Témoin des préoccupations écologiques du monde, l’art actuel se fait de plus en plus engagé. Le tournant végétal qui l’accompagne et qui ouvre sur un foisonnement d’œuvres orientées vers la nature nous rappelle peut-être différents moments de l’histoire de l’art, du naturalisme du 19e siècle à l’art environnemental des années 1960-1970. Aujourd’hui, toutefois, cette tendance se manifeste surtout par un désir de collaborer étroitement avec les paysan·nes, les agricultrices et les agriculteurs, pour mettre de l’avant leurs préoccupations communes concernant l’exploitation de la terre.
Agriculture
Prendre le champ
Les pieds sur terre : la politique de la plantation sur des territoires occupés
Après ma première visite à la ferme Om Sleiman, sur la route du retour vers Ramallah, j’ai demandé à Yara de me parler de son rapport à l’art. Elle m’a répondu qu’elle ne se considérait pas comme une artiste, mais bien comme une agricultrice militante et une éducatrice. Pourtant, depuis qu’elle a commencé à demander – et à obtenir – des bourses dans le secteur des arts pour mener à bien ses projets de recherche, ses activités s’inscrivent dans un nouveau domaine. Son cas particulier semble refléter une tendance plus vaste; parmi les Palestinien·nes œuvrant au carrefour de l’agriculture, de l’environnementalisme et de l’art, on retrouve aussi Mohammad Saleh (de Mostadam Eco Design) et Baha Hilo. Au fil de ma discussion avec Yara, j’ai appris que cette rencontre entre l’art et l’agriculture se doterait d’une nouvelle dimension au festival Foraging Fireflies, dont Shayma Nader et elle étaient cocommissaires, qui était organisé par SuperMelon1, une nouvelle initiative artistique visant à jeter des ponts entre la culture et l’agriculture et à sensibiliser la population aux activités quotidiennes liées à la terre et à son exploitation. Si elles peuvent sembler anodines, ces pratiques ont néanmoins une portée politique de taille.
Le faire incommun de l’agriculture
Par un frais matin gris de janvier dernier, nous grimpons tant bien que mal à bord d’un VUS noir. Après quelques détours involontaires sur les autoroutes tortueuses qui relient la cité tentaculaire à sa périphérie (population : huit millions), nous arrivons à la réserve naturelle Thomas van der Hammen, à Suba, sur la frange nord-ouest de Bogotá. Une courte promenade à travers les prairies ondulantes nous permet de rejoindre le site de Zanjas y Camellones (en cours depuis 2022), projet d’agroécologie collectif mis sur pied par María Buenaventura (artiste), Diego Bermúdez (architecte paysager), Liliana Novoa (éducatrice), Sabina Rodríguez (avocate), Lorena Rodríguez Gallo (archéologue) et Juliana Steiner (commissaire), en consultation avec hycha caca (ou abuela, l’ainée) Blanca Nieves Ospina Mususú. Ce projet multidisciplinaire consiste à recréer un fragment d’un ancien système agricole sur les terres du peuple muisca, qui, contrairement à la version officielle de l’histoire, a survécu à la colonisation espagnole et connait actuellement une résurgence.
Comment restituer la terre à elle-même ?
«Si l’on désire transformer les conditions de vie, imaginer de nouveaux modes d’existence et d’apprentissage dans un contexte de destruction climatique, il est essentiel de créer des cultures adaptées1», m’explique Erin Manning, cofondatrice (avec Brian Massumi) du projet anarchocommuniste écologies (3e), tandis que nous sommes assises sur son balcon à Montréal. Artiste et chercheuse, Manning repense les cultures – les habitudes et modes de vie – depuis plus de 20 ans dans l’optique de favoriser des rencontres plus qu’humaines.
De l’appropriation du territoire à la valorisation des terres agricoles
À l’aube du plus grand chantier législatif touchant le territoire agricole québécois, la valeur et, plus particulièrement, les processus de valorisation des terres arables sont reconsidérés à grande échelle. En effet, à l’été 2023, le gouvernement provincial a entamé une consultation publique visant à moderniser la loi qui protège les terres cultivables et les activités agraires depuis 45 ans. Des voix s’élèvent de part et d’autre de la sphère politique pour se porter à la défense de la vocation agricole du territoire en le décrivant comme une ressource inestimable pour l’autonomie alimentaire des Québécois·es, ou pour faire valoir l’opportunité de développer les parcelles abandonnées ou incultivables. En parallèle avec les agriculteurs, les agricultrices, les politicien·nes, les penseuses et les penseurs mobilisé·es autour de ces enjeux, un nombre grandissant d’artistes s’engagent dans une réflexion collective pour imaginer le paysage agraire de demain.
Art Labor
Créé en 2012, Art Labor est un collectif basé à Hô Chi Minh-Ville, au Vietnam. Ses trois membres sont les artistes Thao Nguyên Phan et Truong Công Tùng et ` l’«ouvrière des arts» Arlette Qu`ynh-Anh Trân. Depuis sa création, le collectif travaille en étroite collaboration avec les Jaraï, une communauté autochtone des hauts plateaux du centre du Vietnam, afin de réaliser des projets interdisciplinaires évolutifs. Après la mise en œuvre des réformes Đôi Mói en 1986, le Vietnam est passé d’une économie planifiée à une économie de marché à orientation socialiste. Ce changement a conduit à une industrialisation et une modernisation rapides du secteur agricole en raison de la demande accrue du commerce international. Cela a également amené de nombreux agriculteurs et agricultrices vietnamien·nes et entreprises étrangères à s’installer dans les hauts plateaux centraux et occasionné le déplacement des communautés autochtones.
Michel Boulanger
Monique Mongeau & Guy Pellerin
Tête à tête
Andréanne Godin
Rencontres numineuses