Intervention № 18

Bureau d’interventions urbanes et projets spéciaux: Terse ou la mort du petit bonhomme noir

par Michel Ouellette, Bernar Hébert, Christian Fluet · visuels: Michel Brunelle

Dimanche matin, en octobre. 7h30 Il fait très froid au coin des rues De La Commune et St-Sulpice. Je suis là avec une vingtaine d'autres, à geler en attendant l'arrivée du Petit Bonhomme Noir. Il nous a invités à sa mort. Sur le faire-part (une carte postale en noir et blanc), on le devine, plus qu'on ne le voit, suspendu au sommet d'une immense grue. Déjà un indice: il a la passion des sommets. Je suis là à attendre. La neige fondante rend cette attente désagréable mais je reste, les autres aussi; nous connaissons le Petit Bonhomme Noir, nous sommes assurés d'être les témoins d'un événement unique, nous sommes certains de la beauté des gestes. Le port de Montréal est désert.

Bureau d’interventions urbanes et projets spéciaux: Générigue 123456789

par Pierre A. Larocque · visuels: Richard Lalonde

Dans un restaurant banal, blafard, éclairé au néon, clos, trois serveuses: une en blanc, de dos, lave le plancher; derrière le comptoir, en rose, une seconde (comme un double de la première) immobilisée; une troisième en bleu regarde à travers la vitrine séparée en trois zones par des acétates rouge ou bleu et au centre par un store vénitien qui permettra de découper l'image en bandes. Le restaurant s'ouvre, les spectateurs stationnés dehors y pénètrent: bruits d'autos qui freinent 100 fois, bruits de restaurant qui reviennent envahissants, emmêlés à The friends of Mr. Cairo démonté/remonté. On sert des pâtes roses, vertes, bleues,des crèmes glacées et des breuvages de mêmes teintes. Actions mécanisées qui ralentissent, bloquent longuement, se répètent avec insistance, reviennent en arrière . . . Progressivement, à travers ces personnages quotidiens, apparaîtront des personnages plus fictifs: au comptoir, apparu comme par magie: Tarzan-punk; une actrice, sous son manteau de phoque noir usé sort des toilettes; un voyageur anonyme (l'air d'un acteur de cinéma), sa valise à la main, entre, s'assoit.

Bureau d’interventions urbanes et projets spéciaux: City danse business

par Monty Cantsin · visuels: Michel Dubreuil

Du siècle étourdissant, au départ, il n'y a rien à retenir. Peut-être la facilité des idées. Navrés pour elles; nous nous tenons prêts, ételgnoirs à la main. C'est le vide beaucoup plus que l'impuissance qui achève sa formule. Une formule intelligente mais sans cesse démaquillée, réduite au spectre courant. Ilya des pouvoirs. Navrés pour eux; nous nous tenons prêts, scandales à la main. Les situations échappent à leur légitimation. Un modèle: toujours le même. À quoi peut ressembler le doute? Navré pour lui; nous nous tenons prêts, revolvers au poing. Nous nous placerons résolument d'un seul côté, affirmant les mêmes choses; en les reconnaissant telles. Et nous ne pourrons, à l'aide de cette mesure, constater autre chose que le fait que tout cela nous échappe intégralement. Une révélation mensongère vers laquelle nous penchons périlleusement, dans l'attitude soit du don, soit du recevoir. Si nous croyons pouvoir flairer le mal, nous ne savons quelles malformations nous y conduisent.

Inter X Section

par Marc-André Roy · visuels: Marc Declanes,Yvan Bouleriee

L'atelier situé au 2046 de la rue Jolv, en plein centre-ville de Montréal, a été créé en juillet 1978. Il regroupait à l'origine six sculpteurs (Claude Lamarche, Jacques David, Claude-Paul Gauthier, Marc-André Rov, Régis Pelletier, François Cloutier), désireux de partager l'outillage et les techniques de travail de différents matériaux tels le métal, le bois et les plastiques. Si à cette époque, l'atelier était un lieu de production pour les six membres, il était aussi un lieu-ressource pour d'autres artistes ayant à réaliser des projets de création. Il s'agissait d'une production individuelle consistant à créer des objets d'art allant du petit format au grand format. La diffusion se faisait en galeries et très souvent en expositions de groupe.

