La vie amoureuse des rois de France

Le dauphin jette sa gourme

par Jean Prasteau

" Le prince approche l'oeil du trou de la serrure ... Oh ! merveille : il entrevoit une princesse, si belle et si richement vêtue qu'il la prend pour une déesse ... " Pelotonné sur son lit, le bonnet de nuit enfoncé jusqu'aux oreilles, l'enfant de sept ans supplie : " Allons ! La Porte, ne me fais pas languir ... " Chaque soir, son valet contait au jeune Louis XIV une de ces histoires féeriques que les nourrices se transmettaient de génération en génération, surtout celle de Peau d'Âne. C'était une belle occasion de rêver, en effet, pour un prince charmant, que d'écouter le récit des aventures amoureuses d'un jeune collègue, gâté par les fées. La réalité était, hélas !, fort différente. A sept ans, et même avant, le dauphin se trouvait déjà marié ou fiancé, non point à une bergère, mais à une gamine parfois laide comme un pou et incapable de prononcer plus de deux mots en français.

Pour le meilleur et pour le pire

par André Castelot

Pour une princesse étrangère, ce n'était pas une mince affaire que d'épouser un prince français. Il lui fallait se prêter à une comédie qui, aujourd'hui, donne à sourire, mais qui découlait d'une tradition immuable : la cérémonie du mariage par procuration. C'est ainsi qu'à Londres, en 1514, le duc de Longueville épouse au nom de son maître, Louis XII, la ravissante Mary d'Angleterre, soeur d'Henri VIII. Après la cérémonie religieuse, la jeune épousée a été déshabillée et mise au lit en présence de nombreux témoins. Louis de Longueville pénètre alors dans la chambre nuptiale. Il porte une " robe de nuit " et est chaussé de bas couleur pourpre. Avec égards, on lui enlève le bas gauche, puis le duc entre dans le lit et, de sa jambe gauche dénudée, touche la jambe droite et nue de la jolie Mary. Le mariage est alors déclaré « consommé ». Et Longueville sort du lit, sans doute avec quelques regrets.

Le bon plaisir

par Jean Autin

Maldegarde (un nom dont on devrait se méfier!), Guersinde, Régine, Adélaïde et la douce et pieuse Amalberge. Vous connaissez ? Allons, un petit effort... Souvenez-vous ! L'empereur à la barbe fleurie, cela vous rappelle bien des choses : celui qui, en l'an 800, a été couronné par le pape à Rome, celui qui s'est aventuré en Espagne et qui nous a valu la Chanson de Roland, de ce Roland jouant en vain du cor à Roncevaux, celui qui a envoyé dans tout l'Occident ses fameux missi dominici, celui qui vivait dans son vaste palais d'Aix-la-Chapelle où, après un long et fertile régne de quarante-six années, sa dépouille mortelle repose toujours... Alors, vous y êtes? Non, vous n'y êtes point. Car ce Charlemagne, statufié prés de Notre-Dame de Paris en compagnie de ses leudes, ce Charlemagne dont les écoliers font leur saint patron, ce Charles le Grand, ami des arts et des lettres, protecteur des églises, ce vénérable ancêtre... Eh bien, cet homme était un coquin, un gaillard, un vaillant coureur de jupons. Bref, c'était, au-delà de la majesté en ses signes extérieurs, un homme, un vrai, friand de gracieuses créatures et toujours prêt, malgré les soixante-dix printemps de ses dernières années, à sacrifier à Vénus.

Le Vert Galant perd la tête

par Claude Dufresne

Henri IV n'a pas pu fermer l'oeil de la nuit. Durant des heures, il n'a cessé de voir passer devant ses yeux le charmant visage et la fine silhouette de Charlotte de Montmorency. Depuis la veille, depuis que dans la galerie du Bord de l'Eau, au Louvre, il a aperçu la jeune fille qui, au milieu de ses compagnes, répétait un ballet, son coeur et ses sens sont la proie d'un de ces coups de foudre ravageurs que le Vert Galant connaît bien. Cette fois, il semble même que la foudre ait frappé plus fort que jamais, car au petit matin, le roi n'a plus qu'une pensée : voir Charlotte au plus tôt couronner son désir. Par le duc de Bellegarde, l'un de ses fidèles, il a appris que la fille du connétable de Montmorency était fiancée avec un autre de ses amis, François de Bassompierre. Aussi, sans perdre un instant, encore couché, envoie-t-il chercher le vieux compagnon de sa jeunesse et lui tient-il un langage sans équivoque : " Bassompierre, je veux te parler en ami. Je suis devenu amoureux furieux de mademoiselle de Montmorency. Si tu l'épouses et qu'elle t'aime, je te haïrai; si elle m'aime, tu me haïras... Je suis donc résolu de la marier à mon neveu, le prince de Condé. Elle sera la consolation et l'entretien de la vieillesse où je vais désormais entrer. "

