poétique. Des rouleaux, présentés à la manière de tentures, tombent au centre de l’espace en se complétant, se contrastant. Flotte dans l’air un parfum cérémoniel, l’impression de pénétrer dans un temple dédié à l’artiste chinoise, dont le portrait accueille le visiteur, soulignant l’importance du biographique dans l’appréhension des figures marginales de l’Art Brut.
Pour ses 25 ans, le musée d’Orsay s’offre un renouvellement spectaculaire et renoue avec ses origines
Les travaux ont duré plusieurs années, sans que le visiteur ne s’en aperçoive trop. Tout au plus remarquait-il quelques échafaudages étayant les marquises en verre au-dessus des portes d’entrée de cette ancienne gare, construite à la fin du XIXe siècle pour accueillir les foules qu’attirait l’Exposition universelle de 1900. Elle avait pris la place de l’ancien Palais d’Orsay, abritant le Conseil d’État et la Cour des comptes, et fut incendiée pendant la Commune, tout comme l’Hôtel de Ville de Paris. Pendant des années, les ruines noircies rappelèrent aux Parisiens à la fois la sauvagerie de l’insurrection et de sa répression.
Un antagonisme créateur
La distance, qu’elle soit géographique ou temporelle, a bien souvent tendance à uniformiser lectures et points de vue. Il est dès lors assez compréhensible que le Français qui n’est pas versé dans la connaissance de l’histoire de l’art allemand ait tendance à parler d’expressionnisme allemand comme d’un style générique, regroupant la période d’avant comme d’après-guerre et de multiples espaces culturels allemands. Ce même visiteur français n’aurait pourtant pas idée de rapprocher sous le même nom des expériences artistiques aussi éloignées a priori que fauvisme et cubisme, on peine d’ailleurs à trouver un terme unique qui rapprocherait les deux.
Diego Rivera, un regard mexicain à New-York
Diego Rivera est surtout connu pour ses peintures murales dans son pays natal, le Mexique. Toutefois, ces fresques présentent un inconvénient majeur lié à leur nature même, dès lors qu’une exposition sur l’artiste et son œuvre est envisagée. Le Museum of Modern Art de New-York s’est libéré de cette contrainte en lui commandant en 1931 huit fresques transportables pour une exposition monographique. L’événement revêt une certaine importance et attire les foules. Fort de ce succès, le musée présente, quatre-vingts ans plus tard, ces mêmes œuvres qui ont marqué le travail de l’artiste et l’histoire du MoMA.