Articule

par Jean-Luc Guinatnant, Jean-Jacques Grenier · visuels: Michel Dubreuil, Martin Labbé

Articule a été fondé en 1979 alors qu'un groupe de jeunes artistes de Montréal voulait créer un lieu ouvert à la jeune expression artistique, posant ainsi un nouveau jalon dans l'établissement d'un réseau de centres en art actuel au Québec. Au moment de son ouverture officielle, en septembre 1979, Articule comptait soixante membres actifs qui, par leur cotisation, ont financé l'aménagement du centre et l'essentiel de son fonctionnement, le reste provenant des contributions des membres de soutien, de vente de services et de revenus divers, le plus important étant un encan. Le local, une fois aménagé, offrait une surface de 2 000 pi. ca. divisé en quatre salles de dimensions diverses, utilisables pour tous genres d'expositions ou de manifestations; au cours des trois premières années, près de cent expositions et autant d'événements divers y ont été présentés. Par cette activité débordante, Articule visait à offrir un substitut au réseau commercial tout en contribuant à la formation d'un milieu dynamique et en offrant aux artistes le maximum de soutien, et de collaboration.

Motivation V

par Jacques Charbonneau · visuels: Pierre Leblanc

Un enfant prodige de la culture, issu d'une gestation précoce, a vu le jour à Montréal, le 3 mars 1979 en présence de 15 00 personnes. Sauvage et non conforme, Motivation Y' est prédestiné ;. une carrière controversée et fulgurante. «Une galerie, une entreprise sympathique qui fonctionne avec les moyens du bord»1, un centre pour les créateurs «qui pour une raison ou une autre désespèrent des circuits officiels de diffusion». «... Venez à Motivation V. Ne craigne/ pas de faire mauvais genre dans le décor, ou encore d'avoir l'air d'être un espion solde. . . de vous-même. Parce que cela fait bien d'écouter des hommes et des femmes qui «osent» dire tout haut ce que vous pense/ tout bas. Ou que vous n'arrive/, pas à formuler. Puisque vous êtes «po-gnés(es)» dans le système. Joignez vos rêves et fantasmes intérieurs à cette nouvelle coopérative d'énergie. Et — de grâce — n'oubliez jamais, citovens-lecteurs, que la scène vous appartient et que vous pouvez en profiter pour vous défouler ou tout simplement dire que, la vie, votre vie, vous la trouvez belle, ou laide. . . A vous de jouer. Ou de vivre.»

Le centre Copie-Art

par Rémi Bergeot

Fout au long de l'histoire de l'art, l'évolution des médias a suscité de nouvelles images et de nouvelles techniques de composition en étendant le champ d'investigation qui est à la source de la vision de l'artiste. En 1979, l'association artistique Motivation V lançait dans ses locaux un programme expérimental de recherche d'un nouveau médium technique; son but était de promouvoir un remarquable mode d'expression en arts visuels, le Copie-Art. Avec le soutien du programme «Aide aux projets spéciaux» du Conseil des Arts, le centre prit rapidement de l'expansion. Dans ses nouveaux locaux sur la rue Ontario (près de Saint-Denis), le Centre Copie-Art est en mesure d'offrir l'accès à des ateliers d'initiation et de recherche à partir de machines à photocopier. L'équipement du centre comprend: une photocopieuse-couleur, une photocopieuse noir & blanc, et une machine à laminer qui permet de plastifier sur les deux côtés les oeuvres d'une largeur maximum de 24 pouces sur une longueur de 500 pieds.

Le conseil de la sculpture du Québec

par Marie-France Brière · visuels: Linda Brabant

Envisager sa rétrospective, visionner à l'envers les nombreux événements qui caractérisent ce regroupement d'artistes. Quelque deux cents manipulateurs de la forme participent collectivement au développement de la sculpture au Québec. Chaque année des expositions démontrent cette production, toutes les tendances se chevauchent afin d'exprimer différentes recherches effectuées par des artistes professionnels. Sans aucun doute Confrontation se présente comme l'événement clé, surpassant par son nombre impressionnant d'exposants les possibilités de galeries et même de musées. Cet été le Jardin Botanique offrait aux passants et visiteurs des oeuvres de petits, moyens et grands formats. Les sculptures comme cent trente veilleurs apprivoisaient les lieux dominant quelquefois le paysage ou s'en-gouffrant à peine visibles, à travers cet havre de verdure. Confronter l'ensemble (sans sélection préalable pour le choix des oeuvres) les matériaux, l'espace utilisé, conquis par la sculpture.

