Bernard-Marie Koltès

Lettre d’Afrique

par Bernard-Marie Koltès

Camarade, Il m'arrive de craindre une vraie fatalité de l'histoire sur les destins individuels : suffit-il d'une option intellectuelle (même doublée de militantisme) pour que son propre destin soit changé? - ou : suffit-il d'être communiste2 pour être dans le camp révolutionnaire?

L’héritage - Trois extraits inédits

par Bernard-Marie Koltès

L'Héritage, écrit en 1972, est la première pièce de Bernard-Marie Koltès entièrement originale. Les trois premiers essais théâtraux de l'auteur, Les Amertumes, La Marche et Procès ivre ayant été respectivement inspirés par Enfance de Gorki, le Cantique des Cantiques, et Crime et châtiment de Dostoïevski.

Des lieux privilégiés

par Bernard-Marie Koltès

Ce texte de Bernard-Marie Koltès est la version revue par l'auteur d'un entretien accordé à Jean-Pierre Hàn au cours de l'été 1982. Il avait paru en avril 1983 dans une livraison d'Europe intitulée «Le théâtre par ceux qui le font». Ce numéro étant depuis longtemps épuisé, il nous a semblé utile de porter ces pages à la connaissance de nouveaux lecteurs.

L’oeuvre et son lecteur

par Sarah Hirschmuller

«Car si je comprends d'où je tire mon plaisir, je ne comprends pas d'où vous tirez le vôtre»'. Cette question - masquée, mais question tout de même - du Client au Dealer, il semble que ce soit l'oeuvre tout entière qui la pose à son lecteur. Passée la première lecture, sidérante au point qu'elle oblige le lecteur à suspendre tous les lieux habituellement suscités en lui par un texte, à suspendre jugement, plaisir ou déplaisir, connivence ou au contraire constats d'étrangeté, vient le temps de la rage, de l'intolérance à ce qui de pièce en pièce le blesse, le frustre.

Le Pas

par Jean-Pierre Sarrazac

L'auteur de Quai ouest et celui d'En attendant Godot ont en commun une curieuse façon d'attenter aux bienséances et à la dignité de leurs personnages : d'entrée de jeu, ils braquent leur regard - et, donc, le nôtre - sur les pieds de leurs créatures.

Quand Abad m’a parlé - Entretien avec Isaach de Bankolé

par Jean-Yves Coquelin, Isaach de Bankolé

Isaach de Bankolé, acteur de théâtre et de cinéma, a connu Bernard-Marie Koltès lorsqu'il a joué Abad de Quai ouest sous la direction de Patrice Chéreau. Il a ensuite interprété le dealer lors de la création de Dans la solitude des champs de coton et le grand parachutiste noir du Retour au désert.

Point de fuite à l’horizon

par Jean-Yves Coquelin

Remuants. Le théâtre, les récits de Koltès sont remuants. Au point de donner parfois le tournis. Ça circule, ça échange, ça troque, ça déambule, ça se cogne aux murs, ça se faufile dans le labyrinthe des villes, des déserts, des prisons, des images et des mots.

L’argent comme purgatoire - A propos de Quai Ouest

par Adel Hakim

Sans doute n'y a-t-il que l'écriture d'un grand dramaturge pour retraduire avec autant d'évidence, en dehors des discours, des analyses théoriques, seulement par des sensations, des situations de chair, de rêve, de douleurs, la réalité, dans toute sa profondeur et sa complexité, d'un monde, le nôtre, celui de la rue, celui des classes sociales, celui d'individus qui tout en se côtoyant vivent dans des mondes parallèles, de gens qui semblent se parler, qui semblent avoir commerce les uns avec les autres mais qui dans tous les cas ne peuvent se comprendre parce que leurs repères et leurs valeurs, leurs besoins et leurs quêtes sont de natures radicalement différentes, même si au bout du compte ils doivent se rejoindre dans la mort. Avec cette question qui les harcèle tous : y a-t-il seulement une vie avant la mort

Jouer Abad

par Adama Niane

Dans Quai ouest, le personnage d'Abad ne parle pas ou du moins le spectateur n'entend pas les mots qu'il chuchote. Ce n'est pas un personnage muet, c'est un personnage dont le texte, les pensées, le intentions restent secrètes. Adama Niane a joué Abad dans la mise en scène d'Elisabeth Chailloux au Théâtre des Quartiers d'Ivry (février-mars 1997). Il nous a semblé intéressant de savoir ce qu'il pensait de son personnage et de Quai ouest. Et donc de lui donner la parole. Remarque : Adama pratique très sérieusement le kung-fu, un art que Koltès appréciait particulièrement.

