Durant l’automne 2004, Charles Juliet a résidé cinq mois à Wellington dans le cadre d’une résidence pour écrivains français. Pour introduire notre numéro consacré à la Nouvelle-Zélande, nous l’avons questionné sur quelques aspects de son voyage afin de recueillir sa perception très subjective de ce territoire situé à l’autre bout du monde. Au détour de quelques souvenirs, l’auteur de Lambeaux dessine les contours d’un pays complexe.
Nouvelle-Zélande
Résidence néo-zélandaise
Extraits de “Première année d’un séjour dans la colonie de Canterbury ”
Après avoir reçu une bonne éducation dans une vieille famille bourgeoise, Samuel Butler (1835–1902) décide de fuir vers la Nouvelle-Zélande (1860), territoire pas encore totalement défriché par les colons pour la plupart éleveurs. Une fois qu’il eut trouvé un pâturage vierge dans l’arrière-pays de la région du Canterbury, Butler obtient du gouvernement britannique la concession d’une « station » d’élevage à plus de 30 kilomètres de toute autre habitation. La cabane à laquelle il donne le nom de « Mésopotamie » est aménagée autour de livres, de plâtres et d’un piano sur lequel il joue des fugues de Bach.
Mémoire des Maoris : voix mortes et têtes sacrées
Souhaitant écrire un bref essai sur les correspondances entre l’expérience polynésienne du poète Victor Segalen et la restitution par les musées occidentaux des têtes momifiées maories à la Nouvelle- Zélande, j’ai tardivement compris, en réunissant les pièces éparses que je tentais de relier, que je m’aventurais dans une entreprise irréalisable et endossais pour ce texte un rôle impossible à tenir : celui d’un anthropologue-historien que je ne suis pas. Après réflexion, il m’a semblé plus pertinent, plus proche de ma façon d’écrire et de penser en spirales successives, de composer le récit d’une exploration personnelle et de faits rapportés, qui tient lieu à la fois du grand écart et de la mise en correspondance littéraire de coïncidences de mémoire, constituées elles-mêmes par un ensemble paradoxal de rencontres manquées et de parentés mémorielles.
Paraterre Matchitt et Te Kooti. L’artiste et le prophète
Le 9 juin 2009, la sénatrice Morrin-Dessailly fait voter une proposition de loi déclassant les têtes maories conservées dans les musées de France afin qu’elles soient restituées à la Nouvelle- Zélande. Considérée comme l’une des grandes crises muséographiques, la restitution des objets sacrés révèle la volonté d’auto-détermination des sociétés autochtones sur la conservation de leur patrimoine.
Janet Frame, icône d’une nation en quête d’auteur
Si Janet Frame avait été américaine, elle serait sans doute aujourd’hui l’un des écrivains les plus importants de son époque : voilà en substance ce que croient beaucoup de spécialistes de cette auteur néo-zélandaise décédée en 2004, dont la renommée peine à sortir des frontières de son pays natal, malgré une nomination à la shortlist du prix Nobel de littérature.
Autour du cinéma de Jane Campion
Entretien avec Pierre Rissient
Len Lye - Une avant-garde du mouvement
La critique anglo-saxonne a longtemps été déroutée par la production polymorphe et originale de l’artiste d’origine néo-zélandaise Len Lye (1901-1980). Il fut trop rapidement considéré comme un excentrique et ses travaux placés aux rangs de « bizarreries » alors qu’il fut particulièrement inventif, à la fois dans le domaine du cinéma expérimental, de la sculpture en mouvement ou du mobile, ainsi que de l’écriture.
Bruce Russell - Un métalchimiste du son
À notre envers, où Noël se célèbre sur la plage, la pensée musicale se débride depuis plus de vingt ans. Si la Nouvelle-Zélande n’est pas particulièrement connue pour sa musique, il est un groupe qui avec une pratique visionnaire et décalée s’est élevé au rang d’icône dans le milieu de la musique noise. Bruce Russell, un des membres fondateur de The Dead C, incarne bien cette volonté de transcender les frontières, et bouleverse notre approche à la fois de la musique et de l’art. Il a participé de manière substantielle à l’éclosion d’un nouveau genre, a révolutionné les codes de la musique bruitiste mais demeure au cœur d’un réseau d’énigmes géoculturelles : par quel miracle se retrouve-t-il à l’origine d’un bouleversement international né dans des contrées perdues néo-zélandaises et, dans un même mouvement, échappe-t-il à une reconnaissance locale ? Ses réflexions « pluridisciplinaires » démontrent une certaine érudition mais surtout une volonté pugnace de remettre les choses en question.
Elodie Lesourd - Hyperrockaliste
Entretien avec Elodie Lesourd.
L’Éden en hiver : Katherine Mansfield à Menton
Katherine Mansfield est née le 14 octobre 1888 à Wellington, en Nouvelle-Zélande, le « pays des nuages blancs », dont elle deviendra l’écrivain emblématique.
Jérôme Allavena
De sa formation en bande-dessinée à l’EESI d’Angoulême, Jérôme Allavena semble n’avoir conservé qu’un goût certain pour la ligne claire. Il n’est plus question de la cerner par des cases bien droites, de l’agrémenter de bulles bien cadrées, mais de la laisser au contraire s’épanouir. La pratique du dessin est centrale dans le travail du jeune artiste ; mais un dessin élargi. Il utilise le crayon ou l’encre de Chine ou la vidéo, le dessin sans l’usage de la main l’intéressent également. Ses supports sont divers, allant du calque à la table lumineuse en passant par le tissu d’ameublement. Enfin, sa pratique oscille entre un goût pour le dessin technique, les plans de montage d’outils ou de figurines, et une pratique manuelle qui donne au dessin un caractère légèrement tremblé, visible uniquement lorsqu’on s’en approche.
Un théâtre silencieux Le Montreux-National acte I, scène 1-6
« Le Montreux-National acte I, scène 1-6 », octobre 2007, série de 70 photographies, tirage couleur sur papier contrecollé sur aluminium. Depuis 2007, Julie Langenegger Lachance immortalise les différentes phases du chantier du Montreux-National, l’un des premiers grands hôtels montreusiens, érigé en 1873-1874 par les archi- tectes Ernest Burnat et Charles Nicati dans la grande tradition des palaces de l’hôtellerie suisse. Tout au long de la « Belle Époque », cet établissement accueillit l’aristocratie et la haute société de l’Europe d’alors. Par son style, et tout particulièrement ses hautes toitures ornées de cheminées en briques, il s’inspire des châteaux français de la Renaissance. Cet emblème du faste connaît actuel- lement une importante transformation architecturale. Abandonné depuis les années 70, il se mue en un luxueux complexe immobilier.
Zorzi Baffo, patricien et poète pornographe de Venise
Zorzi Alvise Baffo est né en 1694 à Venise. Il est donc à peu près contemporain de Vivaldi, de Goldoni ou des peintres Tiepolo et Guardi. La génération qui précède directement celle de Casanova et Da Ponte. Zorzi Baffo appartient à une famille noble de vieille souche, l’une des soixante-quatre entrées dans l’ordre des Quarantie avant 1297, qui appartenaient de droit au Grand Conseil de la République1. À ce titre, Baffo accède à ce Grand Conseil dès 1714.
Voyager autour
L’hiver dernier, je marchais d’un pas rapide sous les portiques animés de la rue du Pô de la ville de Turin. Il faisait froid et je cherchais à me réfugier dans un café lorsque quelqu’un m’a dit que, durant l’hiver 1794, Xavier de Maistre avait écrit Voyage autour de ma chambre dans une pièce de cette vieille rue.