Vingt ans ont passé. Autant dire une éternité. À deux jours près, le sommet européen du 9 décembre a en effet coïncidé avec le vingtième anniversaire de la conclusion du traité de Maastricht, en date du 11 décembre 1991. Mais cette coïncidence est largement passée inaperçue. Il faut dire qu’il n’y avait guère de raison de commémorer, et encore moins de célébrer l’événement.
La démocratie
L’Euro est mort, nous sommes vivants
Dévaluation, la messe est dite
Ce jeudi 8 décembre, alors que Mario Draghi, dit «Super-Mario», abaissait de 1,25 % à 1 % le principal taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE), il annonçait subrepticement, par la voie d’un simple communiqué de presse, une nouvelle mesure : le LTRO ou «Longer-Term Refinancing Operation». En pratique, cela signifie que, le 21 décembre 2011 et le 29 février 2012, la BCE accordera aux banques des prêts en euros à un taux de 1 % sur trois ans et ce, sans aucune limite de montant.
Egypte: chronique d’une révolution morte-née
Le monde entier, médusé par les images de la place Al-Tahrir, croyait assister à une révolution. C’était une révolution de palais, voire un coup d’État – en tout cas une coproduction entre l’armée et le peuple. Le 14 février 2011, lâché par ses camarades galonnés, Hosni Moubarak était prié de « dégager » après trente ans de règne. En sacrifiant le raïs, les chefs de l’armée espéraient bien sauver le régime – et, par la même occasion, balayer ses fantasmes dynastiques : en prétendant confier sa succession à son fils, Moubarak avait transgressé la loi non écrite qui faisait de l’armée l’arbitre de la politique égyptienne.
Les Serbes, parias de l’Europe
Samedi 10 décembre 2011. Un petit orchestre, avec accordéon et violons, joue sans enthousiasme de vieux airs tziganes devant le Clos Montmartre, à Paris. On y fête le jumelage de la République de Montmartre, née il y a 80 ans, avec le quartier belgradois de Skadarlija : de petites rues pavées descendant du centre-ville vers le quartier juif de Dorcol et le Danube. C’est ici que tout ce que la capitale serbe a connu de révolutionnaires et d’artistes bohèmes, depuis deux siècles, a vécu, vit et vivra.
A l’Est, du nouveau?
Rouge pour communiste, blanc pour tsariste, bleu pour libéral, jaune et noir pour nationaliste : ce 24 décembre, à Moscou, l’opposition est un océan de couleurs qui sont autant d’incarnations des mythologies tissant l’histoire de la Sainte Russie. À la sortie du métro Komsomolskaïa, quelques dizaines de jeunes gens qui déchargent avec application affiches, tracts et pancartes de leurs véhicules arborent des drapeaux frappés de l’aigle impérial. Ils se présentent comme des militants « nationalistes » venus participer à la grande manifestation unitaire contre le tandem Poutine-Medvedev.
La marche turque vers l’Islamisme
«Aujourd'hui, Istanbul a remporté une victoire, mais c’est aussi une victoire pour Sarajevo, Izmir, Beyrouth, Ankara, Damas : une victoire pour Diyarbakir comme pour Ramallah, Naplouse, Jénine, Jérusalem et Gaza. » C’est en ces termes que Tayyip Erdogan, leader du Parti de la justice et du développement (AKP), a célébré sa victoire électorale, le 12 juin 2011.
Le procès d’Altan Hayir
On avait sûrement calomnié Altan Hayir. Car, sans avoir rien fait de ce qu’il considérait être mal, il reçut un matin une injonction de justice. L’espace d’un instant, lorsqu’il ouvrit le pli le convoquant au tribunal, il sua sang et eau, se demandant si le restaurant grec, dont il était le propriétaire, le chef et le serveur, aurait commis quelque infraction contre l’hygiène et la réglementation.
Démocratie, par ici la sortie?
C’est peut-être la seule idée universellement révérée, y compris par ceux qui la bafouent. Les peuples qui en sont privés en rêvent, les monarques et tyrans la promettent tout en la craignant. On salue ses avancées, on déplore ses revers, on recense ses bienfaits, on énumère ses ratés.
Dossier démocratie : Entretien avec Marcel Gauchet
Depuis trois décennies, au gré des traités européens, nos gouvernants cèdent des fractions de la souveraineté nationale, installant en France ce que vous avez qualifié de «sentiment de dépossession». En prime, ils font la danse des sept voiles devant les agences de notation. En somme, après avoir renoncé au pouvoir d’agir sur les choses, nos gouvernants se battent le dos au mur pour en recouvrer une parcelle. Sommes-nous arrivés à l’épuisement du modèle démocratique ?
Modernes, libres et citoyens?
Dans la période que nous vivons, la question de la démocratie a pris un tour paradoxal : s’il existe un consensus quasi planétaire sur les principes démocratiques, le fonctionnement de la démocratie suscite une insatisfaction presque aussi universelle. Pour comprendre ce paradoxe, il faut remonter aux controverses provoquées par les thèses de Fukuyama au moment de l’effondrement du communisme en Europe.
En attendant le printemps français?
Tout a commencé par un beau soir de décembre 2011 : à mon réveil, j’ai trouvé un e-mail ciselé à mon adresse par la reine Élisabeth. Elle voulait bien rappeler à mon attention le dossier de janvier : « Nous l’avons tant aimée, la démocratie ! » Déjà, les questions se bousculaient dans ma tête : quelle démocratie ? Quel amour ? Qui donc était ce « nous » ? Comment dater ce passé composé ? Et surtout, comment faire court ?
Entretien avec Rithy Panh
Vous avez interrogé Duch des heures durant. Avez-vous compris ce qui conduit un être humain à prononcer cette phrase : « La vie des gens était un déchet ; et le plus étonnant est que c’était exactement comme ça dans ma conscience » ?
La méthode d’Hannah Arendt
Trop souvent, nous n’avons d’Hannah Arendt qu’une vue partielle, ou plutôt plusieurs, en apparence disparates : ici ses ouvrages fondateurs sur le totalitarisme, là ses essais éblouissants sur la crise de la culture, ailleurs encore son opposition résolue à ce qui allait devenir la vision dominante de la Shoah (celle d’un événement sorti de l’Histoire et même de l’humanité)… Ces fragments d’une pensée, nous avons peine à les articuler autrement qu’à travers la biographie d’Hannah Arendt, d’autant plus que celle-ci a délibérément refusé de nous livrer son discours de la méthode, affirmant qu’il faudrait pour l’énoncer se placer au-dessus de soi-même, voire en dehors.