Intervention № 24

Québec 84: Un gros bateau

par Andrée Fortin

La ville nous monte de gros bateaux. Cela devient épuisant: en 83 on célébrait le 375e anniversaire de la fondation de Québec par Champlain, en 84 c'est au tour du 450* anniversaire de la venue de Jacques Cartier. 75 ans d'un coup! Pour commémorer l'événement, «les» grands voiliers se donnent rendez-vous au Vieux Port de Québec, rénové pour l'occasion à coup de millions; au retour de la vague, en septembre, sa Sainteté Jean-Paul II viendra également, non pas sur la barque de Pierre mais en avion, à la descente duquel il pourra baiser le sol de l'Ancienne-Lorette. La série Canadiens-Nordiques au printemps, les voiliers à l'été, le pape à l'automne, conjoncture unique dans l'histoire du Québec, que dis-je dans l'histoire-tout-court! Amalgame facétieux que seul l'esprit prophétique de Beurk Tisselard avait pu entrevoir?! U ne faut pas oublier, comme le rappelle la conférence des évêques que le premier geste de Cartier à Gaspé fut de planter une croix.

Bienvenue au Lock-Al

par Luc Martineau · visuels: Joselyn Gagné, Patrick Altman,Marc-André Simard

Situé à côté du Café Richard et à cent cinquante pieds du Roi de la Fève au Lard, dans une taverne deux fois centenaire, le LOCK-AL a fait l'effet d'une bombe dès son ouverture. Comprenons-nous bien. Auparavant le 16, rue Lacroix était un marché aux puces, le Royaume du Sinistré. Cela n'avait rien de comparable avec les activités tenues et la clientèle attirée par le LOCK-AL. Les premiers à s'en rendre compte ont été les tenanciers et la clientèle du Café Richard. En effet, l'ouverture du LOCK-AL devait se faire le 25 janvier avec le spectacle du groupe punk-rock écossais EXPLOITED. Or, n'ayant pu obtenir l'électricité pour cette date, nous avons déplacé in extremis le tout au Café Richard en autant que les «réguliers» de l'endroit — ceux qui y sont de 9.00 AM à 3.00 AM — puissent être logés temporairement dans la cuisine et que les «filles qui travaillent ici» puissent continuer leur commerce. L'ouverture a donc eu lieu, les «nouveaux» les cheveux avec ou sans coloris, mo-hawks ou rasés sympathisant rapidement avec les «réguliers» et la grande forme d'EXPLOI-TED aidant, le spectacle a pris les proportions d'une grande fête sans contenance.

Québec 84: La croisière s’amuse; le Pape est à la pêche

par Jean-Claude Gagnon · visuels: Jean-Claude Gagnon

Un roman-photos de Beurk Tisselarduean-Claude Gagnon.

Grapus s’agite au Québec

par Jean-Claude St-Hilaire · visuels: André Momeau

Est-il possible de résumer ou commenter Grapus en quelques lignes? Assurément non! Techniquement, il s'agit d'un collectif de graphistes (4 personnes actuellement) fondé en 1970 à Paris. Grapus fabrique des images sous forme d'affiches, dépliants, images de marque, brochures, en-tête de lettres, livres, etc. Pas comme les autres boîtes de graphistes toutefois: Grapus fait de la politique — ils sont tous membres du Parti Communiste Français — et de la politique culturelle en publicisant, entre autres, certains théâtres offrant une programmation «différente», comme le théâtre de la Salamandre. Grapus dessine, photographie, écrit, «typographie», colore, «graffitie», anime, attaque, défend. Grapus s'engage à tous les niveaux.

La valise

par André Côté · visuels: André Côté

L'appareil génital de la femme est représénte symboliquement par tous les objets dont la caractéristique consiste en ce qu'ils circonscrivent une cavité bans laquelle quelque chose peut être logé : mines, fosses, cavernes, vases et bouteilles, boîtes de toutes formes.." S. Freud "Le symbolisme dans les rêves"

Le musée des sciences

par Christine Ross · visuels: François Boulet

Dans la voie des installations pratiquées à l'intérieur d'édifices désaffectés, Lyne Lapointe nous avait déjà offert l'installation Projet Building/Caserne # 14 réalisée en janvier 83 dans une caserne de pompiers abandonnée. Ce projet avait pour principal but d'exposer l'aménagement spatial et architectural de la caserne comme structure répondant aux idéologies de hiérarchisation et de la compartimentation situées à la base du corps des sapeurs-pompiers. Cet hiver, l'artiste, avec la collaboration de Martha Fleming et de Monique Jean, choisissait de recycler un ancien bureau de poste en musée des sciences. La visite de ce «musée» fut pour plusieurs l'occasion de participer au questionnement porté par les réalisatrices sur les fondements idéologiques des sciences et leur prétention tant à l'objectivité qu'à l'universalité.

Un dernier voyage de Magellan

par Andrée Fortin

Le melting pot historique ne serait-il qu'une inside joke? Magellan, traduis-moi les paroles des chansons de Vinitius de Moraes, surtout A Felicidade du film Orféo Négro. La saudade, ça j'ai compris. Le goût amer de ta bouche après qu'on eut retiré les points. La cicatrice mal refermée, un peu de sang s'était mêlé à nos baisers. Un jour, je t'offrirai un chapeau à large bord, pour que tu ressembles à ton ancêtre le jour de son départ... Fernao de Magalhaes, 1480-1521. «... en 1519, il entreprit le premier voyage de circumnavigation, atteignit le Rio de la Plata (1520), découvrit le détroit qui porte son nom, traversa le grand océan par mer calme dans la direction nord-ouest et parvint aux Philippines en 1521. Il convertit au catholicisme le roi de Cebu, mais fut tué dans un engagement contre les populations indigènes de Mactan. Un des navires de sa flotille, commandé par S. de El Cano revint en Espagne (1522) en contournant l'Afrique. C'est l'Italien A. Pigafetta qui fit le compte rendu de ce voyage.»

