L’art, aujourd’hui, est de plus en plus hanté par la disparition de l’œuvre. Cette chose unique à vénérer, à méditer ou à contempler appartient de moins en moins à nos pratiques artistiques. Est-ce dire pour autant qu’il n’y a plus d’art ? D’une certaine manière, l’art en a fini avec l’art, ce qui veut dire avec ce que nous avions pris l’habitude de nommer art. On garde un nom – l’art – mais, fondamentalement, le contenu n’est plus le même. Les pratiques artistiques elles-mêmes désertent la notion d’« œuvre » et toute la conception de l’art qui l’accompagnait. Que l’on s’intéresse à l’Arte Povera, au Pop Art, aux happenings ou aux installations, on se retrouve face à des interventions, des propositions ou des parcours d’artistes qui veulent rapprocher l’art de la vie. Quelle est alors la place de l’expression dans un tel scepticisme face à l’œuvre ? L’œuvre a-t-elle pour autant définitivement disparu ?
Disparition | Disappearance
La disparition de l’œuvre
L’invisibilité pour ne pas disparaître
L’œuvre tangible a disparu de certaines expositions d’art contemporain. Loin d’être synonyme d’insignifiance ou de fin de l’art, cette disparition est plutôt le moyen pour les artistes de montrer que l’invisibilité dans des expositions parfois littéralement vides est l’occasion de produire d’autres images. En se détournant du perceptuel, ils permettent aux visiteurs de participer à la production de l’œuvre et de construire des images moins liées au visuel qu’au mental, à l’imaginaire ou à la mémoire. Seul le visiteur qui n’aura pas su voir l’espace d’exposition comme un espace de fiction en déduira une réelle disparition.
Les attracteurs étranges
L’installation interactive Les attracteurs étranges de François Quévillon s’articule autour de notions reliées à l’équilibre instable à travers un système ouvert mettant en relation des flux de matière, d’énergie et d’information. Y sont actifs des principes antinomiques qui interrogent la conscience perceptive dans ses retraits plus sensibles. Jouant de registres visuels qui vont du visible à l’invisible (du réel à l’illusion), l’œuvre opère dans une temporalité double qui se déploie par de discrets événements qui se produisent à même une fine brume en constante ondulation. Tel un puits de vision, elle offre au visiteur un point de contact inframince entre deux réalités où identité et altérité se confondent dans le glissement des apparences.
Récit d’une disparition
Ce texte revient sur l’installation de Gregor Schneider intitulée Süßer duft, présentée à Paris en 2008. L’expérience esthétique proposée par l’artiste allemand est également une expérience physique et émotionnelle. La singularité du dispositif repose sur une double mise en scène : celle de l’espace et celle du spectateur. Isolé, abandonné à son propre sort, ce dernier est confronté à l’emprise de ses sens et de son imagination. Notre lecture de l’œuvre accompagne le spectateur dans cette aventure qui le conduit vers sa propre disparition.
Au delà de la chambre noire
Sur le travail de David K. Ross
Disparaître, et emmener le spectateur avec soi
En 1974, l’Islandais Hreinn Friðfinnsson (né en 1943) décide d’ériger une petite maison inversée dans une zone inhabitée de l’île. Selon le souhait de l’artiste, la localisation précise de cette œuvre ne fut jamais communiquée, et Project House devint dès lors une œuvre mentale, instaurant une relation complexe avec le spectateur. En effet, en se tenant à l’extérieur d’elle, ce dernier se trouve en réalité à l’intérieur de l’œuvre, tout comme nous tous. Nous nous pencherons donc sur la question de la disparition de l’œuvre mais aussi du spectateur, partie prenante de l’œuvre sans pourtant jamais l’avoir vue.
L’image politique : art et disparition
Ce texte s'inscrit dans le contexte d'une discussion qui vise à mettre en rapport des catégories esthétiques avec des catégories de la philosophie politique pour comprendre les situations vécues par les populations sous les régimes dits « totalitaires ». Le texte porte sur le problème de la disparition, phénomène qui a été considéré, selon la théorie des totalitarismes, comme l'un des plus pratiqués par les régimes totalitaires, celui de la stratégie policière qui efface toutes les traces d'une victime d'un crime politique, pour empêcher toute possibilité d'une reconnaissance postérieure du crime.