La maison du fier-monde

par Rene Binette, Lisette Cloutiér

Au printemps 1980, un projet d'écomusée, la Maison clu Fier-monde était soumis aux Habitations communautaires Centre-sud, organisme voué à la création de coopératives d'habitation et d'équipements communautaires. Au départ, la Maison du Fier-monde visait trois objectifs soit de préserver le patrimoine et d'en faire un outil d'intervention collective, de développer un espace commercial et d'imaginer un lieu de rencontre pour les résidents de Centre-sud. Rappelons que c'est dans la seconde moitié clu XIXe siècle que le quartier Centre-sud s'est industrialisé, une poussée démographique s'est alors produite et jusqu'au milieu de XXe siècle, c'était un quartier ouvrier dynamique et densé-ment peuplé. Des industries telles que Molson, Barsalou Dominion Oil Cloth et Dominion Rubber contribuaient à maintenir l'activité industrielle et commerciale. Mais depuis 1950, les usines ont quitté une à une le quartier, entraînant avec elles une grande partie des résidents; les grands projets de «développement» ont aussi favorisé l'exode massif de la population, ne laissant qu'une poignée de personnes âgées, d'assistés sociaux, de chômeurs et de petits salariés. Vivant dans ce que les autorités considèrent comme une «zone grise», isolés, hors des circuits de production valorisés par notre société de consommation au point de nier l'existence de ceux qui n'y participent pas. Les citoyens ont, dans beaucoup de cas, perdu leur licite et la Maison du Fier-monde veut briser leur isolement et faire valoir leur culture que l'élite a volontairement oubliée. La dignité retrouvée sera le moteur d'une solidarité nouvelle clans Centre-sud et d'une prise en charge du quartier par ceux qui l'habitent.

Le magazine “Ovo”

par Jean lauzon

Décembre 1970 est une date importante dans l'histoire de la photographie québécoise. Le Magazine OVO lance alors son premier numéro. Mars 1971 est aussi un moment important, parce qu'on publie un second numéro, signe de la continuité. Les couleurs sont déjà un peu plus claires: ce sera une revue de photographie. Près de cinquante numéros plus tard, après 12 ans d'existence, souvent difficile, toujours passionnante, OVO est toujours là, témoin et acteur d'une période fructueuse de la photographie au Québec. Tous les photographes du Québec connaissent le Magazine OVO. De ses premiers balbutiements au cégep du Vieux-Montréal, dans un petit local du pavillon Athanase-David, jusqu'à ses plus récentes éditions produites depuis ses locaux de la rue Ste-Catherine à Montréal, OVO s'est taillé une place de choix dans le milieu photographique québécois et international. Cette réputation n'est pas née du hasard. Elle est le fruit d'un long travail, d'une évolution nécessaire et d'un choix fondamental qui a fait qu'à un moment donné le Magazine OVO est devenu unique, original, sans équivalent clans l'édition photographique contemporaine. La date importante cette fois, c'est 1974: les noms de Jorge Guerra et de Denyse Gérin-Lajoie apparaissent au générique de la revue.