Les reines de la main gauche

par Michel de Decker

La personnalisation du pouvoir entre les mains d'un homme - et seulement d'un homme, grâce à l'astucieuse résurrection de la loi salique - conduisit paradoxalement à faire jouer aux femmes de l'entourage royal un rôle politique occulte, insignifiant ou capital selon leur tempérament et leurs ambitions. Les égéries des rois de France ne se contentèrent pas toujours, comme nous l'avons vu aux chapitres précédents, d'embellir leurs nuits. N'est-ce pas le regard fiévreux d'une marquise blonde qui met parfois le feu aux poudres des canons ou renverse tel ministère? C'est pour vivre de belles amours qu'un monarque rattache une province à la couronne ou interdit la pratique d'une religion. N'est-ce pas pour le corps souple d'une jolie maîtresse qu'un roi entreprend des dépenses excessives, construit des châteaux, fait voter des lois? En tout temps de l'histoire de France il convient donc de trouver « la reine de la main gauche » et de mesurer son influence.

Les infortunes de la couronne

par Françoise Kermina

Mal mariés, les premiers Capétiens le furent souvent, leurs unions n'étant pas contractées selon leurs goûts, mais afin d'accroître leurs domaines. Cependant, le plus mal marié d'entre eux fut, à coup sûr, Robert le Pieux, fils d'Hugues Capet, puisque c'est précisément en s'exerçant à la patience dans un enfer conjugal qu'il acquit sa réputation de sainteté. " Jamais couple ne fut plus mal appareillé pour les humeurs, nous dit un vieux chroniqueur, elle était violente, altière, avare, légère et cruelle, lui, au contraire, posé, modeste, libéral, constant et débonnaire. "

Le coeur a ses raisons

par Jacques Levron

On connaît la vieille maxime. Elle s'applique à tous, aux princes comme aux plus modestes de leurs sujets. Des mariages heureux tournent mal; des mariages politiques se transforment en mariages d'amour. Clio s'en moque et continue à tourner inlassablement la roue de l'histoire... Grâce à l'habile sagesse de l'abbé de Saint-Denis, Suger, le royaume capétien, sortait de la torpeur où il s'enlisait depuis prés d'un siècle. Louis VI avait maté les seigneurs de l'Ile-de-France, favorisé la création des communes et, pour couronner tant de succès, l'abbé avait conçu le projet d'unir l'héritier du trône à l'héritière du duché d'Aquitaine. Du coup, le domaine royal s'étendrait jusqu'aux Pyrénées. Quel beau rêve !

Le spectre et la quenouille

par Claude Dufresne

Bien que la loi salique eut, entre autres objets, celui d'écarter les femmes de l'accession au trône de France, bien que des coutumes, qui remontent aux temps les plus lointains, tendent à les écarter de toute forme de pouvoir, l'intelligence, l'obstination et la ruse de nos compagnes leur ont permis souvent de compenser les effets de cette ségrégation. Déjà, à l'époque mérovingienne aussi bien qu'à l'époque carolingienne, des reines comme Frédégonde ou Emma « portaient la culotte » au sens figuré de l'expression, alors que leurs époux royaux Chilpéric ou Lothaire, eux, n'en avaient pas encore découvert les avantages, au sens propre. Mais c'est surtout lorsque les événements les ont placées en face de leurs responsabilités en leur offrant la régence du royaume que les reines de France ont démontré leur capacité ou, au contraire, leur incapacité à gouverner, tout en laissant parfois parler leur coeur aussi haut que leur raison.

De quelques singularités dans les moeurs royales

par Michel de Decker

Puisque, même à la Cour, tout commence par le commencement, penchons-nous d'abord sur le lit des reines en gésine. Surtout, n'ayons pas peur de jouer des coudes car nous ne sommes pas seuls à assister aux accouchements ! Loin s'en faut ! Parfois même, c'est la cohue ! Celle de Fontainebleau, par exemple, le jeudi 27 septembre 1601. Ce jour-là, Marie de Médicis met au monde le futur Louis XIII. " Sage-femme, avait dit Henri IV à Louise Boursier, veille à bien faire ! C'est une chose de grande importance que tu as à manier ! "

Les coups de pied de Vénus

par Romi

Si les chroniques et les Mémoires ont permis de dresser un inventaire de la plupart des maîtresses de Sa Majesté Henri IV, personne n'a jamais pu retrouver le nom de la drôlesse qui lui communiqua la chaude-pisse. Selon Pierre de l'Estoile, la maladie du roi aurait commencé à le tounnenter au cours d'un voyage en Franche-Comté, en octobre 1592 : " Le Jeudy, 8e de ce mois, le roi Henri, étant à Mousseaux, se trouva saisi de la fièvre pour s'être échauffé à jouer au "pale mail" et, après, lui survint une inflammation de la verge, pour laquelle il fallut saigner du pied en l'eau, ce qui l'allégea. Vingt-deux jours après cet incident, Sa Majesté ne pouvait plus uriner et il fallut toute l'habileté de Marescot et Martin pour le tirer d'affaire. "

