Depuis des jours, nous cheminions, curieux, acharnés ou distraits, abandonnant à chaque aurore l’abri calfeutré des tentes endormies et la tiédeur accumulée au long d’une nuit bienveillante au creux de nos duvets, nos pas s’enchaînant dans l’étirement d’étroits sentiers escarpés, vertigineux, aux franges de…
Ailleurs
Apesanteur
Kerouac go home
Je ne traverserai pas la rue, je m’y refuse. Des jeunes pourraient mettre des drogues dans mon Yop. Je n’y tiens pas. Nul besoin de vérifier que je suis bien du bon côté. Cela fait suffisamment longtemps que je suis heureux d’habiter là où je suis et de n’en pas bouger. Qu’on ne m’accuse pas d’un...
Béranasi
C’était le premier jour à Vârânasî, ce Bénarès éveillé, pour quelques heures encore Bénarès. Il n’était que dix heures et nous prenions acte de la chaleur assommante comme un gage attendu au jeu du voyage. Pierre faisait l’intrépide, Florence reprenait ses marques, un peu d’élan, voilà, c’était maintenant. Nous...
Hamlet à Tokyo
Samedi 24 janvier. Arrivé fatigué, mais aucun problème dans les zones de jonction. Je crains un séjour éprouvant. Nous avons fait dans l’avion le bilan des représentations françaises avec Jean-Christophe. Il faut que le spectacle s’éprouve, dit-il. Le bus qui nous emmène de l’aéroport au centre de Tokyo ressemble à un...
(L)Ivre de papier
Les lettres s’appellent se divisent se multiplient coulent c’est en lisant à voix haute qu’aux tout premiers siècles de notre ère on pénétrait le sens de textes dépourvus eux aussi de ponctuation et même d’intervalles entre les mots je reviens donc vers cette origine mais que le lecteur bienveillant se rassure je n’irai pas jusqu’à...
Traces
Il y a de l’eau, de l’eau, et ça c’est vrai, et dans ta tête tu boucles, tu boucles, et tu ne fais que boucler sinon il y a du vide, du vide, et ça c’est vrai, mais l’eau, l’eau c’est la seule chose de vrai, que tu boucles, tu boucles contre du vide, le vide il n’y a que ça de vrai, et tu boucles, tu boucles car sinon c’est [ RIEN ], un [ RIEN ] ça c’est vrai, et dans...
Journal de Quelque Part
20 octobre. Premier jour en CAP cuisine. J’ai fait des crêpes hier soir. Trop pour moi toute seule. Frappé chez la voisine vers 8 heures, il faisait pas bien jour encore. Elle a entrebâillé sa porte juste assez pour l'assiette de crêpes et dissimuler ou découvrir sa petite mine au réveil. On habite le même bâtiment HLM, on y est pas mal loties, on...
L’hôtesse de l’air
Depuis que je suis hôtesse de l’air je l’ai bien compris / Ce que c’est, la vie, quand ailleurs ne signifie plus rien / Après avoir mangé ailleurs dormi ailleurs été malade ailleurs d’avoir trop bu et trop couché ailleurs / Après avoir rêvé tellement d’ailleurs ailleurs / Dans tant et tant d’hôtels / Avec tant et tant de draps blancs et de...
Varadero
Segmentation vacancière. À gauche les pauvres, les Cubains, avec dix kilomètres de plages paradisiaques, sable blanc et fin, mer bleue translucide, quelques baraques de roche et paille, des palmiers, des pélicans en liberté, la pêche et le soleil. À droite les riches, les autres, avec dix kilomètres de plages bétonnées, des hôtels « all-...
L’ailleurs se vexe
L’ailleurs se vexe et se renfrogne si l’importun n’y va pas alors qu’on l’y avait formellement invité. / L’ailleurs retrouve la joie de vivre quand enfin il aide la femme battue à faire ses propres cartons moins bleus. / L’ailleurs suppose qu’on serait mal quelque part au lieu d’être bien là-bas. / L’ailleurs brandit le poing fermé sur fond...
Après le dégoût
Maintenant que je suis mort, je vois tout. Alors je te regarde. J'ai été là pour te voir grandir avec l'envie profonde, presque originelle, d'être ailleurs. J'ai été le seul témoin de ton monde froid, vide, inhospitalier et mon inquiétude pour toi ne cessait de croître. Je ne suis pas mort en paix et la vigilance douloureuse que...
Déracinée
La dernière image, ce sont des mouchoirs rouges et blancs, qui tournaient au dessus de leur tête comme des hélices. Toutes les couleurs s’envolaient vers le ciel, comme des cerfs-volants, et c’était peut-être bien des cerfs-volants que l’on voyait au fond, tout là-bas, vers le phare du Bouraz. Moi, je ne savais pas que c’était le...
