Les fouilles de sauvetage de Zeugma (Turquie), menacée par la construction d’un barrage, ont révélé un site florissant dans les premières décennies du IIIe s. ap. J.-C., dont les maisons se sont dotées de somptueuses mosaïques, sans doute en grande partie réalisées par des équipes venues d’Antioche. Ces documents nouveaux sont riches d’enseignements iconographiques, socio-historiques et artistiques.
Mosaïque antique
Merveilles de Zeugma (Turquie)
Les historiens de la mosaïque
«Toute histoire d’un art est comparable à celle d’un végétal qui prend racine dans le terreau des collectionneurs, grandit grâce à la taille des praticiens et fleurit sous la plume des savants», disait Gaston Bachelard. L’histoire de la mosaïque fait apparaître une nouvelle fois cette évolution qu’il faut retracer en évoquant quelques grands noms.
Nouveaux regards sur les mosaïques des Gaules
Différents facteurs contribuent à porter un nouveau regard sur les mosaïques de sol en Gaule : ces vingt dernières années, la documentation archéologique s’est enrichie de découvertes relevées avec soin et associées à des contextes stratigraphiques précis ; la technique des mosaïques a été examinée avec une acuité particulière dans les ateliers de restauration ; enfin, le réexamen du matériel par des spécialistes d’autres disciplines a suscité de nouveaux questionnements. Le colloque de Toulouse en 2008 intitulé Décor et architecture en Gaule a bien mis en évidence cette moisson de données nouvelles et l’importance de la mosaïque comme élément structurant de l’espace.
Arles et ses sols antiques aux décors variés
De nombreux témoins attestent de la richesse décorative des édifices, thermes et demeures patriciennes, sur l’une et l’autre rive de la duplex Arelate d’Ausone, et ce sont les découvertes effectuées ces trente dernières années dans la partie méridionale de la ville antique et sur la rive droite du Rhône, à Trinquetaille, qui permettent de se rendre encore compte de la très grande diversité des sols et des décors qui constituaient le cadre de vie des Arlésiens, entre les IIe-Ier s. av. J.-C. et le IVe, voire le Ve s. ap. J.-C.
Nouvelles découvertes à Lambèse (Algérie)
Lambaesis, Tazoult en Algérie, ancienne capitale de la Numidie de la fin du IIe au début du IVe siècle est avant tout connue pour avoir été le siège de la IIIe Légion Auguste dont le grand camp militaire marque de sa présence, de nos jours, le site de Lambèse. Cet impressionnant vestige contraste avec le petit musée, modeste bâtisse construite en 1901, situé au coeur du village colonial. Il recèle cependant les plus spectaculaires mosaïques de l’Afrique romaine. Elles témoignent de la vitalité d’ateliers locaux qui se sont épanouis dans la région. Les nouvelles découvertes de la mission archéologique Lambèse (CNRA / CNRS-ENS, UMR 8546) confirment l’existence de ces ateliers à la production très originale, capables d’exécuter à la fois d’exubérantes compositions végétales mais aussi des tableaux figurés et mythologiques d’une remarquable qualité qui s’inspirent de la grande peinture hellénistique.
La Tunisie et ses écoles mosaïstiques
La Tunisie détient l’une des plus riches collections de mosaïques antiques au monde. Ces mosaïques aussi bien figurées que géométriques racontent les divers aspects de la vie quotidienne des populations romano-africaines entre le IIe et le VIIe siècles. Elles permettent également de suivre l’évolution de l’une des plus grandes écoles mosaïstiques du bassin méditerranéen.
Alexandrie et ses mosaïques grecques
La reprise de l’étude des collections anciennes, les fouilles entreprises à Alexandrie, et notamment les chantiers du Centre d’études alexandrines (CEAlex, dir. Jean-Yves Empereur, CNRS) ont permis de mettre au jour de nouvelles mosaïques et de renouveler les connaissances sur cet art typiquement grec. En collaboration avec le Conseil supérieur des Antiquités de l’Égypte, des travaux de conservationrestauration sont en cours pour rendre aux mosaïques d’Alexandrie la place qui leur revient dans l’histoire de ce décor architectural particulièrement prisé des Grecs dans les maisons et les palais.
Mosaïques romaines de Crète
Après la conquête romaine de la Crète en 67 av. J.-C., de nombreuses villes crétoises sont entrées dans une nouvelle phase de croissance. Parallèlement, de nouveaux centres, essentiellement des ports, ont pris de l’importance, rivalisant le long des nouvelles routes commerciales. C’est dans ces villes que, dès le début du IIe s. ap. J.-C., apparaît une production sans cesse croissante de pavements en mosaïque et qui atteint son apogée au IIIe siècle.
Sparte et ses ateliers à l’époque impériale
Dans le domaine de l’art, Sparte est surtout célèbre pour sa production artistique durant l’époque géométrique et archaïque, alors que les mosaïques sont moins connues. Lors de fouilles de sauvetage conduites dans la ville moderne de Sparte, près de 180 mosaïques de pavement ont été mises au jour, qui datent de l’époque hellénistique à l’époque paléochrétienne. La majorité, toutefois, est datée de l’époque romaine. Certains de ces pavements restent in situ alors qu’un grand nombre d’entre eux ont dû être déposés.