Les rois mal aimés

par Claude Dufresne

Si le prestige qui, depuis l'aube des temps, s'attache à la dignité royale a permis aux monarques qui se sont succédé sur le trône de France de s'offrir bien des fantaisies et de satisfaire bien des caprices, il ne leur a pas toujours permis de conquérir le coeur de celles qui partageaient leur destin. Les deux raisons principales qui expliquent cet état de fait résident d'abord dans la manière dont les unions étaient contractées : mariés le plus souvent lorsqu'ils étaient encore des enfants, ne s'étant jamais vus avant la cérémonie, les sentiments réciproques des époux royaux n'étaient évidemment pas pris en considération. Par ailleurs, dans la plupart des cas, le roi s'empressait de tromper sa femme, allant comme Henri II, Louis XIV ou Louis XV jusqu'à installer sa favorite à la Cour. On imagine que ce n'était pas là un moyen de réchauffer l'amour de la reine. Aussi il s'établissait très vite entre les souverains une sorte de protocole selon lequel le roi n'honorait la reine de ses faveurs que pour lui faire des enfants; après quoi, il retournait à ses « distractions » habituelles. Entre deux visites nocturnes de son seigneur et maître, l'épouse n'avait plus qu'à faire de la tapisserie, à jouer aux cartes avec ses dames d'honneur ou à rêver à un prince charmant hypothétique. Mais toutes les reines n'étaient pas aussi résignées et, quoiqu'il ne soit guère aisé de tromper un roi, certaines parvinrent à donner quelques coups de canif dans le contrat. Dans ce cas, la situation se trouvait renversée et c'était le roi qui était mal aimé.

C’est la France qui paie

par Jean des Cars

Les gens réputés avares sont capables de générosités diverses, surprenantes et catastrophiques. Les souverains d'hier - et quelques hauts personnages d'aujourd'hui - n'ont pas échappé à ce paradoxe. Avec le recul, il permet de retoucher le portrait de quelques-uns de nos rois. Que des monarques aient eu des faiblesses pour des créatures irrésistibles qui n'étaient pas leur épouse légitime, ce « Crapouillot » en témoigne abondamment. Et s'il est délicat de porter un jugement moral sur ces errements du coeur et du corps, il est encore plus complexe d'évaluer financièrement les cadeaux, largesses, dons et autres gestes de reconnaissance. Avec quels deniers ces primes à l'infidélité, au libertinage mais aussi à la raison d'État étaient-elles réglées? Dans quelle cassette puisaient-ils cette manne, la leur ou celle de la France ? Question simple, réponse complexe.

L’Empereur que l’on n’aimait pas

par André Castelot

" Sire, Mlle Duchesnoy vient d'arriver. - J'ai du travail, qu'elle attende ! » Et Napoléon se replongeant dans ses dossiers, laisse à son valet de chambre le soin de faire patienter la jeune femme, qu'il a pourtant « convoqué » dans un but précis. Deux heures plus tard, la malheureuse attend toujours le bon vouloir de l'Empereur, aussi le valet de chambre se croit-il autorisé à rappeler sa présence à Sa Majesté. " Qu'elle se déshabille et qu'elle se couche ! " réplique Napoléon qui, visiblement, à autre chose en tête que la bagatelle. Effectivement, à six heures du matin, l'Empereur est toujours dans son cabinet de travail, peu soucieux, semble-t-il, des appas de Mlle Duchesnoy. Une dernière fois, le valet vient aux nouvelles : " Que dois-je faire de cette dame ? - Qu'elle se rhabille et qu'elle s'en aille ! " Comme on le voit, par cette anecdote, si l'on excepte les débuts de son mariage avec Joséphine, les affaires de coeur n'occupèrent jamais le premier plan dans la vie de l'Empereur. Pourtant, l'amour devait se révéler tôt à lui.

Les débauchés de la famille

par Michel de Decker

Selon M. Littré, être libertin c'est : 1. Ne pas s'assujettir aux croyances et aux pratiques de la religion. 2. Être désireux d'indépendance. 3. Dépasser la mesure. 4. Aller à l'aventure. 5. Être dissipé, négliger ses devoirs pour le jeu, en parlant d'un écolier. Ce n'est qu'à la sixième définition qu'il se résout, l'austère Littré, à admettre que c'est aussi « être déréglé par rapport à la moralité entre les deux sexes. » Et, de plus en plus téméraire, il va alors jusqu'à placer une citation de J.-J. Rousseau: " Les entretiens polissons préparent les moeurs libertines ! "

Des couples et des couplets

par Guy Breton

L'honneur de partager une couche royale - ou présidentielle - n'est pas sans inconvénient. Surtout en France. Notre peuple qui, dans son bon sens, ne supporte pas que des demoiselles à la cuisse légère dirigent, du fond d'une alcôve, les affaires de l'État, a pris l'habitude, il y a déjà un certain nombre de siècles, de dire en chansons à ces ravissantes et distinguées gourgandines le fond de sa pensée. Et ce fond est rarement aimable ainsi qu'on pourra le constater.

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