Boulevard des solitudes

par Anne Thobois

Des années maintenant qu'il m'accompagne, presque dix, durant lesquelles jamais je n'ai bouclé un sac sans y glisser un de ses textes, afin de pouvoir à tout moment et quel que soit l'endroit où je me trouve, ouvrir au hasard La Nuit juste avant les forêts, La Fuite à cheval très loin dans la ville ou Combat de nègre et de chiens.

Climats d’une écriture - Le Retour au désert

par Daniel Lemahieu

Pièce grave , pièce gaie. La pièce se situe à la fin de la guerre d'Algérie («au début des années soixante»), à Metz, dans un milieu de la bourgeoisie de province. Au coeur de cette famille bourgeoise (Adrien Serpenoise, industriel, son fils Mathieu, sa seconde femme, Marthe Rozérieulles, soeur de la première femme d'Adrien, Marie, décédée) surgissent une intruse et deux intrus, bien que faisant partie de la famille (Mathilde Serpenoise, soeur de l'industriel Adrien, Fatima et Edouard, fille et fils de Mathilde).

Koltès ou l’adolescence retrouvée

par Catherine Marnas

Comme beaucoup, j'ai découvert Koltès à travers les mises en scène de Chéreau : Combat de nègre et de chiens, Dans la solitude des champs de coton, Quai ouest..., et comme beaucoup, évidemment je me suis dit qu'il y avait là un auteur formidable. Et puis, un jour, au TNP de Villeurbanne où je travaillais à l'époque, je découvre Roberto Zueco qui n'est pas encore édité et que Michel Piccoli est venu lire. Je tombe en arrêt devant la scène 8 intitulée «Juste avant de mourir», et plus particulièrement sur ces mots.

Transparence de Zucco

par Joseph Danan

Qui est Roberto Zueco? A y bien regarder, les rares indices que nous possédions viennent de ce que nous savons de son modèle, Roberto Sueco. Encore Koltès s'est-il davantage attaché à les gommer qu'à les étoffer, à les «neutraliser» qu'à les singulariser. Premier effet de transparence : Zueco est Monsieur-tout-le-monde (en plus beau).

Babylone de tous les martyrs - A propos de Prologue

par Jean-Marc Lanteri

Situé dans une contrée imaginaire, une Babylone de fantaisie, Prologue a pour héros Mann, un personnage peu défini dans ses contours mais doté d'un patronyme éminemment symbolique. Ce garçon, vagabond ou clochard, accroupi sous un arbre vaguement biblique, est affublé de la brève syllabe de son nom par une touriste américaine de passage à Babylone. C'est à partir de ce baptême que va se déployer l'aura singulière de Mann, comme s'il devenait le parangon d'une race imaginaire où se fondent toutes les visions d'utopie de Koltès, les visions d'Afrique comme les visions d'altérité.

Neuf remarques sur l’intime et la blessure secrète

par Christophe Triau

«Il n'est pas à la beauté d'autre origine que la blessure, singulière, différente pour chacun, cachée ou visible, que tout homme garde en soi, qu'il préserve et où il se retire quand il veut quitter le monde pour une solitude temporaire mais profonde. Il y a donc loin de cet art à ce qu'on nomme le misérabilisme. L'art de Giacometti me semble vouloir découvrir cette blessure secrète de tout être et même de toute chose, afin qu'elle les illumine.» (Jean Genet, L'Atelier d'Alberto Giacometti)

Le cinéphile

par Carlos Bonfil

Le cinéma a été un des enthousiasmes les moins secrets de Bernard-Marie Koltès, et pourtant un des moins connus de ceux qui n'ont guère vécu près de lui. Certes, on connaît son texte sur Le Dernier Dragon, et ses réflexions sur l'art de Bruce Lee, ainsi que son scénario Nickel Stuff. Mais ses goûts de cinéphile, sa prédilection pour le cinéma américain et son plaisir devant les navets dans les vieilles salles bruyantes du quartier de Barbes comme le mythique Louxor, demeurent méconnus, bien qu'ils aient eu un impact certain sur son travail d'écrivain de théâtre.

Terres étrangères

par Laurent Gaudé

De Koltès, j'ai entendu parler. Articles. Portraits. Enregistrements radiophoniques. Interviews. Récits de gens qui l'ont connu, aidé, admiré. Et petit à petit j'ai construit un personnage fantôme, collage incertain de tous ces bouts de récits assemblés, un personnage qui n'est peut-être pas si loin de ce qu'il fut réellement. Ou peut-être à des années-lumière.

Repères chronologiques

par Jean-Pierre Han

Introduction à la poésie de l’Amérique Centrale

par Roberto Armijo

Il est impossible de parler de la poésie de l'Amérique centrale sans évoquer Rubén Darío, la plus haute figure du Modernisme, le véritable créateur d'une tradition poétique d'importance hispanoaméricaine. Son génie tutélaire a marqué plusieurs générations de poètes d'Amérique et d'Espagne.