Dion/Poloni ou la surcharge des lieux

par Claude-Marc Bourget · visuels: Sue Schnee

Annoncées, en quelque sorte, par de précédents travaux d'où semblables déterminations paraissaient déjà s'activer à ce qu'on les réinvestissent (par exemple de nombreuses bandes vidéo: Système des Beaux-Arts, Garbo System, Division de la Nature, Soustrait de N, Polonium, et quelques autres, jointives, à partir duquel ensemble d'outils-matériaux s'aide une indispensable circulation), il y eut pour Montréal, les 18 et 19 juin dernier, ces dernières choses Dion/Poloni (peut-on dire. . . ), celles-là mêmes en partie déclarées au performatif- (en ce qui a trait à l'énoncé), sinon pour la forme, au moins pour le publicitaire, en tant que LES SARDINES SONT BOURRÉES D'HÉROÏNE ou COMMENT BOUGER DANS L'ESPACE, arabesque et virtualité baroque. Substantif (chose) qui nous servira assez bien pour approcher ce qui ne se laisse pas aisément réduire à un terme seul, le plus souvent impropre à situer les manifestations artistiques dites multidisciplinaires relevant du post-modernisme; sauf peut-être, comme d'un retour en force, à celui de Spectacle, en tant qu'ensemble de choses donnant à réagir. Il est donc distribué ici pour correspondre au sens de ce qui a lieu — l'événement (mais peut l'être aussi comme objet indéterminé, sans dénomination particulière, laissé à l'ouverture). Faire des choses, quelque chose. Chose en soi par contre, in situ, chez laquelle nid dessein de représentation se dépose, si ce n'est celui d'en (post-)exposer l'efficience de l'appareillage de par la prise d'une multitude de documents visuels et autres, sous l'occupation de ce que l'on pourrait désigner tomme effectif d'assistants. A savoir qu'à proximité du Lecteur actif tel que perçu et esquissé par Roland Barthes et autres, ce modèle d'effectif-destinataire peut bien assister à l'événement, mais surtout, et par définition seconde, l'assiste. Soit en tant qu'attendu, qu'ensemble récepteur, destinataire donc prévu/désiré, soit de ce qu'assistance-public puisse valoir de fait pour assistante-appui, assistance-en-fonction, garante de l'occupation d'un espace scénique et non seulement de la légitimité fonctionnelle. Assistance, collaboration, association relative ou tout ce que l'on voudra en ce sens.

Pourquoi me demander à moi de parier de musique?

par Robert Gélinas

Notre histoire nationale, ou si vous préférez l'histoire de notre culture nationale (avant de se dénouer Dieu sait comment) se lirait-elle comme un roman-fleuve géant auprès duquel «on» grandit en espérant? Un tel soap-opera mérite d'être traité selon les normes et dans la forme, c'est pourquoi je vais commencer par une... OUVERTURE Je peux vous expliquer ça simplement. Au départ il y a le programme de création d'emplois dans les organismes culturels et, au préalable, mon éligibilité (longtemps au préalable j'étais «sur le bien-être»). Ici doit survenir l'inévitable remerciement à l'endroit de mon bon gouvernement qui fait tant de bonnes choses pour moi et tous ceux d'ans mon cas (pas dans le cas d'être sur le bien-être, ben non, yen a trop, ce pas possible,. . .) dans le cas d'avoir débarqué du bien-être pi d'avoir rejoint, dans de nombreux cas, les sempiternels bénévoles des organismes culturels, les hors-catégories, les non-éligibles pour toutes sortes de raison mais qu'on continue à voir traîner dans le décor, sans statut et, faut-il le mentionner d'un ton un peu gêné, sans salaire. ..

Dérive sur la St-Denis

par Andrée Fortin

Fin de semaine à Montréal, où m'appellent des affaires de famille, d'argent, de politique et de coeur. Vendredi un souper qui s'étire à deux pas de l'UQAM, du terminus Voyageur. On s'agite. As-tu un crayon? Sur un carton de cigarettes, un projet d'affiche. 6 couleurs. Sérigraphie. En 3 jours, à 2, on devrait s'en sortir. (Il oubliait juste les lendemains de la veille, le show de Diane Dufresne.) On n'a pas tous les jours 22 ans. On ne prépare pas tous les jours une première expo dans une vraie galerie. Pas un café. Une galerie. Grands gestes. Les yeux brillent, soupirent. Puis un jase de la dernière performance, de la prochaine. En plein soleil sur la grand'place de l'UQAM. Jeu avec la lumière, vibration plastique. Comment croire encore à la peinture? Le café se remplit. Seulement Corbeau et Pied de Poule viennent troubler l'unilinguisme musical — ou Nina Hagen, celle qui a changé ta vie — Le Conseil des Arts? Haussement d'épaules. On le laisse au jet set. L'art engagé? Il me renvoie un sourire de Sphynx. C'est toute sa vie qui est une oeuvre d'art, un engagement. Comment puis-je en douter? Il peint, dessine, sculpte. Un jour, il reviendra à la musique, par où il a commencé ou fera des performances. La vie comme oeuvre d'art. L'art comme énergie.

Projets d’architecture urbaine

par Louis Martin, Claude Lamoureux

Notre travail se distingue par la réintroduction de la figuration architecturale explicitement historique et urbaine, et aussi par la reprise du dessin d'architecture comme instrument visionnaire. Le dessin d'architecture a l'avantage d'être le simulacre du bâti permettant l'interprétation du monde réel et l'expression d'un monde envisageable. Nos images, issues de la société et de la culture québécoises, suivent les grandes traditions de l'architecture et des entités urbaines actuelles. CONSTRUIRE LA VILLE Notre discours est axé sur la ville traditionnelle reçue comme héritage culturel. Nous la percevons comme l'expression d'une volonté de vivre ensemble dont les espaces collectifs (rues, ruelles, places) sont la manifestation. Musée anthropologique vivant et foyer de la culture urbaine, la ville traditionnelle est prise comme modèle.

Souterrain

par Patrick Altman · visuels: Patrick Altman

Série de photographies

Coexistence / Photographies en milieu urbain

par Roberto Pellegrinuzzi · visuels: Roberto Pellegrinuzzi, Christine Lacroix

Cette série de treize photographies a été réalisée dans le but d'être intégrée en milieu urbain. Ces photographies sont placardées depuis juin '82 en trois lieux différents, à Québec sur la rue de l'Ancien Chantier, à Montréal sur Dowd Street et à New-York sur Green Street. Ces trois endroits ont en commun d'être désaffectés; cette intervention les investit d'une nouvelle fonction: le lieu devient support, et interroge sa désagrégation à travers le passant venu pour voir ou circulant par hasard, proposition ouverte à l'intervention d'autrui (graffiti, déchirement) et à la détérioration.

Plis sous pli

par Alain Masson

Case DEPART. On dirait un livre. Le Gué Il faut passer. Plis tous pli, texte transatlantique, deux auteurs, se forme en deux temps, deux temps, deux matières, deux matières. La préméditation retorse de Frechette contraint Arcand à une spontanéité hâtive, assez hâtive pour laisser voir les mouvements même par lesquels elle se dérobe, tandis qu'il vole de Montréal à Paris, est-ce assez diabolique pour vous? Filez case 42. Mais la case 1 ne peut être atteinte que si on joue avec un seul dé. Ohl la tricheuse. Elle est amoureuse! Elle réparera ses erreurs à la case 32.

Les seigneurs de la dernière pluie

par Pierre-André Arcand

Le théâtre invisible

par Alaingo

Augusto Boal,l'exilé sud-américain, le fomenteur de trouble, l'empêcheur de tourner en rond, était à Québec. Pour un atelier, pour quelques théâtres forum, pour éprouver son approche du théâtre dans un «pays sans histoire», et donc sans problème. Comment traiter de l'oppression quand la plus grande liberté règne au pays, quand il faut chercher des puces pour parler de censure et de politique? Cela a commencé par l'exploration de la peur, la peur quotidienne, la peur violente de l'agression physique, la peur panique, celle de l'angoisse, celle de la lame de rasoir, la peur. Des images, des tableaux figés aux contours d'horreur et de bave, aux viscères torturées et tremblotantes, aux muscles tendus ont surgi derrière nos masques réguliers. On a exploré les images pour trouver ce qui était derrière. On a disséqué les peurs pour découvrir leur fondement. Et finalement, oui, sous les peurs il y avait l'oppression. Nous en avons pris une au hasard. Disons: les moutons de Panurge quand les multi-nationales, les gouvernements et les détaillants décident d'imposer des hausses de prix, des surtaxes, des marges de profit plus grandes sur une denrée quelconque, l'essence. C'était le point de départ. Si nous ne réagissons pas aux hausses de taxes et de prix, c'est que, dans une certaine mesure, nous sommes complices de cet état de chose: nous l'acceptons sans rouspéter. La question était alors la suivante: Pouvons-nous monter une pièce ou une action théâtrale qui puisse traiter de ce problème en incitant les spectateurs à se prononcer sur les solutions possibles?

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