Pile & Face
Pile / Ailleurs l'herbe est plus verte. Les moutons sont noirs façon limousines, il pleut moins et ils votent mieux façon responsables. Quelle paix propreté aussi. Quelle ingéniosité et pourtant quelle simplicité pour que la poule y retrouve toujours ses petits. On ne lui volera pas un œuf, de toute façon, tout y est très...
Ce qui existe
I / Quelquefois c'est là, voile de mémoire danse, scintille, appelle, effleure. Une joie ancienne, comme une idée de joie s'éparpille. Au-dessus des cadeaux, zébrées de feuilles de gel, les vitres étincellent. / Ce que tu étais, tu ne le rejoins plus. / Il neigera un silence épais et sans refuge. Le temps s'en emparera. / Il y aura ce...
Digression
Être ailleurs. la tête à autre chose. choses dans la tête. à l'ouest dans les limbes très loin oui très loin on dit dans la lune on dit perdu dans les nuages aux abonnés absents. / Dans le vague. ce terrain familier. Indéfinissable. / Acuité visuelle momentanément...
En partance
Partir passer par les ailleurs toujours aller respirer ample traverser le ruban gris d’une route infinie perçant un plateau d’altitude entre des massifs de montagnes mordorées horizon spacieux sur lequel j’erre verticale seule / un doigt qui boit le thé / un ciel d’hiver à mes pieds / toujours le monde si vaste si grand / je...
Au point de n’avoir plus d’âge
J'ai grandi dans la certitude que je tenais le monde dans mes mains en scrutant les cartes que les géographes avaient dessinées. Je devais peut-être cette conviction à mon père qui, par ses longs voyages, me contraignait à le suivre en promenant mes yeux sur les planisphères. Et parce qu'il dessinait les cartes marines, je tenais pour...
L’automne à Brooklyn
Je pense à tout ce que les télécommunications ont fait de bien et de mal / à mes relations / Je pense à toutes les fois où je me suis dit « mais non, non, / ça ne peut pas finir là à cause d'une panne de portable » / ou d'une erreur d'affranchissement / ou d'une rupture mais de réseau / Je pense à Karine et à cette...
En-deçà
Tu as planté tes griffes, tout ton corps s'est plaqué, tes yeux se sont ouverts sur quelque part très loin (bien au-delà de moi) dont la vision soudaine les a illuminés, ta bouche a fait un oh qui est resté muet, le temps s'est arrêté / et s'est réenclenché mais j'avais pu...
Littérature de gares
Elle me dit en plaisantant : tu as peur de te sédentariser et je rêvai que je partais en voyage en laissant ma demeure à ciel ouvert. / L'eau des larmes recueillies avec patience se renverse sur un quai. Un haut-parleur annonce : retard prolongé, sans précision de durée. Les dés sont jetés et surgissent les lignes d'un texte si essentiel...
DISPERSION : AILLEURS et LITTERATURE
"On ne voyage pas pour se garnir d'exotisme et d'anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels." - Nicolas BOUVIER
DISSECTION (questions à) : Antoine EMAZ
Écrivez-vous plutôt pour ou contre, dans ou hors, malgré ou à propos de ? Pour les poèmes, plutôt « contre », « dans », « malgré ». Pour la critique, ce serait plutôt « pour », « hors », « à propos de..."
DISJONCTION (regards croisés sur) “ Poupée, anale nationale ” (Alina REYES)
Poupée est l’épouse de Primus, le chef d’un parti d’extrême-droite, le Tronc. Rêvant d’être cheftaine « enpolitic » à la place de « Monmari », elle refuse de se plier à ses ordres matrimoniaux. Il est hors de question d’avoir un « polichineldanltiroir » qui...
DISSIDENCES (coups de cœur de lecture)
- PAULA TOUTE SEULE (Pascaline MOURIER-CASILE) éd. Maurice Nadeau - LA CONDITION PAVILLONNAIRE (Sophie DIVRY) éd. Noir sur Blanc - NUAGES (Boris WOLOWIEC) éd. Le Cadran ligné - IDIOTS NOS HEROS (MOREAU) éd. Théâtre ouvert - ERREUR 404 (Xavier CARRAR) éd. Lansman - L'INCENDIE (A. CHOPLIN / H. MINGARELLI) éd. La Fosse aux Ours - GAGNEUSES (François ESPERET) éd. Le Temps des Cerises - CENTRAL COSMOS (Daniel LABEDAN) éd. La Dragonne
DISGRESSION (aller voir ailleurs) : “Art brut, art policé” par Anne MONTEIL-BAUER
Je suis allée vous voir, Judith Scott. / Au Brooklyn Museum, au quatrième étage. / J’ai recouvert mon corps de pull-overs à cause du froid du mois de février, la tête prise dans les filaments du décalage horaire, des souvenirs et des dictionnaires. / Art brut. / Comme un animal...