Saint-Tropez secret

A bien des égards, Saint-Tropez fait penser à ces vieux et illustres cabots dont on annonce périodiquement la mise à la retraite définitive pour s'apercevoir, quelques mois plus tard, qu'ils sont remontés en douce sur les planches et occupent de nouveau le devant de la scène.

La plus célèbre des Tropéziennes n'aime plus Saint-Tropez. Elle n'aime plus, tout au moins, ce que Saint-Tropez est devenu sous les pressions combinées du snobisme, du tourisme et du mercantilisme. Comme on a déjà pu le voir, Brigitte Bardot n'a jamais caché ses sentiments à cet égard, mais elle s'était exprimée, jusqu'ici, en formules lapidaires, vives et parfois même brutales. Récemment, elle a voulu faire plus et s'expliquer en détails. C'est pourquoi elle a écrit ce texte, publié le 2 mai 1993 par Nice-Matin, édition du Var, où elle dit tout sur Saint-Tropez - sur « son » Saint-Tropez. Ce Saint-Tropez qu'elle a découvert adolescente, dont elle s'est éprise et qu'elle a vu se défigurer et s'avilir sous ses yeux. C est à la fois une lettre d'amour et un cri de colère qu'elle livre ici.

Ramatuelle, comme Saint-Tropez, a les pieds dans l'eau. En affichant un altier recul par rapport à sa jumelle, elle joue un peu le renard trouvant le raisin vert et bon pour les goujats. Les Rome et Albe des Horace et des Curiace ne nourrissaient pas de plus tendres sentiments l'une à l'égard de l'autre. Lorsque Saint-Tropez en a assez de se voir reprocher d'abriter les plages du stupre, elle lui fait observer que Pampelonne-Babylone se trouve située dans la commune de Ramatuelle

Souvenez-vous, ça n'est pas si vieux ... Mars 1992. Comme partout dans le pays, mais en PACA (Provence-Alpes-Côte d 'Azur) un peu plus qu'ailleurs, la bataille électorale fait rage pour les élections régionales. La France entière a notamment les yeux fixés sur le duel qui oppose Jean-Marie Le Pen, président du Front National, à Bernard Tapie, président de l'Olympique de Marseille.

"Au-delà des apparences bon enfant et d'un luxe tapageur - Sodome et Gomorrhe entre pizza et Dom Perignon - , la verte presqu'île est un de ces lieux où règne le Malin. Sous un ciel admirable Valmont et Sade font la ronde."

A Saint-Tropez, rien de plus secret que les maisons. Gardées jour et nuit, protégées par des systèmes d'alarme les plus sophistiqués, cachées le plus souvent derrière de hauts murs, enfouies dans une végétation dense et luxuriante où une maman chimpanzé ne retrouverait pas ses petits, tout est réuni pour que ces maisons soient de rêve... Pourtant, elles font toujours autant phantasmer les voyeurs. A commencer par la célébrissime Madrague (à droite), que le Crapouillot - comme les maisons suivantes - vous montre vue du ciel. A l'origine, maison de pêcheurs de la baie des Canoubiers, la Madrague, qui tient son nom de celui d'un grand filet tendu en cercle pour pêcher le thon en Méditerranée est, aujourd'hui, défendue par deux murs. Dans les années 81, l'épisodique sous-ministre du domaine maritime, Louis le Pensec, se mettra en tête de les faire détruire. Ce qui fera dire à la propriétaire des lieux : « Ici, l'ai mangé mon pain blanc. Maintenant, l'ai du Pensec ! » Contre vents et marées, la Madrague fera de la résistance. Aussi bien aux injonctions de l'administration qu'aux hordes de « blaireaux » qui, chaque été, la prennent d'assaut. Dans l'espoir de...

D'aucuns auront connu le septième ciel grâce à elle. Lui, seulement son Olympe. Il ne pourra donc jamais se compter, du moins à part entière, parmi les « anciens de la BB » .

Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse." Voilà pourtant plus de trente ans que les promoteurs et leurs richissimes clients, sous le regard d' édiles très complaisants, s 'en sont donné à coeur joie pour construire, au mépris des lois et règlements en vigueur, à peu près tout et n'importe quoi. Terre de prédilection de ces requins de l'immobilier: la Côte d'Azur, bien sûr.

Rien ne va plus à Saint-Tropez ! En cette fin juin 93, l'été s'annonce déjà comme un bide monumental. Encore plus que les années précédentes, lesquelles - mais faut-il le rappeler ?- furent des années socialistes. Les agences de location se désespèrent. Les somptueuses villas à 100 000 francs, jusqu'à 250 000 francs et plus, par mois, ne trouvent pas preneur. Pas plus que les boutiques à louer pour la saison.

«Le blaireau», ainsi appelle-t-on, sans gentillesse excessive, le touriste de base - et de masse - qui, chaque année, investit les ruelles et le port de la cité au Bailli de Suffren. L'animal n'est pas trop difficile à saisir: sitôt sorti de son terrier de camping, il joue les furets de la chanson, passant par ici et repassant par là. N'hésitant pas à payer de notre personne, des trous d'eau les plus saumâtres aux campings les plus concentrationnaires, nous l'avons débusqué.

Lorsqu'ils se sont rencontrés - il y a vingt-trois ans de cela - Pierre-Philippe Lambert et Gérard Le Marec s'étaient juré de réaliser un jour un livre sur les insignes et les uniformes portés en France de 1940 à 1944. Dans leur esprit, il ne s'agissait aucunement d'écrire le énième ouvrage sur Vichy ou la Collaboration ou de juger de l'engagement de tel ou tel au côté du Maréchal ou des Allemands - ce qui n'est certes pas la même chose, malgré les dires de certains. Le premier volume est déjà paru l'an passé*, le second sortira au mois d'octobre et le troisième, consacré aux formations militaires· ayant combattu « sous le casque allemand», est annoncé pour 1994.