Portfolios
Raphaëlle de Groot — Le dessein des restes Daniel Olson — Famous Disappearing Act Eve K. Tremblay — Devenir Fahrenheit 451
Shu Yong : l’entremetteur des corps
En regard des dénonciations d’usage concernant le contrôle médiatique en Chine, l’œuvre de Shu Yong offre l’occasion de renouveler la perspective communément adoptée en Occident lorsqu’il s’agit de traiter du mediascape chinois. En mandarin, le mot « media » a été traduit par 媒体, meiti, qui signifie littéralement : « l’entremetteur des corps ». D’une certaine façon, l’œuvre de Yong s’emploie à interroger l’élément médiatique, au confluent de l’organique et de l’incorporel. Avec elle, l’occasion est belle de se demander, entre censure gouvernementale et pratiques médiatiques hypermodernes: comment la Chine actuelle fait-elle corps ?
Un art de passage et des territoires en mutation
Le texte qui suit est une entrevue avec Daniel Buren, de passage à Québec à l’occasion du dévoilement de son installation in situ Géométrie dans l’espace : transparences, projections, couleurs [volets 1 et 2] (2008), présentée au Musée national des beaux-arts du Québec. Dans le cadre de l’exposition C’est arrivé près de chez vous, organisée par la commissaire Nathalie de Blois, l’entretien qui a eu lieu en décembre 2008 au MNBA, a porté, entre autres, sur l’art et l’argent, le rôle des artistes de la relève dans le contexte actuel et la durée de vie des concepts artistiques.
Duchamp a-t-il tué la musique ?
L’ensemble des écrits de Duchamp révèle un artiste préoccupé par la musique. Cet article analyse le corpus musical de l’inventeur du ready-made et montre que sa production musicale, d’une nature radicalement différente, vient perturber l’ordre établi. On sait que Duchamp émet de sérieuses réserves à l’égard du regardeur qui fait le tableau. Dans sa musique, il vise à présent l’auditeur et ce que celui-ci prend pour objet de jouissance esthétique. Par la « musique conceptuelle », Duchamp va bâtir une entreprise de déconstruction des paradigmes essentialistes et structuralistes de l’œuvre musicale pour parvenir à la disparition des médiateurs de la musique.
Au seuil du visible
L’enjeu du comment montrer et du comment voir n’a jamais été plus insolvable ni plus fascinant qu’à l’ère du totalitarisme visuel. L’image vidéo issue de cette veine vorace et polyvalente est devenue un vecteur privilégié pour réfléchir le sort du visible dans les arts actuels. Cependant, ce n’est qu’au prix de l’orchestration de sa propre perte qu’elle pourra rétablir une conscience des conditions de l’expérience esthétique de l’œuvre. À cette fin, il est essentiel de blesser la surface lissante de l’image pour en restaurer la profondeur, rôle attribué au dispositif critique comme nouveau cadre pour l’image vidéo. Plus avant dans l’interstice qui lie le regard et l’image, nous dépasserons l’étude des dispositifs d’installation longuement parcourus pour nous pencher sur les autres résistants : ceux qui accompagnent les artistes, qui agissent en marge de l’œuvre pour en extraire le sens qui rendra justice et justesse à l’acte de création.
À qui appartient cette réalité ? Performance et politique dans deux œuvres de Claudia del Fierro
L'auteure analyse deux vidéoperformances de Claudia del Fierro, ayant respectivement pour titre Identica (2000) et Politicamente Correcto (2001). Selon une approche de l'art comme engagement social, del Fierro brouille les frontières entre l'art et la vie dans ses performances, tout en abordant des questions d'intérêt politique et social. L'auteure fait référence à l'argument de Hal Foster dans son ouvrage intitulé Le retour du réel, à savoir que l'avant-garde s'aligne sur les groupes marginalisés dans une stratégie de contestation; elle se demande si del Fierro réussit vraiment à combler le fossé entre l'artiste et l'Autre, ou si elle ne fait que réaffirmer le mythe populaire de l'artiste en tant qu'outsider transgresseur.
Intrus / Intruders
Sur l'exposition Intrus / Intruders présentée au Musée national des beaux-arts du Québec
Affaire de zouave
Vers le bas
Expositions
Vides. Une rétrospactive – Centre Georges Pompidou Mark Wallinger curates: The Russian Linesman – The Hayward Gallery Monika Weiss – Galerie Samuel Lallouz Irene F. Whittome – Galerie Simon Blais Germaine Koh – The Charles H. Scott Gallery Isabelle Pauwels – Presentation House Gallery As Much as Possible Given the Time and Space Allotted – Galerie Leonard & Bina Ellen Inter- - Galerie VAV
Publications
ATSA : quand l’art passe à l’action – ATSA Les échos du Refus global – Les éditions Michel Brûlé FONCTION/FICTION.L’image utilitaire reconfigurée – Dazibao Tim Clark : Reading the Limits. Works/oeuvres, 1975-2003 – Galerie Leonard & Bina Ellen