Contes

Contes

On peut repérer, depuis quelques années et dans une conjoncture cinématographique plus récente, une recrudescence de la forme du conte, dans la tradition de la littérature populaire. Bien sûr, le conte a depuis longtemps été visité par le cinéma, ponctuellement et assez régulièrement, mais le plus souvent dans une certaine idée de “l'adaptation”, de la transposition d'un conte célèbre. Nommons par exemple, La Belle et la Bête réalisé par Jean Cocteau en 1946, le Peau d'Âne de Jacques Demy en 1970, Les Chaussons Rouges de Michaël Powell en 1948, Les Mille et une Nuits de Pasolini en 1974, cinéma extrêmement inventif, moderne, dont il sera aussi question dans ce numéro.

Men With Guns, John Sayles, 1997

par Élisabeth Boyer

Men With Guns, « des hommes armés », annonce le titre du film, nom générique, inquiétant et intéressant, comme l'ogre ou le loup annoncés aux enfants pour mettre en éveil leurs plus grandes peurs, leurs plus grands désirs. Créatures menaçantes, mais pas toutes, capables de toutes sortes d'actes horribles, et prises dans des modalités contrôlées par l'histoire, par sa possible répétition, avec quelques variations quand l'enfant questionne ou tremble, mais sans changement possible pour un lecteur, ni pour un spectateur.

Du soleil pour les gueux, Alain Guiraudie, 2000

par Élisabeth Boyer

« Du Soleil pour les Gueux » : le titre du film évoque un souhait, c'est-à-dire exhausse le soleil comme merveille, et au fond, comme n'allant pas de soi « pour les gueux ». Titre coup-de-baguette-magique faisant ressurgir ce mot ancien, “gueux”, un peu désuet. Il devient ici création poétique, car il provoque immédiatement l'intuition d'un sens moderne, renouant avec sa connotation politique, à élucider. Sa dimension littéraire chasse tout penchant misérabiliste. D'ailleurs le gueux peut provoquer le dédain, pas la pitié. Ce titre est réjouissant parce qu'il crée un nouveau possible à partir d'une affirmation simple, donc déconcertante : il élève immédiatement la pensée au travail de réflexion, au bonheur de la langue, richesses déliées de tout mercantilisme, magnificences accessibles au pauvre.

Groundhog Day, (Un jour sans fin)

par Anaïs Le Gaufey

À première vue, le film de Harold Ramis se présente comme une comédie sentimentale américaine typique: un célibataire endurci et misanthrope, Phil Connors (Bill Murray), est transformé par l’amour de Rita (Andie McDowell), une jeune femme belle et sympathique — une trame narrative que l’on retrouve par exemple dans Pour le meilleur et pour le pire de James L. Brooks (1999). Pour nouer l’intrigue, ces deux personnages que tout semble opposer sont obligés de passer une journée ensemble pour des raisons professionnelles ; telle est la configuration de départ à partir de laquelle ils vont pouvoir se confronter l’un à l’autre, se découvrir et finalement s’aimer.

Jacques Demy, conteur

par Stéphane Nadaud

Comment penser la conciliation de deux mondes ? Comment penser la conciliation de deux mondes alors que l’un des deux meurt, et que l’autre ne fait qu’à peine arriver au monde ? Comment penser la coexistence de ce qui meurt et de ce qui naît sans avoir recours, inutilement, aux anciens préceptes, à la théâtralité sans cesse ressassée d’une continuité aussi fausse que les décors dans laquelle elle se joue ?

Mulholland Drive, David Lynch, 2000

par Célia Lafitedupont

Si le conte s’invente et se re-détermine dans la forme qui l’investit, Mulholland Drive pourrait bien être un conte cinématographique (comme on dit conte de tradition orale ou conte littéraire), comme la plupart des autres films de David Lynch.

Disneyland, mon vieux pays natal Arnaud des Pallières, 2000

par Daniel Fischer

Disneyland, mon vieux pays natal est un film de 50 minutes tourné pour Arte par Arnaud des Pallières, dont on connaissait déjà Drancy Avenir. Il n’a pour l’instant été visible qu’à l’occasion de sa diffusion télévisée début 2001 à un horaire plutôt confidentiel, “aux environs de minuit”, et dans divers festivals ainsi qu’au cours de la rétrospective des films de des Pallières à la Galerie nationale du Jeu de Paume organisée également au début de l’année 2001.

The Night of the Hunter (La Nuit du Chasseur) Charles Laughton, 1955

par Pascale Risterucci

En un premier temps, on est tenté de dire : évidemment, tout simplement, c’est un conte. C’est ainsi que le film est spontanément perçu, c’est ainsi que la critique l’a généralement approché —pour essayer d’en résumer l’étrangeté—, c’est ainsi que Laughton l’a lui-même défini : « C’est une fable que nous avons voulu narrer ».

Si Peau d’Âne m’était conté

par Barthélemy Amengual

Certes, il y a conte et conte et, s’ils se ressemblent, ce n’est pas, à mon avis, qu’on puisse, selon les théories de Vladimir Propp, les réduire à la pauvreté d’un modèle unique, mais parce qu’ils trouvent leur unité dans leur diversité. D’abord, ils sont sans auteurs ; ils gardent son enfance à l’humanité. Les “primitifs”, nos ancêtres, imaginèrent derrière les phénomènes désirés ou redoutés, des êtres intelligents. Ils leur attribuèrent des histoires. Ainsi leurs images, leurs récits, se sont chargés de sens symboliques.

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