Savoir-faire

Éloge de la virtuosité ?

par Sylvette Babin

Le 20e siècle de l’art, qui a vu naître le readymade et l’art conceptuel, a été marqué par une rupture avec les traditions et une remise en question de la place du savoir-faire technique dans l’œuvre d’art. Au cours de cette période, le lieu même de l’atelier a été délaissé par des artistes nomades privilégiant un art in situ ou éphémère à travers des pratiques faisant appel à l’expérience, au processus et au dispositif, tandis que l’avènement des nouvelles technologies contribuait à l’effritement de la matérialité de l’objet. Ces multiples approches qu’Yves Michaux a ironiquement nommées « l’état gazeux de l’art » seraient-elles en train de s’estomper au profit d’un retour en force du savoir-faire et de l’objet fait main ?

Requalification : la réhabilitation des habiletés

par Luanne Martineau

Savoir-faire - À la fin du siècle dernier, la pratique postatelier (le post-studio art) a transformé l’art en achevant le lent mouvement de déqualification (deskilling) des pratiques artistiques en atelier amorcé à l’ère industrielle. Avec la déqualification, l’atelier est devenu synonyme d’ennui et de manque de rigueur intellectuelle, et en dépit des sympathies socialistes de l’avant garde, la déqualification a consommé l’écart entre la modernité et le travail. L’article est un point de vue personnel sur certaines positions et certains présupposés associés aux idées de déqualification et de requalification (deskilling et reskilling), une critique qui s’inspire à la fois de la pratique de l’artiste en atelier et de ses recherches universitaires.

Technique et tradition sens dessus dessous

par Stephen Horne

Savoir-faire - Cet article explore le thème des transformations en abordant la question de l’artisanat, de la technique et de la tradition dans le milieu de l’art contemporain. On y explore aussi le concept du « bien fait » en tant que critère de valeur pour les œuvres d’art. L’auteur illustre son propos en se penchant sur cinq expositions montréalaises récemment présentées par des artistes qui entremêlent les exigences apparemment contradictoires de la mémoire et de l’innovation, en investissant l’imprévisible et le vide à la fois comme but et comme pratique artistique.

Manipuler les paradoxes techniques et théoriques du moulage

par Katrie Chagnon

Savoir-faire - Cet article se penche sur le statut particulier du moulage, un savoir faire technique qui fait l’objet aujourd’hui d’une double revalorisation : dans les pratiques artistiques et dans la théorie. L’auteure remet en question le paradigme anthropologique de l’empreinte élaboré par l’historien de l’art Georges Didi-Huberman en montrant qu’il ne suffit pas pour rendre compte du travail diversifié des artistes actuels. Dans ce contexte, elle examine le travail de trois praticiennes du moulage dont les œuvres échappent au discours mélancolique de l’empreinte : Rachel Whiteread, Valérie Blass et Chloé Desjardins. L’analyse se concentre principalement sur la production de cette dernière.

Savoir-faire : interventions actuelles sur un objet de porcelaine traditionnel

par Dominique Allard

Savoir-faire - Ce texte propose d’interroger le remploi de la technique artisanale de l’objet de porcelaine dans la pratique actuelle des artistes Shary Boyle, Laurent Craste et Brendan Lee Satish Tang. Tout en respectant le processus technique qu’impose la fabrication de porcelaine, les œuvres de ces trois artistes se distinguent pourtant de l’objet traditionnel. Par l’altération de la présentation matérielle et du vocabulaire iconographique réservés à l’objet décoratif, les artistes défigurent une tradition dans laquelle ils s’inscrivent, et révèlent ainsi la portée critique et heuristique de l’œuvre.

Dé-concevoir : Serge Murphy, l’architecture et le temps ressenti

par Emily Rosamond

Savoir-faire - Cet article analyse l’exposition La forme des jours de Serge Murphy, présentée au Musée des beaux-arts de Montréal du 22 juin au 2 octobre 2011. En retranchant des objets du quotidien leur valeur utilitaire, Murphy se trouve à les « dé concevoir » pour mieux examiner les rapports entre décoration, déchets, surplus et espace moderne intérieur. Disposés de façon dense et linéaire, ses bas reliefs deviennent aussi des moyens d’explorer les liens entre le temps représenté comme une progression linéaire et ses qualités hétérogènes, rythmiques et ressenties.

Quand l’estomac est plein, le cerveau commence à réfléchir : artisanat et critique dans l’œuvre de Daniel Halter

par Andrew Hennlich

Savoir-faire - L’artiste zimbabwéen Daniel Halter se tourne vers la fabrication artisanale d’objets décoratifs pour mettre en question l’expropriation et l’inflation dont son pays est la proie depuis que Robert Mugabe est au pouvoir. En me référant au discours de Walter Benjamin sur l’haussmannisation, je soutiens ici que le fait pour Halter de se tourner vers la production de tels objets a pour effet de préserver la trace du travail et de la valeur dans l’économie dévaluée du Zimbabwe. Ce faisant, le travail de Halter soulève également la question des relations qui unissent l’Europe et l’Afrique par l’intermédiaire des objets d’artisanat jetables, et souligne la consommativité du capitalisme occidental ainsi que le problème d’accès à la propriété terrienne au Zimbabwe.

I am walking in a Room Art sonore et dévoilement

par Owen Chapman

Le concept d’art sonore est examiné à partir de la thèse de Heidegger sur la technologie et le « dévoilement ». L’auteur présente des cas, les commente et les accompagne d’un choix de citations glanées au cours d’entrevues. Le concept d’« art sonore » est exploré dans son hétérogénéité, qui n’offre comme ressources explicatives que des exemples multiples et divergents – ce qui complique singulièrement les tentatives de tracer des démarcations du point de vue de la forme. La notion de dévoilement ouvre sur un lieu où les discussions au sujet de ce que différentes pièces font en réalité peuvent rejoindre certaines questions de typologie plus vastes.

Sans-dessein comme sans destin

par Michel F. Côté

Affaire de zouave