Néoson(g) Cabaret

par François Bergeron, Patrick Altman · visuels: François Bergeron, Patrick Altman

Néoson(g) Cabaret - poésie sonore, directe, expérimentale. 26 avril 1984. Evénement polyphonique L organisé par Intervention, Obscure, CKRL et le Cégep de Sainte-Foy (Comspec), en collaboration avec le Ministère des relations internationales, le Consulat de France et le Conseil des Arts du Canada.

Poèmes métaphysiques

par Julien Blaine

Le montage de Julien Blaine Doc(k)s se compromet avec Intervention... 8 fois

Événement Handke: Théâtre vs Antithéâtre

par Alaingo · visuels: Pierre Rochon

Dans les années soixante, l'avant-garde viennoise était la plus iconoclaste des avant-garde occidentales. Jamais le questionnement, l'interdisciplinarité, la destruction de la notion d'art n'étaient allés aussi loin. Fluxus et happening trituraient le conflit, sans lequel le théâtre n'existe pas, pour le situer entre la scène et le public. Tout était possible, tout était permis. Et le théâtre s'était déjà engagé à fond dans cette modernité d'après-guerre. Dès 1953, En attendant Godot, marque une brisure radicale avec toute forme de théâtre connue jusqu'à ce jour. Si Fassbinder n'a d'antithéâtre que le traitement cinématographique, Ben par contre joue une pièce où rien ne se passe. Le public entre, s'assied, regarde Ben qui ne bouge ni ne parle. Le temps passe. Le public s'impatiente, se met à chahuter le comédien qui ne bronche pas. Le public chahute de plus belle et commence à s'insulter lui-même, etc. Antithéâtre. Robert Filiou pousse plus loin le paradoxe avec son non-théâtre. Il annonce une pièce en plein air qui n'aura pas lieu s'il y a ne serait-ce qu'un seul spectateur. Si, par contre, il n'y a aucun spectateur, alors la pièce pourra vraiment ne pas avoir lieu, puisque c'est du non-théâtre.

Snow Mobile

par Yves Bédard · visuels: Gérald Baril

Pour Michael Snow, l'invitation lancée par Obscure dans le cadre de son événement This Is Snow/Voici la neige constituait la première occasion de venir présenter ses travaux à Québec. À l'exception de Montréal, et bien que ses oeuvres fassent l'objet, depuis une vingtaine d'années déjà, de sélections canadiennes et d'expositions un peu partout dans le monde, Snow est généralement peu ou mal connu au Québec, contrairement au Canada anglais et aux États-Unis où une diffusion suivie s'est organisée autour de ses travaux. L'événement aura donc permis au public de prendre connaissance d'une partie de son travail cinématographique, musical et, grâce à la participation du Centre Vu, de pièces photographiques récentes.

This is Snow — Voici la neige

par Gérald Baril

Entrevue avec Michael Snow: GILLES BARIL: Est-ce qu'on peut faire un rapport entre votre travail de créateur et le travail de certains chercheurs, de certains scientifiques? MICHAEL SNOW: Oui, un peu. Mais ce n'est pas la même chose. On ne peut pas décrire l'art comme une chose didactique. C'est plutôt une expérience disons — pas ambiguë mais — avec plusieurs niveaux. (...) Mon rapport avec la science est peut-être que je dépends de la machine, des instruments qui sont produits par la science. Par exemple pour La région centrale, j'ai conçu quelques effets impossibles à réaliser avec les appareils existants et c'était nécessaire de construire quelque chose. C'était mon idée mais ça n'était pas possible pour moi de faire ça. J'ai donc cherché quelqu'un qui pourrait m'aider à faire une nouvelle machine pour faire certains mouvements de la ca-gg niera. J'ai trouvé quelqu'un qui travaille dans l'industrie cinématographique à Montréal et qui s'appelle Pierre Abeloos. U a construit la machine mais à partir de mes idées.

Pour une écriture qui bouge

par Bernard Gilbert

Écrire est une affaire de trafic. Circulation, détours, sens uniques; ça trace, ça passe, ça déborde. Babel tient lieu de carrefour indéchiffrable à cette histoire de langue. La bibliothèque manipule les figures, déjoue la loi, saborde le Père. Depuis les rhétori-queurs du 16' siècle à Denis Roche ou Michael Delisle, on joue la carte du langage. Avec le retour en force du sujet dans l'ordre social — sujet qui se parle, sujet insti-62 tué réfèrent premier de la société post-industrielle — le travail d'expérimentation et de recherche textuelles laissait présager la poursuite de la subversion des réseaux de circulation traditionnels que les préoccupations formelles des 20 dernières années avaient déjà entreprise. Les marges dévoilées par le souci textuel devaient laisser place à de nouvelles marges. Malgré cette attente, le trafic est devenu bien régulier. Éclectique à souhait, l'écriture actuelle se donne à lire comme la reproduction (encore du classicisme!) des principaux apports de la période «formaliste». L'écrivain/e n'a pas déserté la nouvelle Babel — Modem style —; c'est la recherche qui s'est rangée du côté de la pensée, de la prolifération psy et de l'Amérique. Mettons qu'on fait dans la parole, et que le texte suive...

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