Poètes d’Amérique Centrale

par Isaac Felipe Azofeifa, Pablo Antonio Cuadra, Ernesto Cardenal, Roberto Sosa, Roque Dalton, Pedro Rivera, Roberto Armijo, Claríbel Alegría, Jorge Debravo, Alfonso Chase, Macarena Barahona, Ana Istarú

Epique et romanesque chez Primo Levi

par Claudio Magris

Les grands livres naissent presque toujours d'expériences et de nécessités qui transcendent la pure littérature; ils naissent des défis auxquels la réalité accule l'individu, des interrogations devant lesquelles elle le place, d'une situation -tragique, heureuse ou comique - dans laquelle c'est le sens même de l'existence qui est en jeu.

Primo Levi

par Primo Levi

Le dernier Noël de guerre.

Rencontre avec Bernard Noël

par Bernard Noël

Après les Extraits du corps (1958), repris dans Poèmes, c'est le scandaleux Château de Cène, publié sous pseudonyme en 1969, repris aujourd'hui dans la collection «L'Imaginaire», qui fit connaître Bernard Noël à un cercle d'initiés. Par le banc des accusés, et la censure. Mais aucune sensure (mot de Bernard Noël) n'arrête une oeuvre en cours. Et celle-ci s'est construite pierre par pierre.

A quoi ça ressemble Bernard Collin

par Bernard Chambaz

Depuis Centre de vous (1960, un jour de tempête en Normandie), Bernard Collin a publié une dizaine de livres dont Sang d'autruche (Mercure de France), Premiers pas sur la terre radieuse (Fata Morgana) et un livre peint - Picti libri - aux éditions La Sétérée. Récemment paru chez Ivrea, Perpétuel voyez Physique a inspiré ces pages à Bernard Chambaz.

La vie et la mort

par Pierre Gamarra

L'aujourd'hui blessé, c'est le titre d'un recueil qui nous dit les souffrances et le combat de femmes emprisonnées et déportées sous la dictature stalinienne (Ed. Verdier ')• De femmes qui furent pour beaucoup soviétiques, communistes, responsables politiques parfois, et que l'impitoyable étau commandé par l'autocrate, allait broyer dans des conditions qu'en vérité, on connaît mal.

Vision dantesque et vision virgilienne

par Charles Dobzynski

Primo Levi, Attilio Bertolucci

Des comédiens à leur affaire

par Raymonde Temkine

Ce sont les théâtres privés qui, traditionnellement ouvrent la saison, et beaucoup d'entre eux c'est pour la mise à la scène - remise plutôt- d'auteurs du siècle dernier ou de l'avant-première guerre du nôtre. Le handicap de l'usure du temps dont souffrent nombre de ces pièces ne peut être compensé que par l'inventivité de la mise en scène et le talent des comédiens. Ainsi Amoureuse de Porto-Riche (Studio des Champs-Elysées) pourrait peut-être nous intéresser encore si la comédienne prenait en charge les désirs et les émois d'une épouse, ce qui nous semble naturel et légitime aujourd'hui, mais dont est gêné un mari d'alors et fut scandalisé le public bien-pensant. Las ! Emmanuelle Devos est de bois, ne ressent rien, n'exprime rien.

Cerise amère

par Raphaël Bassan

Libéré in extremis par la censure iranienne, Le Goût de la cerise d'Abbas Kiarostami reçut au dernier festival de Cannes une Palme d'or des plus légitimes (récompense partagée avec L'Anguille, de Shohei Imamura).

Sur les pas du romantisme allemand

par Martine Cadieu

Pourrait-on imaginer Franz Schubert, le «Wanderer», errant sur les bords de la Nivelle, entre le gris de l'horizon et le bleu doré de Ciboure, là où l'esprit de Ravel danse sur la vague? Plus insolite encore - à moins d'être Mauricio Kagel qui entretient une correspondance avec lui ! - d'entrevoir Brahms entre les pins retournés par le vent, les tamaris légers, l'envol des sables, soie et velours, au long des rives de Saint-Jean de Luz, clarté calme, lumière changeante.

Rouge de Russie

par Jean-Baptiste Para

A Saint-Pétersbourg, le «Rousski Mouzeï» a présenté ces derniers mois une remarquable exposition intitulée Le rouge dans l'art russe. Des icônes des écoles de Novgorod et de Pskov aux avant-gardes du XXe siècle, c'est un vaste flot écarlate qui irrigue les oeuvres, une vague qui enfle ou décroît au cours des âges mais qui vient encore illuminer le grand Taureau rouge d'Alexander Sitnikov, en 1979.

Douceurs de Prud’hon

par Michel Delon

Le Petit Larousse que je feuilletais, enfant, contenait une page d'illustration consacrée à la peinture. C'était de petites reproductions en noir et blanc. Parmi elles figurait La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime