En mouvement perpétuel, l’eau est aussi une archive planétaire de sens et de matière. Boire un verre d’eau, c’est ingérer les fantômes des corps qui la hantent. Quand nous soulageons nos vessies, nous rendons à la mer nos antidépresseurs, nos estrogènes de synthèse et nos excréments. Mais ce que nous rendons également à la mer, c’est le sens qui infiltre ces matérialités : la culture du jetable, la médicalisation, la déconnexion écologique.
Eau
Transformer nos corps d’eau en mouvements de résistance fluides
Nos hydro-communs violents
Le monde n’est pas un. Comme l’onde elle- même, les mondes sont irréductiblement pluriels. L’idée qu’une réalité unique existe devant nous – un monde à-un-seul-monde – n’est ni universelle ni naturelle; elle est née, comme le soutient l’anthropologue colombien Arturo Escobar, d’une histoire particulière, dont la conquête de l’Amérique est un jalon révélateur.
Recettes pour un avenir vivable
«Ce que nous faisons à l’eau, nous le faisons à tous les corps, y compris au nôtre1.» – Astrida Neimanis
Vertigo Sea et Typhoon Coming On
Un banc de méduses en suspens, des migrant·es entassé·es sur un radeau de fortune en mer tourmentée, les passagers et passagères d’un voilier solitaire qui profitent du spectacle du coucher de soleil, ce sont là trois scènes qui se juxtaposent dans Vertigo Sea (2015), une installation vidéo de l’artiste britanno-ghanéen John Akomfrah.
L’écoute en profondeurs
En écrivant le livre Deep Listening : A Composer’s Sound Practice (2005), la compositrice et théoricienne de la musique Pauline Oliveros cherchait à attirer notre attention sur la relation symbiotique entre le son et son environnement. Elle l’a poétiquement énoncé ainsi : «Lorsque vous écoutez, les particules de son décident d’être entendues1.» Elle a défini l’«écoute profonde» comme un état de conscience accrue qui nous connecte à tout ce qui existe – l’écoute simultanée de plus d’une réalité.
Isabelle Hayeur
Ayant grandi aux abords d’une rivière polluée, Isabelle Hayeur a développé un rapport personnel avec l’eau. Sa préoccupation pour la santé des cours d’eau l’a amenée à y consacrer plusieurs séries photographiques et vidéo- graphiques. Naviguant entre le politique et le poétique, sa pratique de l’image documentaire offre un portrait des rela- tions humaines avec les milieux aquatiques qui témoigne de différents états de dégradation et efforts de préservation.
Wangechi Mutu
C’est viscéral. L’exposition Intertwined de Wangechi Mutu, présentée au New Museum, à New York, déborde de fabu- lations résolument posthumaines et afrofuturistes : des cyborgs extrater- restres, des êtres iconiques polygenres à la fois animaux et végétaux dont les frontières corporelles dépassent de loin les conceptions anatomiques classiques, et des identités fragmentées regorgeant de vibrations mystiques. Des collages multicouches colorés sur Mylar aux sculptures de chasse en passant par des installations vidéos évocatrices, le cor- pus de Mutu est aussi brillamment origi- nal qu’il suscite la réflexion.