La nuit

Tout s’éteindra

par Gwilherm Perthuis · visuels: Claire Tabouret, Abel Pradalie, Clément Montolio

Dans la partie finale de Porche du mystère de la deuxième vertu (1912), Charles Péguy compare la nuit à un tissu continu ajouré par les trous des jours. Alors que les jours sont clairement découpés « comme des fenêtres » ouvertes dans la « grande muraille noire », la nuit est entendue comme un espace dilaté qui s’étend au-delà des repères habituels qui nous permettent de nous orienter.

Essai - W. G. Sebald. Le lièvre et le tabou

par Muriel Pic

S’il est un écrivain pour lequel la littérature allemande d’après-guerre n’a pas d’autre choix que de se confronter au tabou, c’est bien W. G. Sebald. Le profond malaise de cet auteur vis-à-vis de la mémoire nationale de son pays d’origine motive un projet littéraire dont l’enjeu premier est de briser le tabou autour de la seconde guerre mondiale.

Les constellations de Béla Tarr

par Corinne Rondeau

C’est dans le Titanik Bar de Damnation que ces paroles sensuellement interprétées par une chanteuse aimantent les hommes présents et le spectateur. Elles expriment le cinéma de Béla Tarr qui se tient sur des fins et leur refus.

Gina Pane, Action de Chasse – c’est la nuit chérie ou “La nuit transfigurée ”

par Julia Hountou

Dans l’Action de Chasse – C’est la nuit chérie (8 janvier 1981, Franklin Furnace de New York) Gina Pane invite les spectateurs à se confronter à l’univers mystérieux de la nuit au potentiel méditatif fertile. Le terme « nuit » ouvre des espaces infinis à la réflexion, à l’inspiration tel que l’a défini Maurice Blanchot : « expérience qui est proprement nocturne. » En puisant dans cette matrice d’images contraires et associées, l’artiste soulève diverses questions : en quoi l’espace nocturne est-il un moment particulier, un décor spécifique ?

Les nuits dans les maisons hantées au XIXe siècle

par Stéphanie Sauget

La nuit au XIXe siècle est un temps désormais mieux connu des historiens. Elle est entrée dans le « territoire » des contemporanéistes, notamment grâce à Simone Delattre qui lui a consacré un très bel ouvrage superbement intitulé Les Douze heures noires en 20002. L’auteure y étudiait la nuit publique dans l’espace citadin et les mutations de l’imaginaire social associé aux heures sombres.

Une poétique du crépuscule : photographies de Gregory Crewdson

par Gwilherm Perthuis · visuels: Gregory Crewdson

Les compositions photographiques de Gregory Crewdson (New York, 1962) sont très soigneusement étudiées, préparées et mises en scènes. Leurs réalisations impliquent la participation de dizaines de techniciens, de décorateurs, d’assistants et d’acteurs souvent professionnels ainsi que des moyens techniques propres à ceux déployés par le cinéma.

Arts poétiques - Traversée de nuit

par Patrick Beurard-Valdoye

Poésie - Choix de poèmes

par Ernesto Castillo

Récit - Coupure d’électricite

par Marie-Laure Hurault

« J’ai vu le corps chuter au milieu de la nuit. Cela s’est passé pendant la coupure d’électricité après la pluie torrentielle tombée droit sur la ville. Probablement un médecin en visite, je l’ai vu trébucher, à la descente du trottoir, après un faux pas, il a glissé.

Focus - Le premier décor photographique de Brassai

par Gwilherm Perthuis

L’action est concentrée en une nuit : une plongée dans le Paris nocturne de l’après-guerre encore imprégné des engagements collaborationnistes et résistants. Le Rendez-vous, ballet de Roland Petit sur un argument poétique de Jacques Prévert et une musique de Joseph Kosma est créé en juin 1945 au Théâtre des Champs-Elysées. Pour la première fois dans l’histoire des arts de la scène (théâtre ou danse) le décor est constitué de grandes photographies. Les images du recueil Paris de nuit en tête (1932), Jacques Prévert sollicite son ami Brassaï et lui commande trois décors pour le Rendez-vous.

Nouvelle - La vie nocturne de Babylone

par Hubert Haddad

« Nous sommes en voyage dans l’inconnu, à cheval sur des valises en forme de cercueil », c’est ce que marmonnait d’une voix endormie le vieux Babylone, à peine dérangé au plus fort du chahut, avant de se recoucher en chien de fusil. Le numéro d’écrou 2107 venait d’être placé en cellule d’arrivant après son transfert du tribunal. Depuis les fenêtres, debout sur les épaules d’autres détenus, les plus curieux avaient pu voir le cortège entrer dans l’enceinte : un car blindé encadré par deux estafettes avec gyrophares.

Entretien - Réveiller les infinies jonctions de l’imaginaire

par Hubert Haddad

Roman, nouvelle, pamphlet, biographie, poésie... Vous avez expérimenté quasiment tous les genres littéraires. Vous déclarez ne pas particulièrement apprécier l’autofiction ou le roman réaliste, et placez votre œuvre aux frontières de l’histoire et du mythe, de la réalité et de l’imaginaire. Quels sont les auteurs qui furent déterminants pour la définition de votre écriture ? Quelles balises littéraires ont nourri votre poésie polymorphe ?

Essai - Monochromes nocturnes dans les collections fantaisistes de Philippe Artaud

par Philippe Saulle

« De ces gens, on apprend finalement pas grand-chose, et on ne donne à voir que le côté insolite d’une passion dont la profondeur n’apparaît pas avec l’évidence. » Ainsi s’exprimait paraît-il, Kasimir Malevitch, peut-être est-ce dans son ouvrage La paresse comme vérité effective de l’homme, mais ce n’est pas avéré.

Dossier Jean-Christophe Bailly

par Gwilherm Perthuis

Jean-Christophe Bailly conduit l’écriture au-delà de la notion de genre en réfutant toute catégorisation et en faisant confiance à l’étoilement de la pensée. Héritier des romantiques allemands, citant souvent la phrase de Novalis : « Nous vivons dans un roman colossal (en grand et en petit) », son travail littéraire participe à la dispersion et aux échanges entre les matériaux afin de leur garantir une ouverture maximale.

“Le Dépaysement ” de Bailly, l’invisible de la France

par Dominique Conil

Il y a ainsi des livres qui rendent leurs lecteurs intelligents. Bien plus rarement, ces livres deviennent des succès de librairie, loin des polémiques comme des études sans chair. Salué comme une « œuvre majeure », Le Dépaysement, de Jean-Christophe Bailly, déborde largement le cercle des admirateurs de l’écrivain, se joue des frilosités et des dépressions nationales sans les nier, ouvre la fenêtre, tant mieux ! Sujet : la France. « Dépayser comme on dit déniaiser », dit-il.

Parler haut la nuit

par Philippe Morier-Genoud

Comment parler d’un moment théâtral qui n’est plus ? Faut-il, dans la matérialité fugitive du temps qui passe réaffirmer que dans ce passage se dirait du théâtre quelque chose de son essentiel secret ? La marque secrète de son propre renouvellement c’est-à-dire du paradoxe qui le fait toujours et nécessairement mourir au moment même où simultanément il est appelé à renaître ?

Poésie - Dans l’enlaidissement aggravé

par Jean-Christophe Bailly

Mémoire - Résurgence romantique

par Henri-Alexis Baatsch

Lorsqu’au tout début de 1971 ou peu avant, Jean-Christophe Bailly proposa au petit groupe d’écrivains et d’artistes, aux qualités très inégales, il faut bien dire, qui nous avaient très provisoirement cooptés au vu de nos productions littéraires, d’illustrer un numéro grand format de la revue Coupure par une photo pleine page montrant un austère paysage alpestre accompagné de ce seul commentaire : « C’est ainsi. »

Carnets de B. (extraits – un échantillon centré sur la nuit) -

par Jean-Christophe Bailly

La fièvre douce de l’automne sur les pentes, lumières jaunes et mouillées du feuillage – pour la première fois véritablement je reviens – ici, dans la paix des grands mouvements, allumant des poêles tandis qu’au dehors tout stagne et balance, vert et or, levant des souvenirs dans les chants d’oiseaux.

Entretien - Derrière la paroi de verre

par Alain Veinstein

Dans Radio sauvage (Seuil, Fiction & Cie, 2010), vous expliquez que votre travail radiophonique a été fortement marqué par l’écoute de la radio dans votre famille, lorsque vous étiez enfant. Vous revenez d’ailleurs sur la question du passage de l’écoute à la parole et sur le rapport entre ces deux attitudes actives de la relation radiophonique.

Essai - Un Barbare dans une Bibliothèque

par Florent Danne

Les idiots ne sont pas rares dans les bibliothèques. Bouvard, Pécuchet, le général Stumm1, qui cherche le livre qui résume tous les livres, sont au nombre de ceux-là. Nous avons certes déjà croisé des idiots mais pas des barbares.

Entretien - Pedro G. Romero, artiste mémoire

par Pedro G. Romero

Dans notre numéro récent consacré à la Catalogne, nous avons reproduit un ensemble iconographique qui prenait appui sur les « scénographies enténébrées » d’Alphonse Laurencic, pour reprendre vos termes. En 2011 vous avez participé à l’exposition collective Ejercicios de memoria1 et reconstruit une cellule psychotechnique de Laurencic.

Discussion - Iain Baxter & : Olympique !

par Christophe Domino, Fabien Pinaroli

Fabien Pinaroli. En 1976, Celebration of the Body, alias CoB, est une exposition qui fait officiellement partie du programme culturel des J.O. de Montréal. Cette exposition est quasiment oubliée depuis.

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