La Grèce continentale et ses mosaïques du IVe au VIe s. ap. J.-C.
La Grèce a connu une tradition continue dans l’art de la mosaïque de pavement depuis la fin du Ve s. av. J.-C. jusqu’à la fin de l’Antiquité Tardive. Nous allons voir ici que l’art des pavements décorés est particulièrement florissant dans cette région durant la période paléochrétienne, du IVe siècle jusqu’à la fin du VΙe siècle.
La mosaïque romaine au Proche-Orient. Nouveaux documents
Quelques découvertes récentes conduisent à préciser les principaux caractères de la mosaïque de pavement romaine dans les provinces antiques de Syrie, de Phénicie et d’Osrhoène, pendant les deux grandes périodes de développement de cet art (IIe- IVe et IVe-VIe siècles).
Dionysos maître des maisons hellénistiques
Dans les salles de banquet (andron ou oecus), simples ou riches, des maisons grecques à l’époque hellénistique, Dionysos règne en maître. Le banquet était l’une des formes de sociabilité des Grecs dans un espace privé et le maître de maison y accueillait ses amis pour le symposion, moment agréable de convivialité autour du vin. Sur les pavements, le dieu figure sous diverses formes, au moyen de diverses scènes qu’il faut savoir décrypter, comme les convives grecs qui partageaient la même culture.
Opus signinum un héritage de l’Antiquité
Contrairement aux mosaïques de tesselles, la technique de l’opus signinum a souvent été considérée comme une technique réservée aux pièces secondaires des maisons et fréquemment négligée dans les études scientifiques. Aujourd’hui, les découvertes de pavements de grande qualité, jouant principalement sur des effets de bichromie, ainsi que de nouvelles études scientifiques montrent l’importance de l’opus signinum dans l’histoire de la mosaïque.
Le travail des ateliers de mosaïstes
Une plus grande attention portée aux techniques des mosaïstes et la découverte de nouveaux documents permettent de se faire une meilleure idée de l’évolution des pratiques des ateliers, qui ont su trouver des solutions innovantes pour résoudre des problèmes d’ordre divers et s’adapter à l’évolution de l’architecture.
L’emblema d’Apollon et de Marsyas
Le 10 mai 2003, sous la responsabilité de Luc Long (DRASSM), le gisement «Riches Dunes 4» au large du Cap d’Agde (Hérault), connu par deux statues en bronze étudiées par Claude Rolley, livra un emblema en mosaïque à proximité d’une ancre sur laquelle étaient agglomérés des fragments de céramique sigillée arétine.
Conserver les mosaïques
Après une rapide évocation des restaurations de mosaïques dans l’Antiquité, on présentera l’évolution des méthodes actuellement mises en oeuvre et les problèmes qui subsistent. Les apports majeurs du Comité international pour la conservation des mosaïques (ICCM) seront ensuite abordés, ainsi que l’ambitieux programme coopératif MOSAIKON, qui vise à améliorer la situation à divers niveaux.
L’atelier de conservation et de restauration du musée départemental de l’Arles antique
Mis en place en 1991, l’Atelier est inséré dans le musée depuis sa création en 1995. Il s’articule autour de plusieurs axes : des travaux de conservation pour les musées ou les sites archéologiques, des actions de formation et de coopération dans le bassin méditerranéen et le développement d’interventions de médiation vers les publics.
L’atelier de restauration de Saint-Romain-en-Gal (Rhône)
La création de l’Atelier en 1981 a été motivée par la volonté de sauvegarder et de mettre en valeur les mosaïques de la Vienne antique. Sa mise en place a constitué un préalable à l’ouverture du musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal où sont présentés, depuis 1996, de nombreux pavements et enduits peints issus des deux rives du Rhône. Géré par les départements du Rhône et de l’Isère, l’Atelier est un établissement public; il fonctionne avec une équipe de six restaurateurs et occupe au sein du musée un vaste espace aménagé pour le traitement d’oeuvres de grandes dimensions. Après 30 ans de fonctionnement, les objectifs premiers se sont élargis: le champ d’intervention couvre aujourd’hui le cadre national et intègre des opérations ponctuelles pour l’étranger.
Les outils de recherche de la mosaïque antique
Depuis près de 50 ans, la communauté internationale des chercheurs intéressés par la mosaïque antique s’est organisée pour constituer des outils collectifs indispensables au progrès de leurs études. Utilisant les divers supports disponibles et selon leurs fonctionnalités, ces outils sont des publications de type traditionnel (corpus, actes de colloques, revues), des systèmes descriptifs multilingues, une bibliographie analytique spécialisée, des bases de données analysant les mosaïques et leur décor, ou donnant accès à une photothèque spécialisée. Si ces actions reposent souvent sur des initiatives individuelles au sein d’institutions, leur cohérence est assurée par l’Association internationale de l’étude de la mosaïque antique (AIEMA) fondée par Henri Stern en 1964.