1917 l’octobre rouge

De Gaulle a soixante dix-sept ans. On cherche un successeur. Pour ou contre, chacun sait qu'il y aura un grand vide, un désordre, une absence internationale. Au tiercé qui se joue dans la tête des gens — droite, centre, gauche — trois noms sont agités : Giscard d'Estaing, Pompidou, Mitterrand...

Après plusieurs tentatives de suicide, le M.R.P. s'est tué pour de bon. Réformiste pour ses militants, conservateur pour ses électeurs, le Mouvement Républicain Populaire n'avait pas su garder sous la V République l'aisance et les ministères qui furent les siens sous la IVe. Ses rapports avec le gaullisme sont ambigus, à mi-chemin entre l'approbation et la critique : la politique étrangère du régime lui répugne. Incapable d'affronter le présent, le M.R.P. disparaît : reste une équipe qui cherche à regrouper la droite en rêvant au pouvoir.

La malle des Indes était truquée : pleine de microbes et d'ossements humains. Un docker est mort pour avoir déchargé les sacs d'osselets d'un singulier trafic. Saviez-vous que la gélatine alimentaire et la colle ont besoin des charniers indiens ? Le métier de docker n 'a de poétique que le nom des bateaux qui occostent. Celui-là s'appelait le Jalajendhra.

Michèle Lacrosil se dit fille d'esclave. Son père était juge d'instruction, le grand-père possédait une petite propriété, La Caféière. Les arrière-grands-parents (ceux de Sapotille, la narratrice de son premier roman) étaient des esclaves.

Chicago 1925 ? Non : Longwy 1967. Les petits matins blêmes, la guerre du lait. Les poursuivants : l'Union Laitière de Longwy et ses emballages en « coussin » de plastique. Les poursuivis : le Groupement Laitier des Producteurs de Lorraine et ses emballages en bouteilles de plastique. Les poursuivants : « on ne vend pas chez eux, il n'ont pas à venir vendre chez nous. » Les poursuivis : « A 300 jours du Marché Cummun, pour produire plus, il faut vendre davantage. » Surviennent les Centres Edouard Ledere.

Depuis le 1er octobre, l'O.R.T.F. diffuse une douzaine d'heures d'émissions en couleurs par semaine. La télévision en couleurs ne pose pas de problèmes théoriques majeurs, mais différents procédés techniques ont été mis au point. A la suite des pressions américaines, l'Europe de la télévision en couleurs s'est coupée en deux : la France et les pays de l'Est utilisent le procédé français S.E.CA.M., les autres pays européens le procédé germano-américain P.A.L. La prochaine étape devrait permettre la réception sur un même poste des émissions issues des deux procédés, en attendant l'écran mural.

Le Secrétaire d'Etat à la Défense, M. McNamara lui-même, avoue son échec au Viêt-nam. « La machine électronique faite homme » préconise maintenant une stratégie défensive, la construction d'un « mur étanche » entre le Nord et le Sud. L'état-major ne suit pas. L'amiral Sharp, commandant l'Escadre du Pacifique, veut obtenir la victoire par l'intensification des bombardements sur le Nord-Viêt-nam. Pourtant les voies de la paix sont connues de tous : il suffirait que les Etats-Unis veuillent s'y engager. Rien n'indique qu'ils y soient prêts.

Dans les zones libérées du Sud-Viêt-nam, le Front National de Libération vient de tenir son deuxième Congrès. Il a fait le bilan des victoires remportées par les guérilleros et mis au point un nouveau programme politique : l'unité et la neutralité du Viêt-nam en sont les points principaux. A l'heure où, à Saigon même, étudiants et boudhistes reprennent les manifestations, le Front National de Libération est plus que jamais déterminé à vaincre. Le Professeur Nguyen van Hieu, représentant du F.N.L. au Cambodge, répond aux questions de nos correspondants en Asie du Sud-Est.

Sadisme et masochisme, un couple célèbre. Deux hommes, Donatien-Alphonse-François, marquis de Sade, et Leopold Von Sacher-Masoch sont à l'origine de ces néologismes que l'on retrouve aussi bien dans les anecdotes de goût douteux que dans les traités de psychanalyse. Leurs œuvres complètes sont enfin accessibles (1). Septembre 1967 voit s'ouvrir une étrange campagne de moralisme qui voudrait réserver Sade et Sacher-Masoch aux couvents et aux facultés.

Nasser a gagné, provisoirement : le complot organisé par le maréchal Amer et une poignée de hauts officiers a échoué. Le maréchal s'est suicidé. L'opinion égyptienne reste traumatisée : elle veut que la lumière soit faite sur les causes du désastre et les responsabilités de chacun. Nasser a promis que les traîtres seraient jugés. Tandis que l'Egypte remache l'amertume de la défaite, Israël impose dans les territoires conquis la loi du vainqueur : pour un coup de feu isolé, une mine qui saute, c'est un village entier qui est rasé.

Les moments les plus ouvertement provocateurs — et la provocation prend toujours sur quelques spectateurs — sont eux-mêmes rarement gratuits —sauf peut-être cette longue procession nocturne repérée par la seule incandescence des bâtonnets d'encens.

Les demoiselles du téléphone s'évanouissent, des fantômes hantent Kerenski, les colleurs d'affiches font la grève, les bougies s'achètent trois roubles pièce. Antorov essaie de dessoûler les canonniers de la forteresse Pierre et Paul. A travers ces faits épars, Jean Marabini, auteur de La Vie quotidienne sous la Révolution d'Octobre (Hachette), retrouve la couleur de dix jours qui ébranlèrent le monde.

L'ingénieur Krassine, en multiples relations avec le patronat et les banques, prépare la révolution de 1905 à Petrograd. Humaniste, responsable des groupes d'action de Lénine, imprimeur clandestin, Krassine est directeur d'usines. Son prestige de grand ingénieur permettra de rallier aux bolcheviks bien des techniciens et des membres de l'intelligensia russe. Ce révolutionnaire n'adhérera au parti bolchevik qu'en 1917. Après la révolution, Krassine est un des animateurs de la reconstruction russe. Commissaire du peuple au commerce extérieur et aux transports, premier ambassadeur de l'Union Soviétique en France et en Angleterre.

Jacques Sadoul était un avocat et un militant socialiste. Mobilisé au début de la guerre comme officier, il est réformé. Son ami Albert Thomas, devenu ministre de l'Armement, l'attache à son cabinet puis l'adjoint à la mission militaire française auprès de la République russe. A Petrograd, Jacques Sadoul assiste à la Révolution d'octobre ; il consigne ses impressions et les envoie en France. La lettre dont nous publions des extraits est adressée à Albert Thomas et datée du 25 octobre.

Les Français apprennent l'avènement de la Révolution soviétique dans des journaux où la chronique de la guerre tient la première place. La presse bourgeoise, après les premières railleries et le scepticisme, mêle inquiétude et calomnies. Une grande part de la presse socialiste soutient Kerenski et ne voit en Lénine qu'un aventurier. Seules quelques voix isolées soutiennent la tentative bolchevique et conçoivent un espoir.

Isaac Deutscher, l'un des principaux historiens marxistes, biographe de Staline et de Trotsky, est mort le 20 août dernier à l'âge de soixante ans. Il venait d'achever à Cambridge un cycle de conférences, La Révolution inachevée, à paraître en France chez Robert Laffont. Nous publions ici un passage de cette dernière œuvre de Deutscher.